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Règles d’utilisation par les organisations syndicales de la messagerie professionnelle

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 17 octobre 2017, N° 15BX01438

Un employeur peut-il interdire aux syndicats d’utiliser la messagerie professionnelle ?

 

Oui : la diffusion de l’information syndicale par la voie électronique doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique du service et ne doit pas entraver l’accomplissement du travail. Les modalités de cette diffusion doivent préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message. Les syndicats peuvent ainsi librement diffuser des publications et tracts sur les réseaux de communication au public en ligne et les agents s’inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir par voie électronique les publications et tracts syndicaux. Dès lors, la liberté de communication des syndicats n’est pas méconnue lorsque l’utilisation de l’intranet ou de la messagerie électronique du service ne leur sont pas autorisés. Est ainsi justifié le blâme infligé à une déléguée syndicale d’un SDIS qui a utilisé la messagerie professionnelle pour adresser un message syndical à l’ensemble des agents du service, ce mode de communication n’étant pas autorisé par le protocole d’accord des droits syndicaux (PADS).
 

Une déléguée syndicale d’un SDIS adresse à l’ensemble des agents du service un mail, via la messagerie professionnelle, relatif à l’existence d’un préavis de grève.

 

Quelques jours plus tard, elle récidive afin de répondre à un courriel du responsable du groupement des ressources humaines du SDIS qui faisait état de l’illégalité de ce préavis.

Elle est sanctionnée d’un blâme pour avoir utilisé la messagerie professionnelle à des fins syndicales.

 

L’intéressée conteste cette sanction estimant que l’interdiction faite aux syndicats d’utiliser la messagerie du service caractérise une entrave à la liberté syndicale en méconnaissance du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif, notamment à la liberté syndicale, et de l’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 garantissant le droit syndical aux fonctionnaires.

 

De fait, dans un jugement rendu le 19 décembre 2006, le tribunal administratif de Besançon avait, dans une affaire similaire, fait prévaloir l’exercice du droit syndical en estimant que si un maire pouvait dans la charte internet et par note de service interdire l’utilisation des messageries Intranet et internet à des fins personnelles, il ne pouvait étendre cette interdiction aux messages à caractère purement syndical.

 

Mais les magistrats bordelais ne suivent pas le même raisonnement que leurs homologues du Doubs. Et le recours introduit par la déléguée syndicale est rejeté par le tribunal administratif, ce que confirme la cour administrative d’appel de Bordeaux. En effet :

 
 "la diffusion de l’information syndicale par la voie électronique doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique du service et ne doit pas entraver l’accomplissement du travail" ;
 "les modalités de cette diffusion doivent préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message" ;
"les syndicats peuvent librement diffuser des publications et tracts sur les réseaux de communication au public en ligne et les agents s’inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir par voie électronique les publications et tracts syndicaux".
Ainsi "la liberté de communication des syndicats n’est pas méconnue lorsque l’utilisation de l’intranet ou de la messagerie électronique du service ne leur sont pas autorisés".
 

A cet égard les magistrats soulignent :

 que les dispositions de l’article 10 du décret n°85-397 du 3 avril 1985 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale autorisent l’utilisation, par les syndicats, d’un espace d’affichage dédié et la distribution de tracts ;

 que le protocole d’accord sur l’exercice des droits syndicaux au SDIS prévoit que les organisations syndicales pourront utiliser le réseau intranet dans les conditions définies par l’administration à compter de la mise en œuvre de ce réseau et qu’elles peuvent, à titre transitoire, utiliser, de façon modérée, les fax du service ;

 qu’en revanche, aucune de ces dispositions n’autorise les organisations syndicales à utiliser la messagerie professionnelle de ce service.

 

De fait le SDIS n’a pas fait droit à la demande d’utilisation de la messagerie professionnelle présentée par l’organisation syndicale et motivée par la panne du télécopieur mis à sa disposition.

 

Ainsi l’intéressée ne pouvait ignorer que l’utilisation de la messagerie pour la diffusion, à tous les agents, de messages à caractères syndicaux était prohibée et a commis une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire en envoyant les deux courriels litigieux.