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de la vie territoriale & associative

La jurisprudence pénale des acteurs de la vie territoriale et associative - Avril 2014

Juridiscope territorial et associatif - Dernière mise à jour le 2/09/2016

Retrouvez les décisions de la justice pénale recensées par l’Observatoire Smacl des risques de la vie territoriale

 [1]


Cour de cassation, chambre criminelle, 1 avril 2014, N° 13-83179

Condamnation d’un maire (commune de 90 habitants) du chef d’abus de faiblesse. Profitant du décès de l’époux d’une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer et de la confiance inspirée par ses fonctions électives, le maire s’est fait ainsi remettre, en divers versements, 40 000 euros d’économies. Les demandes récurrentes d’argent, qu’il a formulées auprès de la victime, l’ont déstabilisée et mise dans une situation financière précaire à tel point qu’elle a dû souscrire un emprunt et s’est retrouvée interdite bancaire... L’élu est condamné à quinze mois d’emprisonnement avec sursis, et à cinq ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille. Au civil, il devra rembourser les sommes ainsi extorquées.

Cour d’appel de Rennes, 1er avril 2014

Relaxes d’une société d’économie mixte (SEM) et de son directeur poursuivis pour escroquerie et détournement de fonds publics. Spécialisée dans la recherche sur la valorisation des algues, la SEM bénéficiait d’importantes subventions du fonds européen de développement régional (FEDER) au titre de contrat de projets Etat-région et de l’Union européenne au titre de dépenses directes pour la réalisation de projets spécifiques. Un audit conduit par les services de la Commission européenne, portant sur les relevés de coût produits par la SEM concernant deux projets subventionnés, avait conclu à des anomalies dans la comptabilité des heures consacrées à ces projets justifiant un ajustement total de 659 802, 31 euros en faveur de la Commission européenne. Un contrôle de la chambre régionale des comptes avait confirmé des irrégularités, ce qui avait valu à la SEM et à son directeur d’être poursuivis des chefs d’escroquerie et de détournement de fonds publics. Condamnés en première instance, les prévenus sont relaxés en appel :

 s’agissant du délit d’escroquerie, un simple mensonge ne suffit pas à caractériser des manœuvres frauduleuses,

 s’agissant du détournement de fonds publics, il n’est pas démontré que les prévenus auraient détourné une partie des subventions publiques consenties afin de développer une activité privée de production industrielle d’eau de mer filtrée [2].

Tribunal correctionnel de Lyon, 3 avril 2014

Condamnation d’une ex-adjointe au maire (et ex-magistrate à la chambre régionale des comptes...) poursuivie pour favoritisme dans l’attribution d’un marché de collecte des encombrants et de gestion des déchetteries. La brigade financière avait découvert qu’une entreprise aurait proposé un soutien au club de basket de la ville en contrepartie de l’attribution de tout ou partie de l’attribution du marché litigieux. En revanche, les faits de corruption ne sont pas retenus contre l’ancienne adjointe. En effet, les juges n’excluent pas que celle-ci ait pu agir de bonne foi dans la répartition des lots entre les deux entreprises, sans avoir connaissances de ces manœuvres. L’élue est condamnée à trois mois de prison avec sursis et 2000 € d’amende.

Tribunal correctionnel de Libourne, 8 avril 2014

Relaxe d’un maire (ville de 130 habitants) prévenu d’avoir réalisé des travaux de curage non autorisés dans un cours d’eau (fossé de 6 kilomètres de long). L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui a constaté l’infraction, estimait ces travaux nuisibles au débit de l’eau et à la vie aquatique. L’édile, lui, explique avoir voulu appliquer le principe de précaution et éviter d’éventuelles inondations pour une vingtaine de foyers du secteur.

Tribunal Grande instance de Montpellier, ordonnance du juge d’instruction, 8 avril 2014

Non-lieu prononcé en faveur d’un maire et de son premier adjoint (ville de 5 500 habitants) poursuivis pour favoritisme et prise illégale d’intérêt dans l’attribution d’une concession de plage privée. Le restaurant de plage avait été attribué à un ancien footballeur devenu ensuite le compagnon de la fille du premier adjoint. Les investigations ont permis de dater le début de cette relation après l’expiration de la procédure d’appel d’offres.

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 8 avril 2014

Confirmation de la condamnation de deux agents d’une régie autonome de transports pour détournement de fonds publics. Il leur est reproché, avec deux autres collègues (aussi condamnés mais qui n’ont pas relevé appel), d’avoir détourné de l’argent des caisses de distributeurs de tickets lors de l’opération de comptage du liquide. Les 4 prévenus avaient été condamnés à indemniser la régie du montant des sommes ainsi détournés. Deux des prévenus ont contesté cette condamnation au civil estimant que la régie avait contribué à la réalisation de son propre préjudice en ne mettant pas en place les procédures de contrôle nécessaires pour éviter de tels détournements. L’argument est écarté par la cour d’appel, celle-ci jugeant "surréaliste pour des agents travaillant pour un établissement public d’accuser leur employeur pour ne pas avoir mis en place des systèmes de contrôle suffisants qui auraient été susceptibles de les empêcher de commettre les faits reprochés et de soutenir qu’ils ont en quelque sorte été soumis à une tentation à laquelle ils ne pouvaient résister à cause de ce même employeur" !

