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Nuisances sonores causées par la violation du règlement intérieur d’une salle des fêtes : il faut sanctionner

Tribunal administratif Orléans, 8 février 2021 : N°1900978 (PDF)

Nuisances sonores causées par la violation du règlement intérieur de la salle des fêtes : la responsabilité de la commune peut-elle être engagée si le maire s’abstient de sanctionner les contrevenants bien que la collectivité ait engagé d’importants travaux de mise en conformité ?

 

Oui : l’adoption du règlement intérieur et les travaux de mise en conformité n’exonèrent pas la commune si les utilisateurs de la salle ne respectent pas les règles. Le maire a en effet l’obligation de prendre les mesures appropriées pour prévenir et réprimer les bruits de nature à troubler le repos et la tranquillité publique. Au cas présent, le juge reproche au maire de ne pas être intervenu pour sanctionner les manquements répétés au règlement intérieur des locataires de la salle des fêtes municipale (une clause du règlement intérieur interdisait d’utiliser des moyens de sonorisation amplifiée à l’extérieur de la salle). Cette inaction caractérise une faute dans l’exercice de pouvoirs de police, le maire n’ayant pas mis en œuvre toutes les mesures appropriées pour mettre fin rapidement aux troubles malgré leur persistance et leur intensité.
 

Les voisins d’une salle des fêtes d’une commune d’Eure-et-Loir [2] saisissent en 2019 le tribunal administratif d’Orléans d’une demande en réparation de leurs préjudices en raison des nuisances sonores qu’ils estiment avoir subis depuis 7 années, leur maison d’habitation étant située à 35 mètres de cette salle.

 

A l’appui de leur demande, ils dénoncent notamment :

  •  une absence totale de surveillance de la part de la mairie ;
  • une absence totale de maîtrise automatique du niveau sonore diffusé tant à l’extérieur qu’à l’intérieur ;
  • des manquements répétés des locataires de la salle aux obligations imposées par le contrat de location…

Depuis 2014, les requérants ont adressé plusieurs courriers au maire dans lesquels ils se plaignent des nuisances sonores générées par l’utilisation d’enceintes à l’extérieur de la salle. En réponse, le maire a sollicité une étude d’impact des nuisances sonores. Un rapport du bureau d’études acoustiques avait été remis fin 2015 préconisant certaines installations.


La commune n’est pas restée inactive (étude d’impact, achat de matériel, adoption d’un règlement intérieur)...

 

En 2016, suite à de nouvelles plaintes (persistance des nuisances sonores se poursuivant jusqu’à trois heures du matin), le maire avait pris de nouvelles dispositions :
▪ achat d’une sonorisation comme préconisé par le rapport ;
▪ modification du règlement intérieur de la salle des fêtes notamment pour interdire l’utilisation des moyens de sonorisation amplifiée à l’extérieur, obliger les locataires à abaisser le niveau sonore à partir de minuit et cesser tout bruit après trois heures du matin, interdire de laisser portes et fenêtres ouvertes au-delà de vingt-deux heures…

 

Ce règlement est affiché dans la salle et est remis à chacun des candidats à la location (sur l’intérêt d’adopter un règlement intérieur voir CAA Bordeaux, 13 février 2007 : n°04BX00662).

 

La commune s’engage également à rappeler les consignes de respect du voisinage aux utilisateurs lors de la remise des clés, de limiter l’accès à la salle à trois prestataires agréés et à mettre en place un dispositif de renvoi automatique des appels téléphoniques émis par les riverains au numéro d’astreinte de la mairie vers celui du prestataire agréé présent dans la salle des fêtes.

 

Mais, un rapport d’expertise ordonnée par le juge des référés fin 2016 conclut que la sonorisation mise en place ne permet pas de respecter les valeurs limites de pression acoustique... Pour se conformer aux prescriptions réglementaires relatives aux niveaux d’émergence sonore, la commune décide en 2017 d’effectuer des travaux de sonorisation conformément aux préconisation de l’expert : pose d’un limiteur de pression sonores du niveau émis, et pose d’un contacteur de déclenchement de coupure de sonorisation sur la porte d’issue de secours faisant face à la propriété des requérants.


