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Emblème religieux sur l’espace public - Loi de 1905 - Œuvre d’art

Publié le 30 octobre 2017

Une commune peut-elle décider d’implanter un signe ou un emblème religieux (ici une croix) sur l’espace public ?

Non. Aux termes de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : " Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit. à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions". Ces dispositions ont pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes et s’opposent à l’installation par celles-ci, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse.

En l’espèce une commune bretonne avait décidé en 2006 d’ériger une statue du pape Jean-Paul II. Celle-ci était surplombée d’une croix de grande dimension reposant sur une arche, l’ensemble monumental étant d’une hauteur de 7,5 mètres hors socle. En 2012 une association de libre pensée avait demandé au maire d’enlever le monument. Le tribunal administratif de Rennes avait fait droit à cette demande et avait enjoint à la commune de faire procéder à l’enlèvement de l’ensemble. Mais la Cour administrative d’appel de Nantes avait réformé le jugement et avait débouté l’association requérante relevant que l’association ne pouvait demander en 2012 le retrait du monument dont l’édification avait été décidée en 2006. En effet la délibération du 28 octobre 2006 était devenue définitive à la date des demandes et l’illégalité alléguée ne procédait pas de changements dans les circonstances de droit ou de fait intervenus postérieurement à son édiction mais l’affectait depuis son origine.

Le Conseil d’Etat approuve le raisonnement mais distingue le sort de la statue et de la croix la surplombant. En effet la délibération du 28 octobre 2006 avait exclusivement pour objet l’acceptation, par la commune, d’un don d’un artiste russe portant sur une statue représentant le pape Jean-Paul II en vue de son installation sur la place de la commune et ne comportait aucun élément relatif à l’arche et à la croix de grande dimension, distinctes de la statue et installées en surplomb de celle-ci.

L’installation, au-dessus de la statue, d’une arche et d’une croix doit ainsi être regardée comme révélant l’existence d’une décision du maire de la commune distincte de la délibération du 28 octobre 2006, alors même que le monument aurait comporté ces deux éléments dès sa création par l’artiste. Or, poursuit le Conseil d’Etat, "si l’arche surplombant la statue ne saurait, par elle-même, être regardée comme un signe ou emblème religieux au sens de l’article 28 précité de la loi du 9 décembre 1905, il en va différemment, eu égard à ses caractéristiques, de la croix". La commune ne peut se prévaloir ni du caractère d’œuvre d’art du monument, ni de ce que la croix constituerait l’expression d’une forte tradition catholique locale, ni de la circonstance que la parcelle communale sur laquelle a été implantée la statue aurait fait l’objet d’un déclassement postérieurement aux décisions attaquées. Peu importe également que l’installation de la statue ait fait l’objet d’une décision de non-opposition à déclaration de travaux au profit de la commune devenue définitive et que la commune retire un intérêt économique et touristique du monument. Il est enfin indifférent que le retrait de tout ou partie de l’œuvre méconnaîtrait les engagements contractuels liant la commune à l’artiste.

Conseil d’État, 25 octobre 2017, N° 396990