Cour de cassation, chambre criminelle, 8 avril 2014, N° 12-83214

Confirmation de la condamnation d’un maire (ville de 25 000 habitants) pour harcèlement moral suite au suicide par défenestration de la directrice de communication de la commune. Il est reproché à l’élu d’avoir dénigré le travail de l’intéressée, de l’avoir dévalorisée, de lui avoir fixé des objectifs irréalisables, d’avoir exigé à plusieurs reprises qu’elle refasse des travaux pour lesquels il avait préalablement donné son accord et d’avoir tenu à son encontre des propos humiliants en la qualifiant notamment de « nulle » et de « folle ». L’élu est condamné à 6 mois de prison avec sursis et à 8 000 euros d’amende. La Cour de cassation confirme aussi sa condamnation au civil à indemniser les parties civiles, les agissements fautifs du prévenu étant jugés détachables du service.

Cour d’appel de Lyon, 9 avril 2014

Condamnations du directeur et d’un cadre de santé d’un établissement public intercommunal recevant des personnes âgées dépendantes poursuivis du chef de harcèlement moral sur plainte de deux aides-soignantes. La cour d’appel estime qu’elle n’a pas à statuer sur le rejet de l’exception de nullité soulevée par les prévenus en première instance [3].

Tribunal correctionnel de Nanterre, 10 avril 2014

Condamnation d’un conseiller municipal poursuivi pour des faits d’escroquerie (mais relaxé sur des faits de faux en écriture). Il lui était reproché d’avoir fait bénéficier une militante de son parti politique, figurant en position non éligible sur la liste aux municipales, d’une formation en communication et prise de parole financée par la ville dans le cadre du droit à la formation des élus. Le conseiller est condamné à trois mois de prison avec sursis ainsi qu’à une amende de 2 000 euros. La bénéficiaire de la formation est condamnée pour escroquerie et faux en écriture à une amende de 2 000 euros. Au civil les deux prévenus sont condamnés solidairement au remboursement de la formation à la mairie.

Cour d’appel de Metz, 10 avril 2014

Condamnation d’un trésorier d’une association gérant un centre social du chef de harcèlement moral sur plainte d’un salarié. Il est reproché au prévenu :

 d’avoir stigmatisé publiquement la présentation physique du salarié, dénonçant le fait qu’il boitait ;

 d’avoir dénoncé publiquement et à plusieurs reprises la qualité du travail du salarié alors même que le président de l’association, c’est-à-dire le représentant de l’employeur, a témoigné de la qualité du travail fourni, témoignage confirmé par d’autres intervenants de l’association.

Le trésorier est condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 1 000 euros d’amende.

Cour d’appel de Riom, 10 avril 2014

Condamnation [4] de deux conseillers municipaux du chef de recel de prise illégale d’intérêts. Il leur est reproché leur participation à deux délibérations relatives à l’implantation d’éoliennes sur leurs terrains. Ils sont condamnés à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 8 000 euros d’amende.

Tribunal correctionnel de Troyes, 12 avril 2014

Condamnation du directeur d’un centre de loisirs (commune de 1 700 habitants) poursuivi pour agressions sexuelles sur mineurs sur plainte de deux enfants de 8 et 10 ans ayant dénoncé des caresses déplacées du prévenu. Le directeur se défendait en faisant état de "gestes équivoques en jouant". Il est condamné à dix mois de prison assortis d’un sursis et d’une mise à l’épreuve de deux ans. Il a également l’interdiction d’exercer une activité en lien avec les mineurs.

Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, 16 avril 2014

Relaxe d’un adjoint au maire poursuivi pour injures publiques sur plainte du maire avec constitution de partie civile. En cause des propos tenus lors d’un conseil municipal qualifiant de Pieds Nickelés des investisseurs. Cette expression ne présente pas aux yeux du tribunal de caractère outrageant pénalement répréhensible.

Tribunal correctionnel de Toulouse, 16 avril 2014

Relaxes de trois pompiers poursuivis pour diffamation à l’égard d’un président de conseil général. Ils avaient distribué, dans le fief électoral de celui-ci, des tracts concernant une prime supprimée par le département en 2006. Le juge a prononcé la nullité de la plainte et de la procédure.

Tribunal correctionnel de Rodez, 23 avril 2014

Relaxe d’un maire d’une commune de 500 habitants poursuivi pour des faits de rejet en eau douce ou pisciculture de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire et de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer. Il lui était reproché de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour régulariser un site transformé en décharge sauvage, non déclarée en préfecture, à proximité d’un ruisseau. L’avocat de la défense a pu utilement plaider l’absence d’analyses des eaux et du sol.

