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Tracteur en cours d’élagage : attention aux véhicules qui doublent

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 18 avril 2019 n°18-14948

Une collectivité peut-elle être condamnée à indemniser les blessures d’un motard qui, en doublant un tracteur en cours de fauchage du bas côté, perd le contrôle de son véhicule ?

Oui dès lors que le tracteur peut être impliqué dans l’accident même en l’absence de collision avec le véhicule de la victime. Tel est jugé le cas pour un accident dont a été victime un motard qui a perdu le contrôle de sa moto au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation. Peu importe qu’il n’y ait pas eu de choc avec le véhicule en action de fauchage dès lors que c’est la présence du tracteur qui, circulant à allure très réduite et empiétant sur la voie de circulation, a contraint la victime à cette manœuvre de dépassement. Le conseil départemental, propriétaire du tracteur, et son assureur sont condamnés à indemniser le motard de ses blessures.

Un motard perd le contrôle de sa moto alors qu’il dépasse un tracteur qui procède au fauchage du bas côté de la route. La victime demande réparation de son préjudice au conseil départemental, propriétaire du véhicule, et à son assureur.

Pour leur défense le conseil départemental et son assureur objectent que « la seule présence d’un véhicule sur les lieux d’un accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication ».

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et approuve les juges d’appel d’avoir considéré que la manœuvre de dépassement avait été contrainte par la présence du tracteur qui roulait à allure réduite et empiétait sur la voie de circulation.

Cette décision confirme une nouvelle fois que les juges apprécient très largement la notion d’implication d’un véhicule en cas d’accident afin de faire bénéficier aux victimes des dispositions très favorables de la loi Badinter (loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation).

Selon les magistrats, l’implication s’entend par le fait de jouer un rôle quelconque dans la réalisation de l’accident.

Si, en cas de contact, l’implication ne fait pas de doute, les magistrats se montrent également très souples dans leur appréciation en l’absence de collision, et ce même si le véhicule dit "impliqué" n’a joué qu’un rôle passif. La Cour de cassation avait jugé dans le même sens dans le cadre d’une course-poursuite qui s’était terminée dans le fossé pour le véhicule poursuivi (Cour de cassation Chambre civile 2, 18 mai 2000, 98-10.190). Mais au moins dans cette affaire, le véhicule poursuivant avait joué un rôle actif, ce qui n’était pas le cas du tracteur qui était dans son action de fauchage et circulait à faible allure.

Il reste que le summum de la notion "d’implication par ricochet" a sans doute été atteint dans une autre affaire jugée par la Cour de cassation en 2003 (Cour de cassation, chambre civile 2, 24 avril 2003, N° 01-13017) : les juges avaient alors appliqué la loi Badinter relative aux accidents de la circulation pour réparer le préjudice d’une dame victime d’une mauvaise chute, en balayant le trottoir devant son entrée, après avoir glissé sur un gravillon. En effet ledit gravillon ait été projeté quelques instants plutôt, par... une balayeuse municipale !!! Ainsi « la balayeuse est intervenue à quelque titre que ce soit dans la réalisation de l’accident ». D’où la condamnation de la commune et de son assureur auto à réparer le préjudice...

Cour de cassation 2ème chambre civile 18 avril 2019 n° 18-14948