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Autres sources d’obligations > L’enrichissement injustifié

Le rapport présentant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 constitue un véritable petit traité de droit des contrats et des obligations. Pour en faciliter sa lecture, nous l’avons mis en forme.

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Chapitre III « L’enrichissement injustifié »

Art. 1303.- « En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. »

Art. 1303-1.- « L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale. »

Art. 1303-2.-«  Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel.

L’indemnisation peut être modérée par le juge si l’appauvrissement procède d’une faute de l’appauvri. »

Art. 1303-3.-«  L’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription. »

Art. 1303-4.-« L’appauvrissement constaté au jour de la dépense, et l’enrichissement tel qu’il subsiste au jour de la demande, sont évalués au jour du jugement. En cas de mauvaise foi de l’enrichi, l’indemnité due est égale à la plus forte de ces deux valeurs. »

Chapitre III : L’enrichissement injustifié

Le chapitre III traite en dernier lieu de l’enrichissement sans cause, qui est renommé enrichissement injustifié, par souci de clarté et par cohérence avec l’abandon du concept de cause dans l’ordonnance.

 Le code civil actuel ne comporte aucun article consacré à l’enrichissement injustifié, bien qu’il connaisse des applications de ce principe, selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement au détriment d’autrui, à l’exemple de son article 555 relatif aux constructions faites sur le terrain d’autrui.

 La consécration de l’enrichissement sans cause comme source autonome d’obligation résulte d’une décision de la Cour de cassation du 15 juin 1892, qui affirme que lorsqu’une personne a procuré à une autre un avantage que ne justifie aucune cause légale ou contractuelle, elle a une action pour se faire restituer au nom du principe supérieur selon lequel « nul ne peut s’enrichir sans cause aux dépens d’autrui ». Le 9° de l’article 8 de la loi d’habilitation donne expressément compétence au Gouvernement pour introduire ce principe dans le code civil.

 L’article 1303 rappelle le caractère subsidiaire par rapport aux autres quasi-contrats, de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause (action connue sous sa dénomination latine de in rem verso), et en décrit l’objet : compenser un transfert de valeurs injustifié entre deux patrimoines, au moyen d’une indemnité que doit verser l’enrichi à l’appauvri.

Il consacre la jurisprudence bien établie selon laquelle l’action ne tend à procurer à la personne appauvrie qu’une indemnité égale à la moins élevée des deux sommes représentatives, l’une de l’enrichissement, l’autre de l’appauvrissement : ainsi, l’appauvri ne peut s’enrichir à son tour au détriment d’autrui en obtenant plus que la somme dont il s’était appauvri, et il ne peut réclamer davantage que l’enrichissement car une telle action constituerait en réalité une action en responsabilité qui lui est par hypothèse fermée (conformément à l’article 1303-3 de l’ordonnance).

 L’article 1303-1 énonce simplement quand un enrichissement doit être qualifié d’injustifié : lorsqu’il ne résulte ni de l’exécution d’une obligation par l’appauvri, ni d’une intention libérale.

 L’article 1303-2 contribue à fixer les contours de l’enrichissement injustifié, en prévoyant les cas dans lesquels l’indemnisation de l’appauvri est exclue ou modérée. Est ainsi exclue l’indemnisation de celui dont l’appauvrissement procède d’un acte effectué en vue de son seul profit personnel, et peut être modérée, voire supprimée, l’indemnisation de celui dont l’appauvrissement résulte d’une faute. Ces règles sont directement issues de la jurisprudence en la matière.

 L’article 1303-3 consacre, d’une façon plus générale que le rappel formulé à l’article 1303, le caractère subsidiaire de l’action de in rem verso affirmé par la jurisprudence. Ainsi cette action ne peut ni servir à contourner les règles d’une action contractuelle, extracontractuelle ou légale dont l’appauvri dispose, ni suppléer une autre action qu’il ne pourrait plus intenter suite à un obstacle de droit, telle une prescription, une déchéance, une forclusion, ou encore en raison de l’autorité de chose jugée.

 Enfin, l’article 1303-4 pose les modalités d’évaluation de l’indemnisation de l’appauvri : l’existence de l’appauvrissement est constatée au jour de la dépense, celle de l’enrichissement au jour de la demande, et leur évaluation est en revanche faite au jour le plus proche du versement de l’indemnité, soit au jour du jugement. Cette solution, qui fait de l’indemnité de restitution une dette de valeur, prend le contre-pied d’une jurisprudence critiquée en doctrine. Elle est en outre conforme à celle retenue par le code civil dans les cas d’enrichissement injustifiés qu’il régit spécialement aux articles 549, 555, 566, 570, 571, 572, 574 et 576. Le second alinéa vient apporter une exception aux modalités de détermination de l’indemnité de l’appauvri en cas de mauvaise foi de l’enrichi : la plus forte des deux valeurs sera retenue, à titre de sanction.

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L’intégralité du rapport présentant l’ordonnance (source légifrance)