Titre IV BIS « DE LA PREUVE DES OBLIGATIONS »
Chapitre Ier « Dispositions générales »
Art. 1353.-« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
Art. 1354.-« La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d’en rapporter la preuve.
Elle est dite simple, lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve ; elle est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée ou l’objet sur lequel elle peut être renversée ; elle est dite irréfragable lorsqu’elle ne peut être renversée. »
Art. 1355.-« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
Art. 1356.- « Les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition.
« Néanmoins, ils ne peuvent contredire les présomptions irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l’aveu ou au serment. Ils ne peuvent davantage établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable. »Art. 1357.-« L’administration judiciaire de la preuve et les contestations qui s’y rapportent sont régies par le code de procédure civile. »
Titre IV : BIS DE LA PREUVE DES OBLIGATIONS
L’article 4 de l’ordonnance introduit dans le code civil un titre IV bis sur la preuve des obligations, en lieu et place de celui sur la responsabilité du fait des produits défectueux, qui devient un chapitre du sous-titre II du titre III consacré à la responsabilité civile extracontractuelle.
En effet, le 12° de l’article 8 de la loi d’habilitation habilite le Gouvernement à « clarifier et simplifier l’ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d’abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l’admission de la preuve ; préciser, ensuite, les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ».
La création d’un titre dédié au droit de la preuve des obligations permet de le détacher du droit des contrats, dans lequel sont formellement enfermées les dispositions relatives à la preuve dans le code civil actuel, alors que la doctrine et la jurisprudence, appelant de leurs vœux l’élaboration d’un droit général de la preuve, s’accordent pour faire application de ces règles à toute preuve civile, et pas seulement à la preuve des obligations nées d’un contrat.
Ce nouveau titre IV bis est composé de trois chapitres consacrés aux dispositions générales en la matière, à l’admissibilité des modes de preuve, et aux différents modes de preuve. Le plan adopté est foncièrement différent de celui suivi par l’actuel chapitre VI du titre III. Le plan de ce nouveau titre reflète exactement les termes de l’habilitation donnée, et propose une présentation claire des grandes questions relatives à la preuve, en s’attachant d’abord à poser des dispositions générales constituant une théorie générale du droit de la preuve, avant de présenter ensuite les conditions d’admissibilité des modes de preuve, et de détailler enfin ces différents modes de preuve.
Chapitre Ier : Dispositions générales
Le chapitre Ier intitulé « Dispositions générales » est composé de cinq articles qui posent les principes généraux du droit de la preuve et contribuent ainsi à clarifier la distinction entre les règles relevant du droit substantiel de la preuve, et celles relevant du droit processuel de la preuve, prévu au titre VII du code de procédure civile en ses articles 132 à 322.
– L’article 1353 reprend l’article 1315 du code civil qui consacre la règle relative à la charge de la preuve, ayant pour fonction essentielle en pratique de déterminer qui supporte le risque de la preuve : c’est à celui sur lequel pèse la charge de la preuve de succomber lorsqu’il existe un doute sur la réalité de ce qu’il avance.
– L’article 1354, relatif aux présomptions légales, qui synthétise les actuels articles 1350 et 1352 en deux alinéas, trouve sa place dans les dispositions générales dans la mesure où ces dernières allègent la charge de la preuve, contrairement aux présomptions judiciaires qui constituent un mode de preuve particulier.
- Ces présomptions légales ont toutes pour effet de dispenser de preuve, mais non de « toute preuve », car elles peuvent n’avoir comme effet que de déplacer l’objet de la preuve, et non d’en dispenser totalement le demandeur. Ainsi de la présomption de paternité qui ne dispense pas de toute preuve, puisque si elle dispense de la preuve de la paternité, c’est seulement par le déplacement de l’objet de la preuve vers le fait que l’enfant a été conçu pendant le mariage.
- Le second alinéa définit les différentes présomptions, qui sont établies spécialement par le législateur, selon leur force probante : présomptions simples, mixtes, irréfragables.
– L’article 1355 reprend l’actuel article 1351 du code civil qui consacre une présomption légale essentielle : l’autorité de la chose jugée, attribut des jugements bénéficiant d’une présomption irréfragable de vérité.
– L’article 1356 consacre, en l’encadrant, la liberté contractuelle en matière de preuve. En effet, le code civil actuel ne prévoit pas de dispositions sur les contrats relatifs à la preuve, hormis l’article 1316-2, alors que la jurisprudence en admet la validité et qu’ils sont très usités en matière bancaire ou de télécommunications. L’ordonnance pose des conditions relatives aux contrats sur la preuve :
- ils ne peuvent porter que sur des droits dont les parties ont la libre disposition ;
- ils ne peuvent contredire les présomptions légales irréfragables, ni établir des présomptions irréfragables au bénéfice d’une partie.
– L’article 1357 fait enfin le lien avec les textes précités du code de procédure civile portant également sur la preuve.
L’intégralité du rapport présentant l’ordonnance (source légifrance)