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Chemins ruraux : pas d’obligation d’entretien pour les communes sauf si...

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 31 mai 2021, N°19BX00064

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Une commune est-elle tenue d’entretenir un chemin rural dont l’état en cas de fortes pluies rend difficile l’accès à une propriété alors que d’autres chemins ruraux sur la commune ont été goudronnés ?

 
Non, la commune n’a pas d’obligation concernant l’entretien d’un chemin rural, sauf lorsque la commune a réalisé des travaux destinés à assurer ou améliorer la viabilité du chemin, la jurisprudence considérant alors qu’elle en a de fait accepté l’entretien. Certes les dépenses d’entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes par les articles L141-8 du code de la voirie routière, L.2321-2 du code général des collectivités territoriales. Mais, ces dépenses obligatoires d’entretien ne concernent que les voies communales dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune.

En l’absence d’obligation légale d’entretien des chemins ruraux, la responsabilité de la commune propriétaire du chemin ne peut être recherchée pour défaut d’entretien normal.
Il en va différemment lorsque postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, les communes ont exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d’en assumer, en fait, l’entretien.

Ces principes s’appliquent également à la communauté de communes à laquelle la compétence voirie a été transférée. Le fait que la communauté de communes soit intervenue une seule fois pour dégager la boue résultant des intempéries de l’été ne permet pas de caractériser sa volonté d’assurer l’entretien du chemin.

Il est enfin indifférent que d’autres chemins ruraux aient été goudronnées sur la commune : il ne s’agit pas d’une rupture d’égalité dès lors que la différence de traitement se justifie par une différence de situation.

 
 
 
 

 

 

Pour accéder à sa parcelle sur laquelle se situe un vieux moulin à restaurer, un propriétaire emprunte un chemin rural.

 

Estimant que l’état du chemin rural rend difficile l’accès à sa propriété (en cas de fortes pluies, le chemin devient impraticable), il demande tant à la commune qu’à la communauté de communes de procéder aux opérations de remise en état, de goudronnage et d’entretien du chemin rural. Il requiert parallèlement un entretien du fossé attenant au chemin rural, du fossé privé creusé sur sa propriété et l’enlèvement de la buse par laquelle les eaux du chemin rural se déversent dans son fossé privé. Une indemnité est également demandée au titre de la réparation des préjudices subis.

Face au rejet implicite de ses demandes par les autorités concernées, le riverain s’adresse au tribunal administratif de Bordeaux afin qu’il impose à la commune et à la communauté de communes d’exécuter les travaux d’entretien et qu’il les condamne à lui verser une somme de 33 000 euros de dédommagement.

 

Ses prétentions sont rejetées, ce que confirme la cour administrative d’appel.

Absence d’obligation d’entretien

En effet, contrairement à ce que soutient l’intéressé, la commune n’a pas d’obligation concernant l’entretien d’un chemin rural.

 

Certes les dépenses d’entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes par les articles L141-8 du code de la voirie routière, L.2321-2 du code général des collectivités territoriales.

 

Mais, ces dépenses obligatoires d’entretien ne concernent que les voies communales dont ne font pas partie les chemins ruraux : « Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune » (Article L.161-1 du code rural et de la pêche maritime).

Sauf volonté de la collectivité d’en assumer l’entretien

Le principe supporte cependant une exception : lorsque la commune a déjà réalisé des travaux destinés à assurer ou améliorer la viabilité du chemin, la jurisprudence considère qu’elle en a de fait accepté l’entretien (CE, 26 septembre 2012 : n°347068). L’occasion de rappeler que si les communes acceptent de commencer à entretenir un chemin rural, elles s’engagent pour l’avenir à poursuivre cet entretien.

 

Au cas présent, la volonté de la commune d’assumer l’entretien de ce chemin n’est établie :

 ni par les attestations versées au dossier par le riverain. Ces attestations relatives à des travaux effectués pour déblayer le chemin ne sont pas assez précises pour justifier la nature des travaux et la qualité des personnes qui les ont entrepris ;

 ni par les propos du maire lequel a déclaré dans un entretien que ce chemin a donné lieu à un dépôt de graves (Il a été jugé que deux épandages de gravier sur un chemin rural ne suffisent pas à établir que la commune aurait en fait accepté d’assumer l’entretien de ce chemin rural - CAA Marseille, 19 mars 2001 : n°97MA01428) et qu’il est « entretenu comme les autres ». Pour le juge, il s’agit seulement d’une intervention ponctuelle et limitée ;

 ni par le fait que la commune aurait procédé à des travaux d’entretien sur d’autres chemins ruraux.

