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L’accident de l’élu dans l’exercice de ses fonctions

Intervenant :

 Geoffroy Adamczyk, chargé d’études RH/fonction publique, Association des Maires de France


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Le régime de protection sociale des élus, que ce soit sur le régime de l’accident ou de la maladie, est, selon l’Association des Maires de France, relativement satisfaisante, mais l’on peut constater une méconnaissance d’information des principaux intéressés sur le Statut et leur protection sociale, ce qui nuit à leurs intérêts : les fonctionnaires connaissent extrêmement mal leur propre Statut.

Le projet de décret sur la protection sociale complémentaire (appelé « décret Fonction publique territoriale ») est attendu maintenant depuis 2 ans. Son objectif est d’aligner la situation des agents territoriaux sur celui des agents de l’État, qui bénéficient d’un cadre juridique très précis issu du décret du 19 septembre 2007 (D. n° 2007-1373, 19 sept. 2007, relatif à la participation de l’État et de ses établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs personnels). Aujourd’hui la situation de l’élu victime d’un accident dans l’exercice de ses fonctions appelle plusieurs remarques :

 c’est une protection de plus en plus renforcée ;

 c’est un régime légal ;

 c’est un régime de réparation intégrale : il n’y a pas de réparation forfaitaire comme pour les fonctionnaires.


1) Quels sont les élus bénéficiaires de la protection ?

Il y a deux régimes bien distincts. Il convient ainsi de distinguer entre deux catégories d’élus :

 la première concerne les maires et adjoints (les fonctions équivalentes dans les autres collectivités : président d’une intercommunalité…), et tous les membres des conseils régionaux et généraux ;

 la seconde englobe les autres élus : les conseillers municipaux, les vice-présidents d’intercommunalité par exemple, les bénéficiaires d’un mandat spécial.

Les membres de la première catégorie sont couverts pour l’ensemble des dommages qu’ils ont à connaître dans l’exercice de leurs fonctions.

Deux précisions doivent alors être faites, inspirées par le cumul de mandats ou d’activités. D’une part, lorsque le maire agit en tant qu’agent de l’État, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) ne distingue pas la nature des fonctions exercées par l’élu, qu’il soit maire ou adjoint.

Il sera donc également couvert par sa collectivité, même si concrètement on peut théoriquement dire qu’il n’agissait pas directement pour le compte de celle-ci (la question cependant reste posée pour savoir si la commune peut se retourner contre l’État pour demander le remboursement de sommes versées à l’agent au titre de l’indemnisation de son préjudice). D’autre part, en cas de cumul de mandats, le régime est également assez simple. C’est la collectivité pour le compte de laquelle l’élu agit qui est redevable des sommes à verser (p. ex. lorsque le maire participe à un comité d’un syndicat de communes ou à une intercommunalité et qu’il subit des dommages dans le cadre de cette activité, il sera indemnisé par l’intercommunalité). C’est donc la fonction la plus proche qui prime pour le dommage (CE, 22 mars 1968, n° 69.677, Cne de Faux-Mazuras : le maire victime d’un accident survenu alors qu’il regagnait son domicile après avoir assisté à une réunion du comité d’un syndicat de communes où il représentait sa commune, doit mettre en cause la responsabilité du syndicat et non celle de la commune qu’il représente). Les membres de la seconde catégorie ne sont couverts des dommages qu’ils connaissent uniquement lorsqu’ils se rendent à un conseil ou à des réunions et commissions.

En résumé, la réparation du préjudice subi par les deux catégories sera identique (mêmes couvertures, mêmes droits, mêmes exclusions, etc.) mais l’origine en est différente.


2) Quelles sont les conditions de responsabilité ?

Il faut un cumul de deux conditions : l’existence d’un accident, dans l’exercice des fonctions. L’accident se définit comme la survenance d’un évènement soudain, brutal et surtout non intentionnel (il ne peut donc être une agression qui, par définition, est un acte intentionnel). Tout type d’accident est possible : malaise, écrasement, électrocution…
Cet accident doit survenir dans l’exercice des fonctions de l’élu.

La jurisprudence interprète largement cette notion d’ « exercice des fonctions ». En effet, à la lecture des décisions, on comprend qu’un maire ou un adjoint agit dans l’exercice de ses fonctions lorsqu’il exerce une mission qui lui incombe au titre de la loi – sans pour autant qu’elle soit expressément mentionnée par le texte légal. Ainsi, le Conseil d’État a pu dire que le maire a une obligation de sécurité, de lutte contre l’incendie et même si ce n’est pas à lui de tenir la lance d’incendie, il est protégé s’il lui arrive un dommage lors de cette activité. Autre illustration donné par une réponse ministérielle de mars 2008 du ministère de l’Intérieur qui précise que les membres des conseils généraux bénéficient aussi de cette protection lorsqu’ils se déplacent à l’occasion de l’inauguration d’un lycée subventionné par le département (même s’ils ne font que boire du jus d’orange ou serrer quelques mains !)

De nombreux exemples existent : est ainsi indemnisé intégralement le maire qui monte sur un toit pour essayer d’enlever un arbre qui abattu, ou qui va vérifier par lui-même l’état de la voirie…

Il faut cependant remarquer qu’il y a une extension de la protection au cas particulier des accidents de trajet (c’est une solution prétorienne car cette question n’est nullement abordée par le CGCT). Mais une difficulté particulière est posée par la définition même de l’accident de trajet car la jurisprudence est assez subtile et évolutive en cette matière. Il n’y a pas spécifiquement d’accident de trajet de l’élu mais on peut considérer qu’il y a une extension du concept d’accident de trajet applicable aux fonctionnaires qui veut que ce soit généralement le trajet le plus direct d’un point à un autre qui soit couvert, même si la jurisprudence accepte aujourd’hui de reconnaître en accident de trajet les détours effectués motivés par un besoin de vie courante, si celui-ci n’est pas trop important, n’est pas substantiel et ne change pas complètement le trajet. C’est le cas de l’élu qui, par exemple, avant de se rendre en mairie fait un léger détour pour déposer son enfant à la crèche, la jurisprudence a estimé pour un fonctionnaire que c’était un besoin de vie courante.

Il y a deux exclusions : lorsque le maire agit à titre privé ou à titre bénévole. Le maire qui a également une fonction de commerçant ne bénéficiera pas de cette protection s’il a un accident en quittant la mairie pour aller constater le cambriolage de son magasin. Lorsque le maire exerce une activité bénévole mais en lien avec la commune (il a un accident en se déplaçant pour voir un match de foot entre deux associations), la jurisprudence lui refuse la protection légale en tant que telle mais – et c’est pour cela que cette protection peut être considérée comme étant très large – lui applique un autre régime qui sera celui du « collaborateur occasionnel du service public », qui se rapproche finalement grandement du régime légal de protection des élus. Une fois le lien de causalité établi, l’élu a droit à une réparation intégrale mais dans la limites des fautes qu’il a commises dans la survenance de l’accident, fautes qui sont de nature à exclure, voire à limiter son droit à indemnisation (p. ex. lorsque l’excès de vitesse est la cause exclusive de l’accident).

[1Photo : © Podfoto