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Contrôle par drone du respect des règles d’urbanisme : violation de la vie privée ?

Réponse du 11 janvier 2018 à la question n° 01425 de M. Jean-Louis Masson

Une commune peut-elle utiliser un drone pour contrôler les infractions aux règles d’urbanisme commises par les administrés ou les non-déclarations de piscines pour le calcul des impôts locaux ?

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Non dès lors que la zone contrôlée n’est pas accessible aux regards depuis la voie publique. En effet, s’il est reconnu que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve (article 427 du code de procédure pénale), ce principe de liberté comporte néanmoins deux limites importantes : la loyauté et la licéité de la preuve. Or la licéité de la preuve exige que celle-ci ne doit pas avoir été recueillie dans des circonstances constitutives d’une infraction, ni au mépris du respect des principes généraux du droit, au nombre desquels figure le respect de la vie privée. La captation d’images au moyen d’un drone survolant une propriété privée peut être considérée comme une ingérence dans la vie privée. A défaut de texte législatif, aucune intrusion ne peut valablement être effectuée dans un lieu inaccessible depuis la voie publique. En conséquence, le constat d’une infraction sur une propriété privée à l’aide d’un drone peut être considéré comme illicite dès lors que la zone contrôlée est inaccessible aux regards.

Réglementation applicable aux drones

La réglementation relative aux aéronefs télépilotés ou « drones » repose sur deux arrêtés : l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent et l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord. Cette réglementation vise à assurer la sécurité des personnes et biens au sol et celle des autres aéronefs, civils ou militaires, tout en permettant le développement d’une filière professionnelle à fort potentiel.

Conditions pour un usage professionnel des drones

La réglementation permet l’usage professionnel des drones, y compris en milieu urbain, mais sous certaines conditions s’imposant à tout utilisateur, même pour le compte d’une collectivité locale. Ainsi, en zone peuplée, le drone doit évoluer en vue du télépilote, la masse du drone étant limitée (8 kg, charge utile comprise) de même que son énergie d’impact, avec dans certains cas (à partir de 2 kg) obligation d’équipement de dispositifs de protection. Il doit être établi un périmètre de sécurité dont la taille dépend de la hauteur des évolutions du drone et de sa vitesse mais doit être supérieur à 10 m ; dans ce périmètre, l’exploitant doit s’assurer qu’aucun tiers non impliqué dans l’exploitation ne peut pénétrer. L’exploitant doit déclarer l’activité auprès de la direction de la sécurité de l’aviation civile, être assuré et le télépilote doit être apte. Une déclaration en préfecture est obligatoire pour les vols en agglomération et en zone peuplée. Ces éléments relatifs à l’utilisation et à l’exploitation des drones s’entendent sans préjudice des dispositions de l’article L. 6211-3 du code des transports relatives au survol des propriétés privées et de celles de l’article D. 133-10 du code de l’aviation civile concernant la prise de vue aérienne.

Limites à la liberté de la preuve en matière pénale : loyauté et licéité de la preuve, respect de la vie privée

Par ailleurs, l’administration de la preuve en matière pénale est gouvernée par un principe de liberté. L’article 427 du code de procédure pénale énonce en effet que « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». Néanmoins, le principe de liberté de la preuve souffre deux limites importantes que sont la loyauté et la licéité de la preuve. Or, la licéité de la preuve exige que la preuve ne doit pas avoir été recueillie ni dans des circonstances constitutives d’une infraction ni au mépris du respect des principes généraux du droit au nombre desquels figure le respect de la vie privée.

Le constat d’une infraction sur une propriété privée par drone peut être considéré comme une ingérence illicite dans la vie privée

La captation d’images par la voie des airs au moyen d’un drone survolant une propriété privée peut être considérée comme une ingérence dans la vie privée. Ainsi, selon la jurisprudence, la captation d’images opérée par des policiers dans un lieu inaccessible depuis la voie publique doit, en application des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, être fondée sur une prévision législative, telle que l’article 706-96 du code de procédure pénale. À défaut, aucune intrusion ne peut être valablement effectuée en un tel lieu (crim. 21 mars 2007, n° 06-89444). En conséquence, le constat d’une infraction sur une propriété privée à l’aide d’un drone peut être considéré comme illicite dès lors que la zone contrôlé est inaccessible aux regards.

Réponse du 11 janvier 2018 à la Question écrite n° 01425 de M. Jean Louis Masson

 Les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve, ce principe comporte deux limites tenant à la loyauté et à la licéité de la preuve.

 La captation d’images au moyen d’un drone survolant une propriété privée peut être considérée comme une ingérence dans la vie privée, rendant ce mode de preuve illicite.

 Le constat d’une infraction sur une propriété privée à l’aide d’un drone peut être considéré comme illicite dès lors que la zone contrôlée est inaccessible aux regards depuis la voie publique.


Textes de référence

 Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent

 Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord

 Article L.6211-3 du code des transports

 Article D.133-10 du code de l’aviation civile

 Article 427 du code de procédure pénale

 Article 706-96 du code de procédure pénale

 C. cass. crim. 21 mars 2007, n° 06-89444

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[1Photo par George Kroeker (@gmk) via Unsplash