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Loi engagement et proximité : guide pratique et zoom sur la nouvelle obligation d’assurance des communes

Promulguée le 27 décembre 2019, la loi « Engagement et Proximité » a pour ambition de « revaloriser la commune et à la remettre au cœur de notre démocratie ». Le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales publie un guide pratique et une synthèse des points clés de cette loi. Attention cependant aux raccourcis...

Le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales publie deux documents présentant la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique :
 Un guide pratique (PDF)
 Un document présentant la loi en 12 points clés (PDF)

Ces documents présentent de manière synthétique et agréable à lire les mesures phares de la loi :
 Simplifier les relations entre communes et intercommunalités
 Mieux diffuser et partager l’information au sein de l’intercommunalité
 Donner plus de libertés dans la répartition des compétences
 Fixer des règles claires en cas de changement de périmètre
 Encourager la parité dans les conseils municipaux
 Permettre au maire de mieux s’appuyer sur ses conseillers municipaux
 Donner plus de souplesse dans le fonctionnement des conseils municipaux
 Renforcer les pouvoirs de police du maire
 Police municipale et gardes champêtres
 Simplifier le quotidien du maire
 Les élus salariés
 Revaloriser les indemnités des élus et améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux
 Élus, collectivités et handicap
 Protéger les élus locaux
 Former les élus locaux et reconnaître leurs compétences acquises
 Renforcer les droits de l’opposition
 Mesures complémentaires.

Une obligation d’assurance pour les communes

En ce qui concerne la protection des élus locaux, le guide présente l’article 104 de la loi qui vise à « instaurer une protection fonctionnelle effective pour les maires et leurs adjoints ». Le document, souligne qu’ « après le drame du maire de Signes, il était primordial de mieux protéger les élus face aux violences et aux mises en cause dont ils font l’objet. »

Cet article 104 de la loi modifie en conséquence les articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales en créant une obligation d’assurance pour les collectivités territoriales avec compensation de l’Etat dans les communes de moins de 3500 habitants :

« La commune est tenue de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus mentionnés au deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l’objet d’une compensation par l’Etat en fonction d’un barème fixé par décret. »

Le document synthétique du Ministère présente ainsi le dispositif (extraits) :

Aujourd’hui
« Les risques pénaux liés au mandat de maire sont dissuasifs. De nombreux élus redoutent, en effet, de se retrouver poursuivis en cas de faute ou de négligence. Lorsque le maire est mis en cause pour une action relevant de ses fonctions et qu’il souhaite avoir recours à un avocat pour sa défense, le conseil municipal peut, à sa demande, décider de prendre en charge sa défense. Dans la plupart des petites communes, cela peut parfois représenter des sommes importantes pour les budgets locaux, ce qui peut dissuader le maire de faire valoir ses droits. »

Demain
« • Pour les litiges qui relèvent de l’exercice du mandat du maire, les communes auront l’obligation de contracter une assurance pour une protection juridique du maire.
• Dans les communes rurales de – 3 500 habitants, c’est l’État qui prendra en charge ces frais. »

Force de la mesure
« Inciter le citoyen à s’engager dans la vie publique en lui assurant une protection et ce, malgré des responsabilités pénales. »

Cas concret
« Sur l’aire de jeux d’un village de 900 habitants, un panneau de basket vieillissant
se décroche et blesse un enfant. Le maire est poursuivi en justice. Il sollicite
la protection fonctionnelle de sa commune. Celle-ci sera couverte par l’assurance qui a été prise en charge par l’État. »

Attention aux raccourcis !

Rappelons que la protection du maire (ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation) recouvre deux hypothèses :

 l’élu qui est victime d’attaques dans l’exercice de ses fonctions (agressions, diffamation...) ;

 l’élu qui est mis en cause pénalement dans l’exercice de ses fonctions alors qu’il n’a pas commis de faute personnelle.

Si la première situation ne soulève pas de problème juridique majeur, la seconde est plus délicate car elle suppose que le conseil municipal se prononce, sous le contrôle du juge administratif, sur le caractère personnel ou non de la faute imputée à l’élu. Et le conseil municipal n’est pas lié par le principe de la présomption d’innocence : il appartient au conseil municipal, hors la présence de l’élu intéressé [1], de se prononcer au regard des éléments dont il dispose au moment où il statue, sachant que s’il octroie trop facilement la protection, la délibération pourra être attaquée devant les juridictions administratives, voire constituer une infraction pénale... [2].

