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Le contrat > La formation du contrat > La conclusion du contrat > Les négociations

Le rapport présentant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 constitue un véritable petit traité de droit des contrats et des obligations. Pour en faciliter sa lecture, nous l’avons mis en forme.

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Chapitre II

« La formation du contrat »

Section 1

« La conclusion du contrat »

Sous-section 1

 « Les négociations »

« Art. 1112.-L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

« En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.

« Art. 1112-1.-Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

« Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.

« Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
« Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.

« Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

« Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

« Art. 1112-2.-Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun.

Le chapitre II relatif à « la formation du contrat » aborde successivement la conclusion du contrat, sa validité, sa forme et enfin les sanctions.

Section 1 : La conclusion du contrat

Le code civil se distingue par l’absence de toute disposition légale sur le processus de conclusion du contrat, à quelques exceptions près. Ainsi les négociations précontractuelles, l’offre et l’acceptation ou encore les contrats préparatoires ou avant-contrats, ne relèvent d’aucun texte. Le droit commun applicable à la conclusion du contrat est entièrement prétorien.

La présente ordonnance vise ainsi à renforcer la sécurité juridique, en mettant fin aux incertitudes de la jurisprudence sur des questions particulièrement importantes en pratique. Ces modifications répondent aux attentes des milieux économiques, et permettent d’améliorer la connaissance du droit positif français, notamment à l’étranger.

Dans un souci de logique, est abordée dans un premier temps la question des négociations (sous-section 1), en principe préalables à l’offre ferme et définitive de contracter, avant d’étudier la formation du contrat à strictement parler, qui survient en principe par la rencontre d’une offre et d’une acceptation (sous-section 2). Sont ensuite traités les deux avant-contrats les plus fréquents que sont le pacte de préférence et la promesse unilatérale (sous-section 3), avant que ne soient exposées les règles particulières applicables aux contrats conclus par voie électronique (sous-section 4).

Sous-section 1 : Les négociations

Le code civil est totalement muet sur la question des négociations précontractuelles. Par voie de conséquence, de nombreuses règles ont été élaborées par la jurisprudence.

Cette sous-section vise en premier lieu à fixer les principes régissant la phase précontractuelle, en codifiant les solutions jurisprudentielles établies :

 principe de liberté des négociations précontractuelles jusque dans leur rupture, fondé sur le principe de liberté contractuelle ;

 principe de bonne foi devant gouverner ces négociations précontractuelles (et rappel de son caractère d’ordre public) ;

 sanction de la faute commise dans l’initiative, le déroulement ou la rupture des négociations par l’engagement de la responsabilité de son auteur (article 1112). Cette responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf aménagement conventionnel de cette phase de négociation et de sa rupture. Au regard des divergences entre les juges du fond, il est apparu préférable dans un souci de sécurité juridique, de préciser dans la loi l’étendue du préjudice réparable : est donc consacrée la jurisprudence de la Cour de cassation excluant du préjudice réparable les avantages que permettait d’espérer la conclusion du contrat, y compris la perte de chance de réaliser les gains attendus du contrat (article 1112 alinéa 2).

Une telle solution se justifie pleinement : sur le plan de la causalité tout d’abord, la rupture des pourparlers est un acte juridique générateur d’un certain nombre de dommages mais pas nécessairement de la non conclusion du contrat puisque la faute sanctionnée est la faute dans l’exercice du droit de rupture et non la rupture en elle-même ; en application du principe de liberté contractuelle, ensuite, qui a pour corollaire la liberté de ne pas contracter ; enfin, indemniser le profit escompté de la conclusion du contrat, même sous la forme atténuée d’une perte de chance, conduirait à donner indirectement effet à un contrat qui n’a pas été conclu.

 Est ensuite introduite l’existence d’un devoir général d’information (article 1112-1), d’ordre public. Une telle obligation précontractuelle d’information étant déjà largement admise en jurisprudence et diverses obligations d’information spécifiques figurant dans des lois spéciales (notamment en droit de la consommation), il est apparu opportun de consacrer dans le code civil de manière autonome, indépendamment du devoir de bonne foi, ce principe essentiel à l’équilibre des relations contractuelles, et d’en fixer un cadre général.

Une telle obligation générale est d’ailleurs prévue dans plusieurs projets doctrinaux européens de réforme du droit des contrats. Afin de ne pas susciter une insécurité juridique et de répondre aux inquiétudes des entreprises, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (alinéa 2). Il est en outre subordonné à plusieurs conditions :

  • l’importance déterminante de l’information pour le consentement de l’autre partie (la notion d’information déterminante étant définie à l’alinéa 3) ;
  • la connaissance de l’information par le créancier ;
  • l’ignorance de l’information par l’autre partie, cette ignorance devant être légitime et pouvant tenir aux relations de confiance entre les cocontractants (ainsi le devoir de s’informer fixe-t-il la limite de l’obligation précontractuelle d’information).

La règle de preuve posée au quatrième alinéa correspond à la solution dégagée en jurisprudence, les praticiens souhaitant consacrer explicitement dans la loi ce rappel du droit commun de la preuve. Le cinquième alinéa précise que le devoir d’information est une règle d’ordre public.

Le dernier alinéa précise que le manquement à ce devoir est sanctionné par l’engagement de la responsabilité de celui qui en était tenu, et qu’il peut également entraîner la nullité du contrat s’il a provoqué un vice du consentement - erreur ou dol. En effet, un tel manquement pourra dans certaines hypothèses ne pas provoquer de vice du consentement, par exemple dans celle où le contrat ne serait finalement pas conclu : une partie qui aurait négocié pendant des mois avec une autre, et découvrirait tardivement et fortuitement une information déterminante que celle-ci aurait dû lui fournir, pourrait refuser de conclure le contrat, et réclamer la réparation du préjudice subi du fait du manquement au devoir d’information (ex : frais de négociation inutiles, perte de chance de conclure un contrat avec une autre partie, etc.).

Cet alinéa permet de faire le lien avec les vices du consentement, et en particulier la réticence dolosive consacrée à l’article 1137 du texte. L’exigence que l’information retenue ait été d’une importance déterminante pour le consentement de l’autre partie, rapproche les conditions du devoir précontractuel d’information de celles du dol par réticence, mais s’en distingue par un élément essentiel : ainsi, ce n’est que si la violation de l’obligation d’information a été faite intentionnellement pour tromper l’autre contractant, qu’elle sera constitutive d’un dol entraînant la nullité du contrat, comme le prévoit l’article 1137 alinéa 2. En l’absence d’intention de tromper, le défaut d’information, qui peut ne résulter que d’une simple négligence, ne sera sanctionné que par l’octroi de dommages et intérêts. A l’inverse, le texte fait le choix de ne pas subordonner la réticence dolosive à l’existence d’un devoir d’information, conformément à une conception plus solidaire du contrat qui met l’accent sur la sanction de l’intention de tromper (l’erreur provoquée étant toujours excusable).

Il est enfin apparu important, dans le cadre d’un droit commun des contrats rénové, de poser une obligation de confidentialité pesant sur les parties négociatrices (article 1112-2), en s’inspirant des projets d’harmonisation européens. La jurisprudence l’admet d’ailleurs dans certaines circonstances, et une clarification textuelle était sollicitée des praticiens (notamment afin de viser la divulgation, c’est-à-dire l’hypothèse où l’information est en réalité utilisée par un tiers à qui le négociateur a transmis l’information).

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 L’intégralité de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

 L’intégralité du rapport présentant l’ordonnance (source légifrance)