Tribunal correctionnel de Fort de France, 29 avril 2014

Relaxe d’une ancienne directrice générale des services (DGS) du conseil général poursuivie pour détournement de fonds et prise illégale d’intérêts à la suite d’une dénonciation anonyme. Il lui était reproché d’avoir utilisé à des fins personnelles une femme de ménage détachée par le département pour l’entretien de sa maison de fonction. L’ancien président du conseil général, entendu par le tribunal, a expliqué qu’en 1992 lorsqu’il est arrivé à la tête de la collectivité le DGS disposait de 4 personnes à son service conformément à une délibération votée en 1982 et qu’il avait décidait en 1997 de réduire de moitié ces avantages. Le licenciement prononcé à l’encontre de la DGS par la nouvelle majorité suite à ces faits a été jugé illégal par les juridictions administratives. Le tribunal correctionnel, suivant les réquisitions du procureur de la République, prononce une relaxe.

Cour de cassation, chambre criminelle, 29 avril 2014

Condamnations d’un responsable des sapeurs-pompiers (chef des opérations de secours) et d’un médecin du SMUR pour homicide et blessures involontaires après l’intoxication au monoxyde de carbone d’une pensionnaire (décédée) et du personnel d’une maison de retraite. Il leur est reproché de ne pas avoir prêté attention aux déclenchements successifs de l’alarme du détecteur de monoxyde de carbone du SMUR, ni questionné le personnel de la maison de retraite tant sur le fonctionnement des chaudières que sur l’état de santé des autres pensionnaires. Il est plus particulièrement reproché :

 au responsable des sapeurs-pompiers de n’avoir procédé à aucune vérification relative à la présence de monoxyde de carbone alors que le véhicule des sapeurs-pompiers devait être équipé d’un matériel à cette fin ;

 au médecin du SMUR de n’avoir demandé aucune vérification aux sapeurs-pompiers alors qu’il se trouvait face à une patiente présentant un œdème aigu du poumon dont l’origine était soit cardiaque soit due à l’intoxication au monoxyde de carbone.

La Cour de cassation approuve la condamnation des deux prévenus, ceux-ci n’ayant "pas accompli les diligences normales qui leur incombaient compte tenu de la nature de leurs missions, de leurs compétences et des conditions de leurs interventions, ainsi que des moyens dont ils disposaient, et n’ayant pu ignorer le risque d’une particulière gravité auquel ils exposaient autrui".

Le responsable des sapeurs-pompiers est condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et à 2 000 euros d’amende, le médecin du SMUR à un an d’emprisonnement avec sursis et à 3 000 euros d’amende.

Cour de cassation, chambre criminelle, 30 avril 2014

Relaxe du directeur salarié d’une association (Mission locale) poursuivi pour abus de confiance sur plainte de son employeur. Il était reproché au prévenu la commande d’un rapport inutile et onéreux et la prise en charge indue de frais de déplacement, ainsi que le paiement non justifié d’heures supplémentaires. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir retenu la prescription pour une bonne partie des faits et d’avoir écarté tout abus de confiance pour les faits non prescrits. Sur le paiement de sommes indues, les juges d’appel avaient notamment relevé que le prévenu n’avait en rien détourné des fonds qui lui auraient été remis à titre précaire : ne disposant pas de la signature sur les comptes de la Mission locale, il n’a fait que demander à son employeur des gratifications qu’il appartenait aux instances dirigeantes de l’association de refuser.

Tribunal correctionnel de Rodez, avril 2014

Condamnation d’une conseillère municipale (commune de 100 habitants) pour prise illégale d’intérêts. Il lui est reproché d’avoir participé au vote d’un projet de construction d’éoliennes sur des terrains appartenant à son mari, à sa belle-sœur et à son beau-frère leur procurant ainsi un substantiel loyer annuel. Elle est condamnée à 2 mois d’emprisonnement avec sursis, 1.000€ d’amende ainsi qu’à l’interdiction pour 2 ans de ses droits civiques, civils et de famille.


Avertissements

Les jugements et arrêts recensés ne sont pas tous définitifs. Ils peuvent donc être infirmés en appel ou annulés en cassation. Jusqu’à l’expiration des voies de recours, les élus et les fonctionnaires condamnés bénéficient donc toujours de la présomption d’innocence.

Par respect pour ce principe, l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale a volontairement occulté les noms des prévenus et des parties civiles.

Vous pouvez nous aider à consolider notre base d’observation en nous transmettant (observatoire@smacl.fr) les références de décision de justice ou d’article de presse relatives à des mises en cause pénales d’élus locaux, de fonctionnaires territoriaux ou de collectivités territoriales.

[1Photo : © Ene

[2La relaxe sur ce point est annulée par la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre criminelle, 12 novembre 2015, N° 14-82819).

[3Solution censurée par la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre criminelle, 17 novembre 2015, N° 14-83355).

[4Annulée par Cour de cassation, chambre criminelle, 12 novembre 2015, N° 14-83073