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Enfant mordu par des chiens errants : pouvoirs et responsabilités du maire

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 10 novembre 2021, N°1806196

Les échecs successifs de la police municipale à capturer des chiens errants ayant mordu un enfant peuvent-ils caractériser une carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et engager la responsabilité de la commune ?

Non répond le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dès lors que la commune a mis en œuvre tous les moyens dont elle disposait pour tenter de capturer ces animaux.
En effet la commune ne s’est pas contentée d’édicter une réglementation, elle s’est également équipée de moyens adaptés à la capture des chiens, elle adhère à une fourrière départementale, elle dispose d’un registre des chiens errants. De plus, alertée plusieurs fois par des riverains sur la présence de chiens errants et agressifs, la police municipale est intervenue pour capturer ces animaux divagants sur le territoire communal et plus spécifiquement dans le quartier lieu de l’agression. Dès lors, et eu égard « aux difficultés inhérentes à l’exécution de cette mission », le maire n’a fait preuve d’aucune carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police estime le tribunal.

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En traversant un terrain vague situé sur une commune du Val-d’Oise, un enfant âgé de 11 ans est attaqué par trois chiens errants. Des policiers municipaux, alertés par un témoin, mettent en fuite les chiens et en capturent un (le chien sera finalement abattu).

Les parents de l’enfant portent plainte, une information judiciaire est ouverte contre X des chefs de blessures involontaires par propriétaire ou détenteur d’un chien et de mise en danger de la vie d’autrui par manquement délibéré à une obligation réglementaire de prudence ou de sécurité.

Dans le cadre de cette information judiciaire le maire de la commune est entendu sous le statut de témoin assisté. Il obtient un non-lieu :

« Les dispositions de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales (…) n’instaurent pas à la charge du maire une obligation de prudence ou de sécurité dont l’inobservation peut être sanctionnée pénalement ».

Au cours de cette enquête les propriétaires des chiens n’ont pas pu être identifiés.

Après avoir indemnisé les parents de la victime le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) adresse une demande indemnitaire préalable à la commune pour obtenir le remboursement des sommes versées (un peu plus de 1 million d’euros). La demande est implicitement rejetée par la collectivité. Le FGTI recherche alors devant le juge la responsabilité de la commune.

Contrairement à ce que soutient le FGTI, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise considère que le maire n’a pas fait preuve de carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police et déboute le FGTI de sa demande. La commune bien défendue par Me Corneloup, avocat du réseau de SMACL Assurances, a pu en effet démontrer qu’elle avait fait preuve de diligences et rempli ses obligations.

Chiens errants : définition et pouvoirs du maire

Aux termes de l’article L.211-23 du code rural et de la pêche maritime, "est considéré comme en état de divagation tout chien qui, en dehors d’une action de chasse ou de la garde ou de la protection du troupeau, n’est plus sous la surveillance effective de son maître, se trouve hors de portée de voix de celui-ci ou de tout instrument sonore permettant son rappel, ou qui est éloigné de son propriétaire ou de la personne qui en est responsable d’une distance dépassant cent mètres. Tout chien abandonné, livré à son seul instinct, est en état de divagation, sauf s’il participait à une action de chasse et qu’il est démontré que son propriétaire ne s’est pas abstenu de tout entreprendre pour le retrouver et le récupérer, y compris après la fin de l’action de chasse".

Au titre de son pouvoir de police générale le maire est compétent pour lutter, prendre des mesures efficaces contre la divagation des animaux et faire cesser les dommages résultant de l’errance d’animaux sur le territoire communal :

« La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : Le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces » (article L.2212-2 7° du Code général des collectivités territoriales).

De plus, le code rural et de la pêche maritime confère au maire un pouvoir de police spéciale.

Pour empêcher la divagation des chiens (et des chats), le maire est tenu de prendre des mesures. Ainsi, il peut ordonner que ces animaux soient tenus en laisse et que les chiens soient muselés. Le maire doit prescrire que les chiens (et les chats) errants soient conduits à la fourrière où ils sont gardés pendant les délais fixés aux articles L. 211-25 et L. 211-26 (Article L.211-22 du Code rural et de la pêche maritime).

