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Pas de compensation possible au profit des créanciers des collectivités

Cour de cassation, chambre civile 1, 10 décembre 2014, N° 13-25114

Le créancier d’une collectivité peut-il invoquer la compensation pour refuser de payer une somme qu’il doit à celle-ci ?

Non les règles de la comptabilité publique s’y opposent. Il appartient donc à l’intéressé de payer sa dette à la collectivité et d’engager une action contre celle-ci pour le paiement de sa créance. Tel est jugé le cas d’une SCI dont la commune s’était portée caution solidaire pour la construction d’un théâtre de marionnettes. L’emprunteur ayant été défaillant, la commune avait dû s’acquitter des mensualités impayées. Elle en avait par la suite demandé le remboursement en émettant un titre exécutoire contre la SCI. Cette dernière voulait faire jouer la compensation en invoquant des créances (loyers impayés) qu’elle détenait sur la collectivité. La Cour de cassation lui objecte que le débiteur d’une collectivité publique ne peut pas compenser sa dette avec les créances qu’il détient sur cette même collectivité.

En mai 1988, une commune se porte caution solidaire d’un prêt bancaire consenti à une SCI pour la construction d’un théâtre de marionnettes. Deux ans plus tard la SCI loue à la commune le local à destination de salle de spectacle pour une durée de douze ans moyennant un loyer annuel de 58 000 euros.

Malgré ce loyer relativement conséquent, la SCI n’est pas en mesure de supporter l’emprunt souscrit. De fait à compter de janvier 1992, c’est la commune qui doit supporter les mensualités jusqu’au terme de l’opération en mars 2004...

En 2008, à la faveur d’un changement d’équipe municipale, la commune émet un titre exécutoire à l’encontre de la SCI pour la somme de 310 309,27 euros correspondant aux « avances en garantie d’emprunt ». La SCI conteste ce montant objectant que la commune n’a pas poursuivi le paiement des loyers. Elle demande donc que le montant de cette créance soit, par compensation, déduite du titre exécutoire. Impossible répond la Cour de cassation par un attendu de principe :

"selon les principes de la comptabilité publique, le débiteur d’une collectivité publique ne peut pas compenser sa dette avec les créances qu’il détient sur cette même collectivité".

Ce qui ne veut pas dire pour autant que la commune ne devra pas s’acquitter des loyers litigieux. La Cour de cassation confirme là aussi l’analyse des juges d’appel condamnant la commune à verser à la SCI les loyers impayés avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008.

Pour sa défense la commune objectait que l’ancien maire avait outrepassé ses pouvoirs en contournant les limites de la délégation de pouvoir qui lui avait été confiée par le conseil municipal pour conclure le contrat. Invoquant l’adage latin fraus omnia corrumpit, la commune estimait que la fraude du maire justifiait l’annulation du contrat : alors que la délibération du conseil municipal portait sur un contrat de 12 ans, le maire avait conclu en fait un bail bail emphytéotique susceptible d’engager la commune, par tacite reconduction, pour 30 ans.

Sauf que dans les faits, répliquent les juges, le maire n’a pas fait usage de cette faculté de reconduction de la convention. Ainsi s’il a indiqué dans un courrier adressé à la SCI que le bail pourrait être renouvelé chaque année, jusqu’à une durée maximale de trente ans, le maire s’était alors borné à rappeler les termes du contrat sur la faculté de renouvellement de celui-ci, sans prendre aucun engagement. Insuffisant donc pour caractériser une fraude justifiant l’annulation de la convention.

Cour de cassation, chambre civile 1, 10 décembre 2014, N° 13-25114