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Prise en compte du coût du cycle de vie dans la commande publique

Réponse du 11 avril 2019 à la question écrite n°06629 de M. Jean-Pierre Corbisez

Les acheteurs peuvent-ils prendre en compte les coûts environnementaux dans le prix de l’offre d’un candidat ?

 [1]

Oui : le code de la commande publique, aux articles R2152-9 et R2152-10, permet d’intégrer dans le critère du prix le coût du cycle de vie. L’analyse du coût du cycle de vie permet d’apprécier et de monétariser les externalités environnementales d’un produit ou d’un service et d’intégrer ce coût au prix de l’achat, de sorte qu’un achat avec un coût environnemental très lourd sera aussi analysé comme un achat avec un prix élevé pour l’acheteur. La loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire permet le recours au coût du cycle de vie pour les achats en matière de restauration collective publique.

L’article R2152-7 du code de la commande publique, permet d’inclure des aspects sociaux et environnementaux dans les critères du choix des offres, mais sous réserve que ceux-ci sont en lien avec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution. Le tout sous le contrôle vigilant du juge administratif pour éviter l’utilisation de critères discriminatoires.

(pour un exemple voir : Conseil d’État, 25 Mai 2018, n°417580 )


La commande publique : un levier majeur pour réussir la transition vers l’économie circulaire

« La France compte environ 50 000 autorités adjudicatrices et 200 000 agents exercent une fonction d’acheteur public (services de l’État, collectivités, chambres du Parlement, établissements publics, hôpitaux, tribunaux, etc.). La commande publique représente près de 15 % du produit intérieur brut (PIB) et constitue un levier majeur et structurant pour réussir la transition vers l’économie circulaire, grâce aux innovations qu’elle permet. Le droit de la commande publique autorise en effet aujourd’hui à aller plus loin en matière d’achat durable, notamment depuis la transposition de la directive européenne du 26 février 2014 (été 2015) sur la passation des marchés publics en droit français, qui a permis de faciliter l’intégration des dispositions sociales et environnementales dans les marchés publics.
 
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte confirme au niveau de la loi que « la commande publique durable est mise au service de la transition vers l’économie circulaire […]. Par son effet d’entraînement, elle contribue à faire émerger et à déployer des pratiques vertueuses, notamment en matière d’économie de la fonctionnalité, de réemploi des produits et de préparation à la réutilisation des déchets, et de production de biens et services incorporant des matières issues du recyclage ».

Feuille de route pour l’économie circulaire

« La feuille de route économie circulaire (FREC) publiée en avril 2018 comprend une mesure entière dédié à l’achat public durable : faire de la commande publique et du dispositif « administration exemplaire » un levier pour déployer l’économie circulaire (mesure 44).
 
Le Gouvernement s’est ainsi notamment engagé à : inciter les administrations à donner (en bon état) les biens dont elles n’ont plus l’usage ; fixer à l’État, à ses opérateurs et aux collectivités l’objectif d’utiliser au moins 50 % de papier recyclé à compter du 1er janvier 2022 ; s’engager, sur la base d’une étude à achever d’ici 2019, dans l’utilisation de pneumatiques rechapés ou rechapables pour les flottes des véhicules lourds ; s’engager, sur la base d’une étude à achever d’ici fin 2018, dans l’utilisation de téléphones issus du réemploi ; intégrer l’économie circulaire dans les stratégies de commande publique (charte d’achat public durable, révision de l’obligation de schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables…) ; développer une plateforme numérique de sourçage en matière de produits biosourcés durables ; instituer l’acceptation systématique des variantes environnementales dans les offres ; consolider les réseaux régionaux d’acheteurs sur le territoire ; développer dans le cadre du dispositif interministériel « administration exemplaire » un suivi spécifique sur les déchets produits dans les services de l’État et les restaurants collectifs qui en dépendent, etc. »

La prise en compte du coût du cycle de vie (CCV)

« La FREC engage également le Gouvernement dans le développement d’outils de coût du cycle de vie (CCV). Le CCV offre une opportunité appréciable, car il permet à l’acheteur de mieux sélectionner l’offre réellement la plus avantageuse sur un plan général. Contrairement au seul critère prix, le CCV permet en effet de prendre en compte de manière complète les coûts supportés par la personne publique, puisqu’il intègre dans son champ – sous condition de leur pertinence – tout ou partie des coûts imputables à un produit, un service ou un ouvrage tout au long de son cycle de vie. Il s’agit de prendre en compte les coûts supportés directement par l’acheteur (« coûts directs ») que constituent les coûts liés à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie (l’appellation « coût global » est également utilisée) mais aussi les coûts indirects ou « coûts externes » (proches de la notion d’externalités négatives) supportés par l’ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique ou l’extinction d’espèces animales et végétales.
 
La récente loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, prévoit ainsi le recours au CCV notamment pour acheter la nourriture de la restauration collective publique. »

Négociations sur un nouveau dispositif pour les marchés publics de l’Union européenne

« La France est, avec les Pays-Bas, l’État membre de l’Union européenne le plus en pointe pour exiger l’intégration de l’économie circulaire dans la commande publique de véhicules propres dans le cadre de la révision de la directive 2009/33 sur l’achat public de « véhicules propres ».
 
Les négociations sur le nouveau projet de dispositif entrent dans leur phase finale. Pour accompagner et sensibiliser les acheteurs, le ministère de la transition écologique et solidaire, avec ses partenaires, prépare un guide national de l’achat public durable ainsi qu’un guide sectoriel « zéro déforestation importée dans la commande publique », ce dernier répondant à la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) officialisée le 14 novembre 2018 et prévue par l’axe 15 du plan climat de 2017. Enfin, dans le cadre de la SNDI, le Gouvernement souhaite limiter le dumping international en matière environnementale.
 
Ainsi, dans la perspective d’une obligation « zéro déforestation » d’ici 2030, la France, s’agissant de la commande publique, portera auprès de l’Union européenne la demande de mise en place d’une interdiction d’achat public de produits issus de la déforestation importée dans le cadre de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les marchés publics (AMP) et de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics qui en découle.
 
La mise en œuvre d’une telle disposition pour les marchés publics de l’Union européenne et États membres aura un effet décisif en termes de poids économique et diminuera de manière significative la déforestation tropicale au niveau mondial. La prise en compte de ces dispositions et actions par les acheteurs publics s’accroît et le ministère de la transition écologique et solidaire récompense les institutions exemplaires avec les trophées de l’achat public durable. »

Réponse du 11 avril 2019 à la question écrite n°06629 de M. Jean-Pierre Corbisez

[1Photo par Chris Barbalis sur Unsplash