... Mais elle aurait dû sanctionner les violations répétées du règlement intérieur

Mais les troubles persistent, malgré les mesures prises et les travaux importants entrepris par la commune pour rendre les niveaux d’émergence sonore en provenance de la salle des fêtes conformes aux prescriptions réglementaires.

 

Le juge constate que « ces mesures n’ont pas permis de réduire de manière satisfaisante les nuisances sonores ».

 

En effet, à plusieurs reprises, les locataires de la salle n’ont pas respecté le règlement intérieur en utilisant des moyens de sonorisation amplifiée à l’extérieur (constats d’huissier à l’appui).

Compte tenu de la persistance et de l’intensité de ces troubles, le maire aurait dû intervenir. Le juge sanctionne donc la carence de l’autorité municipale dans l’exercice de ses pouvoirs de police sur le fondement de l’article L2212-2 du code général des collectivités territoriales.

« Il incombe au maire, chargé de la police municipale, de prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher, sur le territoire de sa commune les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants ».

 

Au cas présent, les manquements répétés au règlement intérieur n’ont pas été sanctionnés (aucune contravention dressée), l’autorité municipale n’étant jamais intervenue pour faire respecter la réglementation. La responsabilité pour faute de la commune est donc retenue.

 
En 2016 le Conseil d’Etat a retenu la responsabilité d’une commune en raison de nuisances sonores « faute notamment pour le maire d’avoir sanctionné les manquements répétés des usagers aux obligations rappelées par des arrêtés municipaux » - les mesures prises visant à limiter les nuisances sonores de la salle des fêtes n’ayant pas permis de réduire de manière satisfaisante les troubles constatés. En l’espèce des particuliers avaient demandé en 2010 au tribunal administratif de condamner la commune à les indemniser des préjudices subis du fait des manifestations se tenant dans la salle des fêtes municipale construite en 1983 sur une parcelle jouxtant leur propriété. La prescription n’avait pas été retenue, les nombreux courriers de réclamation adressés en mairie ayant un effet interruptif (CE, 3 février 2016 : n° 381825).
 

La commune est condamnée à verser 5000 euros au titre du préjudice de jouissance, 15309 euros au titre des honoraires et frais d’expertise et 6500 euros au titre des frais exposés par les requérants (établissements de procès-verbaux de constat d’huissier).

 
 📌Certaines communes exigent dans le règlement de la salle le versement d’un "chèque de caution bruit" qui n’est pas restitué si l’adjoint de permanence ou la police municipale a reçu des plaintes du voisinage et ont constaté dans un procès-verbal un tapage nocturne.
📌 Le maire, comme les adjoints peuvent, en leur qualité d’officier de police judiciaire dresser procès-verbal dès lors qu’il y a un bruit portant atteinte à la tranquillité publique. Aucune mesure acoustique n’est nécessaire pour le constat des bruits de comportements (aboiement de chiens, appareils bruyants, musique provenant d’un logement ou d’une salle des fêtes…). En revanche, les bruits de voisinage liés à une activité professionnelle ou à une activité culturelle, sportive ou de loisirs organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation doivent faire l’objet de mesures acoustiques d’évaluation de l’émergence.
📌 Dans le domaine de la répression, le maire (ou un adjoint, ou la police municipale) peut constater les infractions :
 pour non respect d’un arrêté municipal de mise en demeure ou réglementant le bruit (contravention de première classe passible d’une amende de 38 euros) ;
 pour infraction à la police spéciale issue des articles R.1336-6 et suivants du code de la santé publique, contravention de 3e classe passible d’une amende de 450 €.
Le procès verbal doit ensuite être transmis au Procureur de la République.