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La jurisprudence de la semaine du 8 au 12 décembre 2014

Citoyenneté et état civil / Domaine public / Elections / Fonction publique et droit social / Hygiène et sécurité au travail / Marchés publics et contrats / Responsabilités / Urbanisme

(Dernière mise à jour le 16/03/2015)


Biens et domaine public

 Le mur de soutènement d’une église située sur une place publique fait-il partie du domaine public routier communal ?

Oui dès lors que le mur de soutènement de l’église est situé sur une place, propriété de la commune, ouverte à la circulation publique et pour partie aménagée en parc de stationnement, laquelle fait partie du domaine public routier communal en application de l’article L.2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques. En effet, le mur de soutènement constitue l’accessoire indispensable de cette place. Par conséquent, les tribunaux judiciaires sont compétents, en vertu de l’article L.116-1 du code de la voirie routière, pour connaître d’une action tendant à l’expulsion d’occupants sans titre d’un local situé dans ce mur de soutènement.

Tribunal des Conflits, 8 décembre 2014, n° C3971


Citoyenneté et état civil

 Un enfant né d’une mère porteuse à l’étranger peut-il se voir reconnaître la nationalité française ?

Oui : la seule circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine un contrat qui est entaché de nullité au regard de l’ordre public français ne peut, sans porter une atteinte disproportionnée à ce qu’implique, en termes de nationalité, le droit de l’enfant au respect de sa vie privée [1] conduire à priver cet enfant de la nationalité française à laquelle il a droit, en vertu de l’article 18 du code civil et sous le contrôle de l’autorité judiciaire, lorsque sa filiation avec un Français est établie. Ainsi le seul soupçon de recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui conclue à l’étranger ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française dès lors que les actes d’état-civil local attestant du lien de filiation avec un Français peuvent être, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, regardés comme probants, au sens de l’article 47 du code civil.

Conseil d’État, 12 décembre 2014, N° 365779

  La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public est-elle contraire à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant la liberté de pensée, de conscience et de religion ?

Non : si l’article 9 de la convention susvisée garantit l’exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion, l’alinéa 2 de ce texte dispose que cette liberté peut faire l’objet de restrictions prévues par la loi et constituant, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Tel est bien le cas de la loi interdisant la dissimulation intégrale du visage dans l’espace public en ce qu’elle vise à protéger l’ordre et la sécurité publics et à garantir les conditions du "vivre ensemble" en imposant à toute personne circulant dans un espace public, de montrer son visage. Si la Cour de cassation confirme la peine de 150 euros d’amende prononcée contre la contrevenante, elle annule en revanche la peine de deux jours de stage de citoyenneté, une telle mesure ne pouvant être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n’est pas présent à l’audience.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 décembre 2014,
N° 14-80873


Elections

 Un ingénieur territorial employé par un conseil général peut-il se présenter aux élections municipales d’une commune située dans le ressort du département ?

Oui s’il n’a pas de pouvoir propre de décision et n’exerce pas de responsabilités équivalentes à celles d’un chef de service. En l’espèce l’intéressé, ingénieur territorial et adjoint au directeur de la direction agriculture et aménagement de l’espace à la direction générale du conseil général de l’Aveyron, exerçait essentiellement des fonctions d’expertise technique et des fonctions d’adjoint, sans pouvoir propre de décision. N’exerçant des responsabilités équivalentes à celles d’un chef de service, visées à l’article L. 231 du code électoral, il reste donc éligible dans une commune située dans le ressort du département qui l’emploie.

Conseil d’État, 12 décembre 2014, N° 382528


Fonction publique et droit social

 Un collaborateur de cabinet d’un président de conseil général peut-il être licencié pour s’être engagé officiellement en faveur d’un candidat aux législatives n’appartenant pas à la majorité départementale ?

Oui et ce même s’il s’agit d’un engagement pour un parti politiquement proche de celui de la majorité départementale. Peu importe également que lors de son recrutement l’engagement politique de l’intéressé était connu. En ayant manifesté et soutenu publiquement à travers la diffusion de tracts politiques sur l’une des circonscriptions du département une ligne politique propre au parti auquel il adhère en excluant nécessairement les autres politiques, mêmes proches, comme celle défendue par la présidente du conseil général, l’intéressé a rompu la relation de confiance nécessaire à la poursuite de son contrat de collaborateur de cabinet.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 9 décembre 2014, N° 13MA04639

 Un malaise subi par un agent à l’occasion d’un déplacement dans le cadre de ses missions de représentant du personnel est-il imputable au service ?

Oui : tout accident survenu alors que le fonctionnaire est en mission, sauf s’il a eu lieu lors d’une interruption de cette mission pour des motifs personnels, présente le caractère d’un accident de service. En l’espèce, l’agent était en déplacement dans une autre ville pour participer, en tant que représentante du personnel, à une réunion de la commission administrative paritaire nationale dont elle était membre. Le malaise dont elle a été victime a eu lieu sur la voie publique alors qu’elle regagnait la gare à l’issue de la réunion. Le Conseil d’Etat confirme l’imputabilité de l’accident au service, en l’absence de circonstances particulières de nature à détacher cet événement du service. Peu importe que le malaise ait pu être favorisé par une pathologie préexistante, dès lors que celle-ci s’inscrivait dans un état d’épuisement professionnel.

