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Le contrat > La formation du contrat > La validité du contrat > Le contenu du contrat

Le rapport présentant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 constitue un véritable petit traité de droit des contrats et des obligations. Pour en faciliter sa lecture, nous l’avons mis en forme.

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Sous-section 3 « Le contenu du contrat »

Art. 1162.-« Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.
 »

Art. 1163.-« L’obligation a pour objet une prestation présente ou future.

Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.

La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire.
 »

Art. 1164.-« Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation.

En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. »

Art. 1165.- « Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêts. »

Art. 1166.- « Lorsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie. »

Art. 1167.- « Lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus ».

Art. 1168.- « Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement ».

Art. 1169.-« Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. »

Art. 1170.-« Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

Art. 1171.- « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
« L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.
 »

Sous-section 3 : Le contenu du contrat

Le contenu du contrat, terme adopté par plusieurs instruments européens d’harmonisation du droit, inclut ce qui relève en droit français de l’objet et de la cause. La présente sous-section reprend donc, en les modernisant et en les adaptant à l’évolution de la vie économique, les dispositions qui relèvent dans le code civil de l’objet du contrat, et codifie certaines solutions jurisprudentielles qui avaient été - plus ou moins artificiellement - rattachées à la notion de cause. Les contours de la notion de contenu se trouvent précisément délimités par l’ensemble des règles énoncées dans cette sous-section, de même que la portée des deux autres conditions de validité (consentement et capacité) ne se comprend que par les dispositions de chacune des sous-sections qui y sont attachées.

 En premier lieu, la nécessaire conformité du contrat à l’ordre public est réaffirmée et précisée. L’interdiction de déroger à l’ordre public s’applique tant aux stipulations elles-mêmes - ce qui était anciennement appréhendé sous l’angle de la licéité de l’objet - qu’au but - anciennement appréhendé sous l’angle de la licéité de la cause subjective.

 ar ailleurs est reprise la solution jurisprudentielle selon laquelle le contrat est nul lorsque l’une des parties poursuit un but illicite, même si l’autre partie n’avait pas connaissance de ce but (article 1162).

 Il est ensuite rappelé, conformément au droit positif, que l’objet de l’obligation peut être présent ou futur, et qu’il doit être possible, déterminé ou déterminable, conformément aux principes actuels du code civil (article 1163).

 Les dispositions suivantes s’intéressent plus particulièrement au prix.

  • Pour tenir compte de l’évolution de la pratique et de la jurisprudence développée depuis quatre arrêts d’assemblée plénière du 1er décembre 1995 [1] sur la fixation du prix, il est précisé que dans les contrats cadre, le prix peut être fixé unilatéralement par un des contractants, si les parties en ont convenu, conformément à ce que permettent la plupart des Etats européens, à charge de le motiver (c’est-à-dire exposer comment le prix a été calculé, au regard des prévisions des parties) en cas de contestation. Compte tenu du danger qu’il y aurait à autoriser une fixation unilatérale du prix dans tous les contrats, le champ de ce texte a été limité aux contrats cadre (contrats de longue durée qui fixent un cadre général aux relations entre les parties), dans lesquels ce mécanisme est particulièrement important. Il est néanmoins prévu la possibilité pour le cocontractant de saisir le juge pour obtenir, en cas d’abus, des dommages et intérêts et/ou la résolution du contrat (article 1164), ce qui correspond à la jurisprudence actuelle.
  • Consacrant également une jurisprudence de la Cour de cassation, l’ordonnance autorise le créancier à fixer unilatéralement le prix dans les contrats de prestation de service, tels les contrats d’entreprise, lorsque les parties ne l’ont pas fixé avant l’exécution. De même, il est prévu que l’abus est sanctionné par des dommages et intérêts (article 1165).

 L’ordonnance introduit ensuite une nouvelle disposition inspirée des projets européens d’harmonisation du droit : en cas d’indétermination de la qualité de la prestation, celle-ci doit correspondre à la qualité que le créancier pouvait raisonnablement espérer en fonction des circonstances (article 1166). L’article 1167 reprend par ailleurs la jurisprudence sur la faculté de substitution d’un nouvel indice à un indice disparu, et ce dans un souci légitime de sauvetage du contrat.

 Les dispositions suivantes veillent à l’équilibre du contrat. Il est rappelé que l’équivalence des prestations n’est pas une condition de validité du contrat, sauf lois particulières admettant la lésion (article 1168). Toutefois les articles qui suivent apportent des correctifs de nature à garantir une justice contractuelle, malgré la suppression de la notion de cause.

  • Ainsi, l’ordonnance codifie la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation sur la nullité des contrats à titre onéreux lorsque, au moment de la formation du contrat, la contrepartie convenue est inexistante ou dérisoire, étant observé que le champ de cet article dépasse celui des contrats synallagmatiques et commutatifs, de sorte qu’y sont également soumis les contrats aléatoires et les contrats unilatéraux à titre onéreux (article 1169).
  • L’article 1170 consacre également la célèbre jurisprudence dite Chronopost de 1996 [2] relative aux clauses contredisant l’obligation essentielle du débiteur : le texte prohibe toute clause ayant pour effet de priver de sa substance une obligation essentielle du débiteur, et trouvera notamment à s’appliquer aux clauses limitatives de responsabilité. La codification de cette dernière solution, sur une question qui a donné lieu à de nombreux arrêts parfois inconciliables, permet de fixer clairement le droit positif sur le sort de ces clauses. Contrairement à ce qu’avaient pu retenir certaines décisions de la Cour de cassation, une clause limitative de responsabilité portant sur une obligation essentielle du débiteur ne sera pas nécessairement réputée non écrite : elle n’est prohibée que si elle contredit la portée de l’engagement souscrit, en vidant de sa substance cette obligation essentielle.
  • Enfin l’une des principales innovations de cette sous-section est l’introduction des clauses abusives définies comme les clauses créant un déséquilibre significatif entre les parties dans le code civil (article 1171), ce qui permet de renforcer la cohérence de l’ensemble du dispositif en matière de droit des contrats : en effet, entre professionnels et consommateurs, le code de la consommation répute non écrite les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; dans les contrats conclus entre professionnels, le code de commerce comporte depuis 2008 un dispositif visant à sanctionner, sur le terrain de la responsabilité, les clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Afin de répondre aux inquiétudes des représentants du monde économique, craignant une atteinte à la sécurité des transactions entre partenaires commerciaux et à l’attractivité du droit français, le champ des clauses abusives est néanmoins circonscrit dans le présent texte aux contrats d’adhésion (dont les contours sont désormais délimités par la définition donnée à l’article 1110), terrain d’élection de ce type de clause. Cette disposition est d’ordre public, de telles clauses étant réputées non écrites. Les critères d’appréciation du déséquilibre sont déjà connus puisqu’ils sont inspirés de ceux fixés dans le code de la consommation et qu’ils résultent de la transposition de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives ; l’alinéa 2 de l’article 1171 précise que cette appréciation ne peut porter ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation.

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 L’intégralité de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

 L’intégralité du rapport présentant l’ordonnance (source légifrance)

[1n° 91-15578, n° 91-15999, n° 91-19653 et n° 93-13688

[2Com. 22 oct. 1996, n° 93-18632