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La jurisprudence de la semaine du 11 au 15 mai 2015

Contentieux et procédures / Elections / Fonction publique et droit social / Fiscalité locale / Hygiène et sécurité au travail

(dernière mise à jour le 20/10/2015)

Contentieux et procédures

 La circonstance que l’avocat d’une commune n’ait pas reçu d’alerte par messagerie électronique l’informant que l’avis d’une audience en référé avait été déposé sur l’application informatique « Télérecours » dédiée aux juridictions administratives, est-elle de nature à vicier la procédure ?

Non et ce même si la requête a été introduite sous une forme non dématérialisée. L’application informatique dédiée accessible par le réseau internet mentionnée à l’article R. 414-1 du code de justice administrative permet à toute partie ou tout mandataire inscrit de consulter les communications et notifications relatives aux requêtes qu’il a introduites, quelle que soit la forme sous laquelle il les a introduites et quelle que soit la date à laquelle il s’est inscrit dans l’application. L’envoi d’un message électronique aux parties et à leurs mandataires, en l’absence de demande contraire de leur part, n’est prévue par le code de justice administrative qu’à titre d’information et est sans incidence sur les conditions dans lesquelles les communications et notifications sont réputées reçues. La circonstance qu’un tel message n’aurait pas été reçu est ainsi sans incidence sur la régularité de la procédure.

Conseil d’État, 11 mai 2015, N° 379356

Elections

 Des affiches électorales et des bulletins de vote présentent une liste comme étant "soutenue" par un parti politique qui a officiellement donné son investiture à une liste concurrente. S’agit-il d’une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin bien que la mention de ce soutien ne soit pas mensongère ?

Ou : une telle mention, même si elle n’est pas mensongère, a pu induire en erreur les électeurs souhaitant apporter leur soutien à la liste investie par le parti politique en question. Compte tenu du faible écart de voix entre les deux listes, ainsi que des incidences possibles de cette manœuvre sur la répartition des sièges entre l’ensemble des listes, cette mention a été de nature, dans les circonstances de l’espèce, à altérer la sincérité du scrutin et les résultats de l’élection. Les opérations électorales doivent donc être annulées.

Conseil d’État, 11 mai 2015, N° 386018

 Le juge de l’élection peut-il être amené à contrôler qu’un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement la condition de domicile exigée par l’article L. 11 du code électoral ?

Uniquement en présence de manœuvres de nature à fausser les résultats du scrutin. En l’espèce, l’installation d’un candidat dans une commune limitrophe n’est pas jugée constitutive d’une telle manœuvre, l’intéressé continuant à disposer d’un logement dans la commune où il s’est présenté.

Conseil d’État, 11 mai 2015, N° 385615

Fiscalité locale

 Taxe locale d’équipement (TLE) : peut-on appliquer un taux uniforme à une construction comportant des locaux dont les destinations sont différentes ?

En principe non : lorsqu’une construction comporte des locaux dont les destinations sont différentes, il y a lieu d’appliquer à chaque local le tarif prévu pour la catégorie à laquelle il se rattache. Toutefois, lorsque les locaux constituent l’accessoire de locaux à usage de résidence principale, le tarif prévu pour cette catégorie doit leur être appliqué. Ainsi l’administration fiscale ne peut appliquer uniformément le taux de la TLE prévu pour les établissements de 9è catégorie pour la réalisation d’une résidence pour étudiants comportant des services collectifs [1]. Il appartient à l’administration de vérifier, sous le contrôle du juge, si les studios, occupés à titre individuel, peuvent être regardés, eu égard à leurs caractéristiques, comme des locaux à usage de résidence principale présentant le caractère de " logements " [2]. Dans l’affirmative, il convient ensuite de s’interroger sur la nature des espaces de services collectifs :

 s’ils peuvent être regardés comme l’accessoire de ces locaux d’habitation, ils relèvent ainsi, au-delà des vingt premiers mètres carrés, de la même catégorie que ces derniers ;

 s’ils ne présentent pas ce caractère d’accessoire de ces locaux, ils relèvent de la 9ème catégorie mais la tarification prévue pour cette catégorie devant alors être appliquée à ces seules surfaces.

Conseil d’État, 11 mai 2015, N° 364639

Fonction publique et droit social

 Un fonctionnaire bénéficiant d’un congé de longue maladie (ou de longue durée) est déclaré apte à reprendre ses fonctions à condition que son poste soit adapté à son état physique. La collectivité est-elle tenue de lui trouver un poste adapté ?

Uniquement si elle est en capacité de le faire. Mais ce n’est pas parce qu’une première proposition de poste a été jugée incompatible avec l’état de santé de l’agent, que la collectivité est déliée de ses obligations : il lui appartient de rechercher si un autre poste adapté ne peut être proposé à l’intéressé. Si l’autorité territoriale démontre être dans l’incapacité de proposer à l’intéressé un tel poste, le congé se poursuit ou est renouvelé, jusqu’à ce que le fonctionnaire ait épuisé ses droits à congé pour raison de maladie ou ait été déclaré définitivement inapte à exercer ses fonctions.

Conseil d’État, 12 mai 2015, N° 360662

 Une entreprise peut-elle mettre en place un traitement informatique consistant à rapprocher les consultations de sites et les chargements de toute origine opérés à partir des postes informatiques de chacun de ses salariés avec un fichier d’empreintes numériques correspondant à des contenus pédopornographiques communiqués par les autorités de police afin, en cas de coïncidence, de provoquer une alerte et un signalement aux autorités compétentes ?

