Une entreprise d’opération funéraire détruit par erreur une concession : la responsabilité de la commune peut-elle être engagée ?
Oui dès lors que le pouvoir de police du maire en matière funéraire lui impose d’assurer « la surveillance et l’entretien des cimetières ». Ainsi dans le cas de travaux confiés à des intervenants autorisés à rentrer dans l’enceinte d’un cimetière, l’autorité municipale doit « veiller par des mesures appropriées au respect de l’intégrité de l’ouvrage public et des concessions qui s’y trouvent ». La commune ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’erreur de l’entreprise d’opération funéraire à l’origine de la réalisation à tort de travaux de reprise sur la concession funéraire. A charge ensuite pour la commune d’engager le cas échéant une procédure contre l’entreprise fautive.
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Lors de travaux de reprise d’une concession funéraire abandonnée, l’entreprise d’opération funéraire détruit par erreur la concession voisine. Constatant cette destruction ainsi que la disparition du corps qui y était inhumé, la compagne et les enfants du défunt recherchent la responsabilité de la commune. Les requérants mettent en exergue la carence du maire à leur garantir une jouissance paisible de leur concession funéraire et plus précisément à surveiller les travaux effectués à l’intérieur du cimetière et à les prévenir des dégradations. Outre la réparation du préjudice matériel, les proches demandent que la commune soit condamnée à leur verser à chacun 20 000 euros au titre du préjudice moral subi.
Une faute dans l’exercice du pouvoir de police
Le maire exerce la police des funérailles et des cimetières conformément aux dispositions du Code général des collectivités territoriales (voir notamment les articles L.2213-8, L.2213-9 et s’agissant des concessions les articles L.2223-13, L.2223-14).
Le tribunal rappelle ainsi qu’au titre de ses pouvoirs de police le maire doit notamment assurer « la surveillance et l’entretien des cimetières ».
Plus précisément « dans le cas de travaux confiés à des intervenants autorisés à rentrer dans leur enceinte », l’autorité municipale doit « veiller par des mesures appropriées au respect de l’intégrité de l’ouvrage public et des concessions qui s’y trouvent. Le maire doit veiller à ce que les bénéficiaires de concessions funéraires et leurs ayants-droit ne puissent être troublés dans l’exercice exclusif de ce droit d’usage et de jouissance et ce, pendant toute la durée de validité de ces titres ».
Au cas présent, le tribunal estime que le maire de la commune a commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police : la concession a été détruite alors que la famille avait pris soin de la renouveler pour une durée de 15 ans et le corps a été exhumé sans qu’aucun membre de la famille n’ait fait de demande en ce sens ni donné son accord.
Et la commune ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant l’erreur de l’opérateur funéraire à l’origine de la réalisation à tort de travaux de reprise sur la concession funéraire. A charge ensuite pour la commune d’engager le cas échéant une procédure contre l’entreprise fautive.
💥 La surveillance porte également sur les travaux exécutés par les concessionnaires, pour éviter qu’ils n’empiètent sur les autres concessions : le maire commet une faute en ne surveillant pas l’exécution des travaux commandés par un concessionnaire afin d’empêcher l’empiétement de la concession par la dalle funéraire de la concession voisine (CAA Nancy, 2 juillet 1991 : n°89NC01389). |
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Préjudice moral résultant de l’impossibilité de se recueillir sur la tombe du défunt
Concernant la réparation du préjudice matériel (un peu plus de 2400 euros), le tribunal juge légitime le souhait des requérants, au regard de la perte de confiance ressentie, de vouloir inhumer la dépouille de leur père ou compagnon dans un autre cimetière (la dépouille avait été localisée et il était possible de la réintégrer dans la concession familiale). Les frais de déplacement de la dépouille dans un autre cimetière seront donc à la charge de la commune.
Le préjudice moral des requérants est évalué à 1500 euros réparant l’affection résultant de la destruction de la concession funéraire où était inhumé leur proche et par l’impossibilité de se recueillir sur la tombe de celui-ci jusqu’à sa nouvelle inhumation.
Une commune engage-t-elle sa responsabilité si, en l’absence de plan de gestion du cimetière, elle a successivement attribué la même parcelle à deux concessionnaires différents ? |
Tribunal administratif de Bordeaux, 17 octobre 2022, n°2100352 (PDF) *
(*Merci aux éditions Lexis Nexis pour la communication du jugement)
[1] Photo : Einar Storsul sur Unsplash