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La jurisprudence de la semaine du 19 au 23 janvier 2015

Fonction publique / Marchés publics et contrats

(dernière mise à jour le 24/02/2015)

Fonction publique

 La délibération par laquelle un conseil municipal attribue une indemnité à certains agents prend-elle effet immédiatement ?

Non : une délibération ne peut légalement entrer en vigueur avant la date de sa publication. Ainsi un agent dont les fonctions ont pris fin avant que la délibération ne soit publiée, ne peut prétendre à percevoir l’indemnité votée par l’assemblée. En l’espèce un conseil municipal avait décidé le 28 mai 2008, d’instituer au profit de certains agents de la commune une indemnité d’administration et de technicité et une indemnité d’exercice des missions de préfecture. Un agent, dont les fonctions ont pris fin le 31 mai de la même année, demandait à bénéficier de ces dispositions. Le Conseil d’Etat approuve le tribunal administratif d’avoir rejeté cette demande dès lors que la délibération n’a été publiée que le 4 juin soit après l’expiration des fonctions de l’intéressé.

Conseil d’État, 19 janvier 2015, N° 375283

 La dépression d’un agent révélant une « faille psychique » pré-existante peut-elle être imputée au service malgré un décalage entre la gravité de l’état de santé et les difficultés rencontrées (lesquelles ont constitué l’élément déclenchant) ?

Oui si la « faille psychique » ne s’était jusqu’alors pas manifestée, et si la dépression dont souffre l’agent constitue une conséquence des agissements dont il a été victime au travail. Est ainsi imputable au service l’état anxio-dépressif d’un agent d’entretien placé en congé de maladie après des dégradations systématiquement commises dans les salles de classe après son passage pour les nettoyer.

Conseil d’État, 19 janvier 2015, N° 377497

 Le changement d’affectation d’un directeur opérationnel des travaux sur un nouveau poste sans aucune responsabilité doit-il être considéré comme une mutation d’office constitutive d’une sanction déguisée ?

Oui, un changement d’affectation comportant une modification substantielle de la situation du fonctionnaire, lui enlevant toute responsabilité, constitue une mutation d’office. Une telle mutation d’office revêt un caractère disciplinaire, qui n’est pas au nombre des sanctions limitativement énumérées à l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 qui peuvent être infligées à un fonctionnaire territorial. Un tel changement d’affectation constitue une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir. En l’espèce, un fonctionnaire, relevant du cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux, occupait un poste de directeur opérationnel des travaux au sein du département. A la tête d’une direction de 240 agents dotée d’un budget important, il assumait la responsabilité de la construction, de l’entretien et de la maintenance de l’ensemble du patrimoine départemental. A la suite d’un rapport provisoire de l’inspection générale mettant en cause ses compétences et une situation de conflit d’intérêts [1], il est affecté à un poste de directeur chargé de mission promotion du logement adapté à la dépendance, sans aucune responsabilité en matière de management et de budget. L’intéressé demande l’annulation de la décision d’affectation, demande rejetée implicitement par le président du conseil général. Pour faire droit à sa demande, les juges estiment que cette affectation, alors même qu’elle pouvait être légalement justifiée par l’intérêt du service, présentait un caractère disciplinaire. Par suite, le requérant est fondé à en demander l’annulation, il devra en outre être réintégré dans son ancien poste dans les deux mois.

Tribunal administratif de Lille, 20 janvier 2015, N° 1206961

Marchés publics et contrats

 Le manque à gagner d’une entreprise irrégulièrement évincée d’un marché public doit-il être évalué en prenant en compte le bénéfice net qu’aurait procuré ce marché à l’entreprise ?

Oui. Une entreprise candidate à l’attribution d’un marché public qui a été irrégulièrement évincée de ce marché qu’elle avait des chances sérieuses d’emporter a droit à être indemnisée de son manque à gagner, lequel doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu’aurait procuré ce marché à l’entreprise. L’indemnité due à ce titre ne constitue en effet pas la contrepartie de la perte d’un élément d’actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales. Cette indemnité doit donc être regardée comme un profit de l’exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l’impôt sur les sociétés.

Conseil d’État, 19 janvier 2015, N° 384653


 [2]

[1Il a fait intervenir une entreprise gérée par son fils dans des travaux publics départementaux.

[2Photo : © Treenabeena