Non : un tel traitement a pour seul but de rechercher et de constater l’existence d’infractions pénales en matière de pédopornographie et porte sur des données relatives à des infractions, au sens de l’article 9 et du 3° de l’article 25 de la loi du 6 janvier 1978. Or les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en œuvre que par :

 les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ;

 les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi.

Conseil d’État, 11 mai 2015, N° 375669


Hygiène et sécurité au travail

 Les sanctions pénales prévues par le code du travail en cas de manquements aux règles de sécurité au travail s’appliquent-elles aux collectivités territoriales ?

Non : les infractions spécifiques du code du travail qui sanctionnent des manquements à des règles de sécurité ne sont pas applicables aux collectivités. En effet, seuls les livres Ier à V de la quatrième partie du Code du travail et les décrets pris pour leur application sont applicables aux collectivités. Or les dispositions pénales n’y figurent pas... Pour autant les collectivités ne peuvent s’affranchir du respect de ces règles : en cas d’accident, le juge répressif tient compte des manquements relevés pour caractériser l’infraction d’homicide et blessures involontaires s’ils ont joué un rôle causal dans le dommage. En l’espèce une jeune employée saisonnière d’une commune, chargée de la surveillance d’une plage, a été victime d’un accident mortel de quad dans l’exercice de ses fonctions. Elle ne portait pas de casque et n’avait pas été formée à la conduite du véhicule. Le juge d’instruction rend une ordonnance de non lieu s’agissant des infractions spécifiques au Code du travail, relevant que celles-ci ne s’appliquaient pas aux collectivités. Mais le maire, la commune et le secouriste chef de secteur pour l’ensemble des plages de la commune sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Le premier est relaxé, les deux autres condamnés. La Cour de cassation n’y trouve rien à redire : « la circonstance que le juge d’instruction ait dit n’y avoir lieu de suivre du chef des infractions à la législation relative à la sécurité des travailleurs, au motif qu’une telle réglementation n’est pas applicable aux collectivités territoriales, ne faisait pas obstacle à ce qu’il pût retenir le comportement visé par lesdites infractions comme constitutif d’une faute caractérisée fondant le délit d’homicide involontaire ». En somme dans les collectivités territoriales, sauf hypothèse exceptionnelle de mise en danger délibérée de la vie d’autrui, il faut attendre l’accident pour que les règles de sécurité au travail puissent être sanctionnées.

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 mai 2015, N°13-80345

 La faute de l’agent, qui n’a pas respecté les consignes orales de son supérieur, exonère-t-elle l’employeur de sa responsabilité en cas d’accident ?

Non dès lors que la faute de la victime n’est pas la cause exclusive de l’accident. En l’espèce le gérant d’une société est reconnu coupable de blessures involontaires à la suite de la chute d’une hauteur de trois mètres d’un salarié qui procédait à des travaux de terrassement au premier étage d’une maison. Le prévenu, après avoir retiré les barrières de protection de la zone de travail et alors qu’il la quittait pour chercher une échelle, n’avait donné pour toute instruction à la victime que d’attendre son retour. En agissant de la sorte, les juges estiment que le prévenu a commis une faute caractérisée en ce qu’il ne pouvait ignorer qu’il exposait son salarié, dépourvu de toute protection collective ou individuelle, à un risque de chute. La faute de la victime, qui avait continué le travail alors que les barrières de protection de la terrasse avaient été ôtées, n’étant pas la cause unique et exclusive de l’accident, ne saurait exonérer l’employeur. Le raisonnement serait identique au sein d’une collectivité territoriale, si un chef d’équipe avait donné les mêmes consignes à un agent.

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 mai 2015, N° 14-83743


Pouvoirs de police

  Un maire peut-il, plus de cinq ans après le placement en fourrière d’un chien ayant mordu des habitants de la commune, ordonner l’euthanasie de l’animal ?

Oui si une évaluation comportementale de l’animal par un collège d’experts conclut que l’animal présente un danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques. Le maire peut alors ordonner l’euthanasie sans délai dans le cadre de ses pouvoirs de police. Et ce même si cela fait plusieurs années que l’animal est placé en fourrière.

En l’espèce, le chien avait été dressé au mordant, ce qui peut provoquer le déclenchement d’une attaque simplement en levant le bras ou en voulant se protéger avec un bâton. Il avait d’ailleurs mordu deux habitants de la commune, ce qui avait entrainé son placement en fourrière par arrêté du maire. Un premier arrêté ordonnant l’euthanasie avait été annulé, les juges estimant alors que l’animal (un berger allemand) présentait un danger nécessitant des modalités de garde particulières qu’il appartenait au maire de prescrire mais ne présentait le caractère d’un danger grave et immédiat justifiant son euthanasie sans condition ni délai. Le propriétaire du chien n’avait pas en revanche exercé de recours contre l’arrêté plaçant le chien en fourrière et ne s’était pas acquitté des frais de garde. Après quatre ans de captivité, c’est une association de protection des animaux qui a saisi les autorités compétentes afin de trouver des solutions pour sortir de cette impasse. D’où une nouvelle expertise de l’animal qui a conclu, cette fois, à la dangerosité grave et immédiate de l’animal, autorisant ainsi le maire à ordonner l’euthanasie sans délai.

Tribunal administratif de Bordeaux, 13 mai 2015, N° 1300581 et 1302507 (Avec les conclusions du Commissaire du gouvernement. Renvoi vers le site « jurista33 », site spécialement dédié à la jurisprudence du tribunal administratif de Bordeaux)


 [3]

[1Salle de petit-déjeuner, salle de sport, service de loge et laverie automatique.

[2Auxquels est applicable la tarification prévue au 2 de la 5ème catégorie.

[3Photo : © Treenabeena