Un principe également applicable à la communauté de communes compétente en matière de voirie

Ce principe de l’absence d’obligation d’entretien, régulièrement rappelé par la jurisprudence, est également applicable à la communauté de communes compétente depuis 2011 en vertu du transfert de compétences (CE, 24 novembre 2006 : n° 264592).

 

En effet, à la date de la décision implicite de rejet du maire, la compétence en matière de voirie appartenait à la communauté de communes laquelle était chargée en vertu de ses statuts de l’entretien des chemins ruraux desservant des habitations ou reliant deux voies entre elles.

En application de l’article L.1321-1 du code général des collectivités territoriales ce transfert de compétence a entraîné de plein droit la mise à la disposition de la communauté de communes des biens meubles et immeubles utilisés pour l’exercice de cette compétence.

 

Le juge relève que la mise à disposition des voies communales, rues et chemins ruraux a été établie par une convention passée entre la commune et la communauté de communes et que le chemin rural menant à la propriété du requérant y est bien mentionné.

 

La communauté de communes étant soumise aux mêmes obligations que la commune antérieurement compétente (Article L.1321-2 du code général des collectivités territoriales), elle ne peut se voir imposer une obligation d’entretien du chemin rural.

 

Il en aurait été autrement si l’établissement public de coopération intercommunale avait lui-même « exécuté des travaux destinés à en assurer ou en améliorer la viabilité et ainsi, accepté, en fait, d’en assurer l’entretien », ou précise la cour administrative d’appel, si la commune avait accepté d’assurer l’entretien du chemin lorsqu’elle était encore compétente en la matière.

 
Le fait que la communauté de communes soit intervenue une seule fois pour dégager la boue résultant des intempéries de l’été ne permet pas de caractériser la volonté de la communauté de communes d’assurer l’entretien du chemin.
 
 Dans ces conditions, la communauté de communes n’était pas tenue de procéder à l’entretien du chemin (…), du fossé attenant et d’enlever la buse ».
 

Enfin, s’agissant du fossé privé creusé par la commune sur la propriété du requérant afin de permettre l’évacuation des eaux pluviales provenant du chemin rural, le juge relève que ni la commune ni la communauté de communes ne se sont engagées à prendre en charge son entretien. Elles ne peuvent être déclarées responsables de l’entretien de ce fossé.

 

La légalité des décisions implicites de rejet de la commune et de la communauté de communes est donc confirmée.

Rejet des prétentions indemnitaires

En l’absence de travaux d’entretien destinés à assurer ou à améliorer la viabilité du chemin rural le propriétaire ne peut pas soulever le fondement juridique du défaut d’entretien normal pour rechercher la responsabilité des deux personnes morales de droit public. Ce régime de responsabilité pour faute présumée ne s’applique que dans où la commune a exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité (ouvert à la circulation publique, le chemin rural est un ouvrage public, les travaux effectués sur le chemin ont alors la qualité de travaux publics - CE, 6 novembre 1974 : n°91.044).

 

Au cas présent, la commune et la communauté de communes « n’ont méconnu aucune obligation en n’effectuant pas l’entretien de ce chemin, de sorte que ni la responsabilité de la commune de Galapian, ni celle de la communauté de communes du Confluent et des coteaux de Prayssas ne peuvent être engagées du fait de l’absence d’entretien du chemin ».

Pas de défaillance dans l’exercice du pouvoir de police

Le propriétaire développait un autre argument reprochant à la commune d’avoir manqué à son obligation d’assurer la sécurité du chemin et de veiller à ce que les services de secours puissent y accéder en vertu de l’article L161-5 du code rural et de la pêche maritime.

 

En effet le pouvoir de police du maire s’exerce sur toutes les voies ouvertes à la circulation publique, y compris sur les chemins ruraux.

 

La cour administrative d’appel rappelle ainsi que le pouvoir de police et de conservation conféré à l’autorité municipale par les articles L161-5, D161-10 et D161-11 du code rural et de la pêche maritime permet au maire de réglementer et au besoin d’interdire la circulation sur les chemins ruraux. Pour autant, ce pouvoir n’a pas pour effet de mettre à la charge de la commune une obligation d’entretien des chemins ruraux.

 

Le juge estime que l’argument du propriétaire ne se rattache pas à l’exercice du pouvoir de police mais à l’entretien du chemin. Par conséquence, aucune faute ne peut être invoquée à l’encontre de la commune.

Absence de rupture d’égalité

Enfin, le requérant ne peut prétendre à une quelconque indemnité sur le fondement de la responsabilité pour rupture d’égalité au motif que d’autres chemins ruraux avaient été goudronnés. L’argument est écarté, la différence de traitement se justifiant par une différence de situation.