🔎 Nouveautés introduites par la loi sur la maltraitance animale


 S’agissant de la fourrière, l’article L211-24 du code rural et de la pêche maritime (version en vigueur depuis le 2 décembre 2021, modifié par la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale) dispose que :
« Chaque commune ou, lorsqu’il exerce cette compétence en lieu et place de ladite commune, chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dispose d’une fourrière apte à l’accueil et à la garde, dans des conditions permettant de veiller à leur bien-être et à leur santé, des chiens et chats trouvés errants ou en état de divagation, jusqu’au terme des délais fixés aux articles L. 211-25 et L. 211-26.
Cette fourrière peut être mutualisée avec un autre établissement public de coopération intercommunale ou avec un syndicat mixte fermé.
La commune compétente peut mettre en place une fourrière communale sur son territoire ou disposer du service d’une fourrière établie sur le territoire d’une autre commune, avec l’accord de cette commune.
Lorsqu’elle ne l’exerce pas en régie, la commune peut confier le service public de la fourrière à des fondations ou associations de protection des animaux disposant d’un refuge, sous forme de délégation de service public et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ».
La fourrière a une capacité adaptée aux besoins de chacune des communes pour lesquelles elle assure le service d’accueil des animaux en application du présent code. Cette capacité est constatée par arrêté du maire de la commune où elle est installée ».

 Concernant la restitution de l’animal : l’animal placé en fourrière ne peut être restitué à son propriétaire qu’après paiement des frais de garde. « En cas de non-paiement, le propriétaire est passible d’une amende forfaitaire dont les modalités sont définies par décret ».
La loi du 30 novembre 2021 prévoit que lorsque l’animal trouvé errant et identifié n’a pas été gardé à la fourrière, il peut être restitué par les policiers municipaux et gardes champêtres à son propriétaire contre le paiement d’un versement libératoire forfaitaire dont le montant est fixé par arrêté du maire.

Pouvoirs élargis en cas de danger grave et imminent

Le juge rappelle également les dispositions de l’article L.211-11 II du code rural et de la pêche maritime aux termes duquel « en cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie ».

Dans ce cas, précisons que l’autorité chargée de la police municipale ne saurait prescrire la mise à mort sans condition ni délai d’un animal qu’en vue de parer un danger grave et immédiat (CAA Marseille, 8 juillet 2010 : n°08MA04943).

Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien de première catégorie (chien d’attaque) ou seconde catégorie (chien de garde et de défense), dont la liste est fixée par l’arrêté du 27 avril 1999 (NOR AGRG990639A), qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse, ou dont le propriétaire ou le détenteur n’est pas titulaire de l’attestation d’aptitude prévue au I de l’article L. 211-13-1 du code rural.

L’article L.211-11 II du code rural ajoute que « l’euthanasie peut intervenir sans délai, après avis d’un vétérinaire désigné par le préfet. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l’animal. A défaut, l’avis est réputé favorable à l’euthanasie ».

Absence de carence dans l’exercice des pouvoirs de police

L’édiction de mesures réglementaires interdisant la divagation d’animaux ne suffit pas, le maire doit également engager des démarches pour tenter d’assurer le respect effectif de cette interdiction (comme pour toute mesure de police), le cas échéant, la responsabilité de la collectivité peut être recherchée pour faute dans l’exercice des pouvoirs de police.

Au cas présent, la présence de chiens errants et agressifs dans le quartier avait été signalée plusieurs fois à la commune quelques mois avant l’agression.

Et la commune n’est pas restée inactive après avoir édicté une réglementation concernant les chiens errants. En effet, le juge constate que la collectivité :
 s’est équipée des moyens adaptés à la capture de chiens ;
 a adhéré à une fourrière départementale gérée par un syndicat mixte ;
 dispose d’un registre des chiens errants. D’ailleurs, 17 animaux divagants sur le territoire communal ont été capturés dans les trois mois précédents l’agression, et des procès-verbaux de contravention étaient régulièrement dressés « à l’encontre des propriétaires d’animaux indélicats ».

S’agissant plus précisément du quartier dans lequel a eu lieu l’agression, la police municipale s’y est rendue à cinq reprises au moins à la suite d’appels téléphoniques de riverains faisant état de la présence de chiens errants. Une des interventions a d’ailleurs permis la capture d’un chien.

Par conséquent, le juge estime qu’« il ne résulte pas de l’instruction que la police municipale n’ait pas pris au sérieux les alertes et se soit abstenue de mettre en œuvre les moyens dont elle disposait pour tenter de capturer ces animaux ».

Peu importe que certaines interventions aient été menées en vain (les animaux ayant quitté les lieux à l’arrivée de la police municipale), ces échecs « ne suffisent pas à caractériser une carence dans l’exercice par le maire de ses pouvoirs de police » compte tenu des « difficultés inhérentes à l’exécution de cette mission ».

Toutes ces actions montrent que la commune a tenté de faire cesser les troubles. Sa responsabilité ne peut être engagée. Le FGTI est débouté de sa demande en réparation. La Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 29 novembre 1990 : n°89NT01339) avait déjà statué dans le même sens dans une affaire où les services municipaux étaient intervenus plusieurs fois mais sans succès pour tenter de capturer un chien errant.

🔎Pour plus d’illustrations sur la police des animaux

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 10 novembre 2021, N°1806196 (PDF)

[1Photo : Jordan Whitt sur Unsplash