Conseil d’Etat, 12 décembre 2014, n° 367290


Hygiène et sécurité au travail

 L’employeur peut-il s’exonérer de sa responsabilité dans le cadre d’un accident du travail causé par un camion benne si le véhicule a passé avec succès les contrôles techniques obligatoires ?

Non, encore faut-il que le véhicule soit conforme aux normes de sécurité. En l’espèce un salarié a été écrasé, alors qu’il se trouvait entre le châssis et la benne d’un camion appartenant à l’entreprise, lorsque cette benne, qui était levée, est redescendue. Le gérant de l’entreprise est condamné pour homicide involontaire. Selon le rapport dressé par l’APAVE, la benne en cause présentait de nombreux manquements aux obligations prévues par les articles R. 4324-2, R. 4324-8, R. 4324-9, R. 4324-10, R. 4324-11, R. 4324-14, R. 4324-16 et R. 4324-20 du code du travail. Ainsi n’étaient pas prévenus les risques d’un abaissement incontrôlé de cette benne et d’un écrasement du châssis bas qui pouvait en résulter. De fait les salariés avaient pour consigne de placer une cale sous la benne dès que celle-ci était levée... La benne qui a écrasé la victime n’a pu descendre inopinément qu’en raison de la manipulation du levier permettant de passer d’une utilisation "benne" du dispositif hydraulique à une utilisation "grue" de ce même dispositif. Ainsi en remettant à ses salariés un équipement présentant les défauts de conformité à la réglementation, l’employeur a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, au sens de l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal. Peu importe que le véhicule ait passé avec succès les contrôles techniques obligatoires.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 décembre 2014,
N° 13-85937


Marchés publics et contrats

 Le créancier d’une collectivité peut-il invoquer la compensation pour refuser de payer une somme qu’il doit à celle-ci ?

Non les règles de la comptabilité publique s’y opposent. Il appartient donc à l’intéressé de payer sa dette à la collectivité et d’engager une action contre celle-ci pour le paiement de sa créance. Tel est jugé le cas d’une SCI dont la commune s’était portée caution solidaire pour la construction d’un théâtre de marionnettes. L’emprunteur ayant été défaillant, la commune avait dû s’acquitter des mensualités impayées. Elle en avait par la suite demandé le remboursement en émettant un titre exécutoire contre la SCI. Cette dernière voulait faire jouer la compensation en invoquant des créances (loyers impayés) qu’elle détenait sur la collectivité. La Cour de cassation lui objecte que le débiteur d’une collectivité publique ne peut pas compenser sa dette avec les créances qu’il détient sur cette même collectivité.

Cour de cassation, chambre civile 1, 10 décembre 2014, N° 13-25114


Responsabilité pénale

 Une personne relaxée du chef de harcèlement sexuel en raison de l’abrogation de l’article 222-33 du code pénal dans sa version issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 peut-elle être poursuivie pour les mêmes faits pour agression sexuelle bien que le jugement de relaxe soit définitif ?

Non : l’autorité de la chose jugée attachée à la décision définitive du tribunal correctionnel qui a constaté l’extinction de l’action publique par l’abrogation de la loi d’incrimination fait obstacle à la reprise de l’action publique sur les mêmes faits autrement qualifiés.

Cour de cassation, chambre criminelle, 10 décembre 2014,
N° 14-80230

 Les peines de même nature prononcées contre une même personne condamnée pour plusieurs infractions sont-elles cumulables entre elles ?

Oui mais à la condition que leur total n’excède pas le maximum légal de la peine la plus élevée encourue. C’est la limite maximale qui peut être prononcée. Un élu qui serait par exemple condamné à la fois pour favoritisme et pour prise illégale d’intérêts encourt ainsi au maximum cinq ans d’emprisonnement et 500 000 € d’amende (peines encoures pour le délit de prise illégale d’intérêts), le délit de favoritisme n’étant pour sa part passible "que" de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €. Il ne saurait être condamné à 7 ans d’emprisonnement et 700 000 € d’amende.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 décembre 2014,
N° 13-85937


Urbanisme

 Le juge administratif est-il compétent pour condamner une collectivité à indemniser le préjudice subi par le propriétaire d’un bien exproprié en raison d’une affectation non conforme à la déclaration d’utilité publique ?

Non : les tribunaux judiciaires, qui sont compétents pour apprécier si les biens expropriés ont effectivement reçu une affectation conforme à la déclaration d’utilité publique, le sont également pour condamner la collectivité bénéficiaire au paiement d’une indemnité compensant le préjudice subi par le propriétaire initial. En l’espèce, des terrains avaient été déclarés d’utilité publique au profit d’une commune pour permettre l’extension de la plate-forme d’un port de plaisance. Les terrains n’ayant pas été affectés conformément à la déclaration d’utilité publique, le propriétaire avait saisi le juge administratif pour obtenir réparation du préjudice subi. Le Tribunal des Conflits confirme la compétence des tribunaux judiciaires.

Tribunal des Conflits, 8 décembre 2014, n° C3972


 [2]

[1Garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).

[2Photo : © Treenabeena