🚨 L’octroi de la protection fonctionnelle n’est donc pas automatique et suppose que l’élu poursuivi n’ait pas commis de faute personnelle détachable de ses fonctions.

Dans un arrêt rendu le 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 30 décembre 2015, N° 391798 & N° 391800 a ainsi précisé que l’élu ne pouvait bénéficier de la protection fonctionnelle lorsque faits qui lui sont reprochés :

 soit révèlent des préoccupations d’ordre privé ;

 soit procèdent d’un comportement incompatible avec l’exercice de fonctions publiques ;

 soit revêtent une particulière gravité, eu égard à leur nature ou aux conditions dans lesquelles ils ont été commis.

L’élu peut ainsi avoir commis une faute personnelle excluant le bénéfice de la protection fonctionnelle y compris lorsqu’il n’a pas recherché d’intérêt personnel.

La chambre civile de la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre civile 1, 25 janvier 2017, N° 15-10852) a ainsi annulé un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait exclu la responsabilité civile personnelle d’un maire recherchée par un propriétaire mécontent d’une décision de refus d’allotir. L’administré demandait au maire de l’indemniser personnellement de son préjudice résultant du retard pris dans les travaux. Les juges du fond avaient écarté la responsabilité civile personnelle du maire en soulignant l’absence de tout intérêt personnel de sa part. La chambre civile de la Cour de cassation censure cette position reprochant aux juges d’appel de ne pas avoir examiné la gravité de la faute imputée au maire et ce même en l’absence d’intérêt personnel poursuivi par celui-ci :

« en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, quel qu’en ait été le mobile, les agissements de M. Y... ne revêtaient pas, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils avaient été commis, une gravité telle qu’ils étaient détachables de l’exercice de ses fonctions de maire, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Une obligation d’assurance limitée

Cette nouvelle obligation d’assurance ne concerne que les communes (les EPCI, les départements et régions ne sont pas visés) et uniquement les élus [3]. L’obligation d’assurance n’est donc pas étendue aux agents bien que les obligations pour les communes soient identiques à leur égard et que le défaut d’assurance peut avoir des conséquences lourdes. Une commune rurale a ainsi dû rembourser près 150 000 euros au fonds de garantie des victimes d’infractions au titre de ses obligations de protection fonctionnelle après le décès d’un agent tué par un administré (Tribunal administratif Clermont-Ferrand, 22 septembre 2016, N° 1500537).

L’assurance personnelle toujours indispensable

Selon notre baromètre ce sont près de 2000 élus locaux (soit une moyenne de 6/semaine) qui ont été poursuivis pénalement dans l’exercice de leurs fonctions au cours de la mandature 2014-2020. Les infractions classées dans le code pénal comme étant non-intentionnelles - celles pour lesquelles l’octroi de la protection fonctionnelle ne soulève, en principe, pas de difficultés [4] - représentent moins de 3 % des poursuites contre les élus locaux.

C’est dire que dans 97 % l’octroi ou non de la protection fonctionnelle en cas de poursuites pénales pourra être sujet à des discussions, parfois vives, au sein du conseil municipal. La médiatisation de l’affaire, et de toujours possibles calculs politiques, ne seront pas de nature à apporter de la sérénité aux débats... Que l’on songe par exemple au cas d’un maire poursuivi pour prise illégale d’intérêts [5] ou d’un adjoint cité à comparaître pour diffamation sur plainte d’un conseiller d’opposition.

D’où l’intérêt confirmé pour les élus de souscrire un contrat d’assurance personnel les couvrant dans l’exercice de leurs fonctions : payé sur les deniers personnels de l’élu sans mise à contribution des deniers publics, nul besoin de solliciter une délibération du conseil municipal pour déclencher la garantie, ni d’être suspendu à un éventuel recours contre la délibération. L’occasion de souligner, toujours selon nos chiffres que dans près de six cas sur dix, les élus poursuivis bénéficient, au final, d’une décision qui leur est favorable.

[1Sous peine de nouvelles poursuites pour prise illégale d’intérêts !

[2Cas d’un élu condamné pour détournement de fonds publics pour avoir accordé trop facilement la protection fonctionnelle : Cour de cassation, chambre criminelle, 22 février 2012, N° 11-81476

[3Et encore pas tous : uniquement le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation.

[4Et encore pas toujours... Pour un exemple qui a fait débat voir : Cour de cassation, chambre criminelle, 2 mai 2018, N° 16-83432 -