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La jurisprudence de la semaine du 13 au 17 février 2012

Biens et domaines / Comptabilité et finances publiques / Etat civil / Fonction publique / Hygiène et sécurité au travail / Pouvoirs de police / Responsabilités / Urbanisme

(dernière mise à jour le 28/02/2013)

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Biens et domaines

 Un propriétaire qui doit effectuer des travaux sur sa toiture peut-il contraindre son voisin à accepter la présence d’un échafaudage sur son terrain ?

Oui si le propriétaire n’a pas d’autres solutions techniques à un coût économiquement acceptable. Ainsi en l’espèce, le refus du maire de la commune de voir installer une nacelle en vue d’effectuer ces travaux à partir de la voie publique et le coût disproportionné de toute autre solution au regard de la valeur des travaux à effectuer, justifie l’installation d’un échafaudage en éventail ou sur pieds dans la propriété voisine pour une durée de trois semaines. Le propriétaire du fonds voisin ne peut pas s’y opposer sous peine de commettre un abus de droit.

Cour de cassation, chambre civile 3, 15 février 2012, N° 10-22899


Comptabilité et finances publiques

 Un redevable peut-il refuser de s’acquitter de la redevance des ordures ménagères, faute pour la collectivité d’avoir visé le texte servant de fondement à l’émission du titre exécutoire ?

Oui : une circulaire du 18 juin 1998 opposable à l’administration impose la mention, dans le titre exécutoire, de la référence aux textes sur lesquels est fondée l’existence de la créance. Par ailleurs le contribuable doit être en mesure de connaître les bases exactes de la liquidation. Une collectivité ne peut ainsi se borner à renvoyer à un tarif, non détaillé, fixé en fonction de la nature des locaux par une délibération, sans annexer ladite délibération au titre exécutoire. Peu importe que l’intéressé pouvait librement avoir accès à ce document administratif.

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2012, N° 11-13887


Etat civil

 Les parents sont-ils libres de donner le prénom de leur choix à leur enfant ?

Non : si l’officier d’état civil est tenu dans un premier temps de porter sur l’acte de naissance les prénoms choisis, il doit informer sans délai le procureur de la République de tout prénom qui lui paraitrait contraire à l’intérêt de l’enfant. Si le juge aux affaires familiales juge que le prénom n’est effectivement pas conforme à l’intérêt de l’enfant, il ordonne alors sa suppression sur les registres de l’état civil et attribue, le cas échéant, à l’enfant un autre prénom qu’il détermine lui-même à défaut par les parents d’un nouveau choix. Le prénom "Titeuf" est ainsi jugé contraire à l’intérêt de l’enfant et doit être supprimé des registres.

Cour de cassation, chambre civile 1, 15 février 2012, N° 10-27512 11-19963


Fonction publique

 Une commune peut-elle se prévaloir de témoignages pour justifier, après coup, une sanction disciplinaire déjà prise ?

Non : une commune ne peut utilement se prévaloir de témoignages établis postérieurement à la date de la sanction contestée et ne figurant donc pas au dossier de l’agent à la date de la sanction, pour justifier ladite sanction. Sont ainsi dénuées de toute crédibilité des attestations émanant de personnes ayant un lien de subordination ou d’intérêt avec le maire et qui ont été rédigées après que l’intéressé ait présenté un recours contre la sanction prise devant le tribunal administratif.

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 14 février 2012, N° 11BX01239


Hygiène et sécurité au travail

 Un défaut de mise à jour du document unique d’évaluation à risque peut-il être considéré comme un élément à charge en cas d’accident ?

Oui. La Cour de cassation approuve ainsi la condamnation d’une entreprise et de son dirigeant pour homicide involontaire en relevant notamment "que l’employeur, qui avait établi, en 2006, un document recensant et évaluant les risques professionnels auxquels les salariés étaient exposés, ne l’a jamais actualisé". Or la mise à jour de ce document aurait permis de prendre en considération les améliorations techniques du point de vue de la sécurité intervenues depuis lors dans les dispositifs de protection. Ce d’autant que l’entreprise avait reçu de la caisse régionale d’assurance-maladie des recommandations pour prévenir des risques similaires.

Cour de cassation, chambre criminelle, 14 février 2012, N° 11-83291

 La faute inexcusable de l’employeur peut-elle être retenue bien que les salariés disposaient des équipements de sécurité et de protection réglementaires ?

Oui : l’employeur est non seulement tenu de mettre à disposition de ses salariés les dispositifs de sécurité et protection imposés par la loi ou les règlements, mais doit également en imposer l’usage. A défaut, en cas d’accident, le juge déduira que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé l’agent et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En outre la relaxe de l’employeur au pénal n’empêche pas les juridictions sociales de retenir une faute inexcusable. Il suffit que la faute de l’employeur soit en lien de causalité avec le dommage pour que la responsabilité de ce dernier soit engagée. Rappelons que si la notion de faute inexcusable de l’employeur ne concerne que les salariés et les agents de droit privé, le Conseil d’Etat accepte, depuis 2003, qu’un fonctionnaire victime d’un accident de service puisse obtenir une réparation intégrale de son préjudice dans le cas où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de la collectivité. Cet arrêt de la Cour de cassation est à ce titre transposable aux fonctionnaires sauf à ce que le Conseil d’Etat ait une interprétation divergente des obligations de l’employeur en matière d’hygiène et de sécurité au travail (ce qui est peu probable).

Cour de cassation, chambre civile 2, 16 février 2012, N° 11-12143


Pouvoirs de police

 Un maire peut-il interdire la consommation d’alcool sur la voie publique ?

Oui dès lors que la mesure est fondée sur des troubles avérés à l’ordre public et qu’elle est limitée dans le temps et dans l’espace. Ainsi un maire peut, à la suite de plaintes de riverains, interdire provisoirement la consommation d’alcool dans un secteur délimité du centre-ville. Une interdiction générale et absolue serait en revanche illégale.

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 16 février 2012, N° 1009070


Responsabilité

 Accident dans un centre aquatique : la circonstance qu’aucun maître-nageur n’ait été témoin de l’accident suffit-elle à établir l’existence d’un défaut de surveillance ?

Non. Ainsi un syndicat intercommunal ne saurait être tenu responsable de l’accident survenu à un enfant en emprunt un toboggan compte tenu de l’imprécision qui entoure les circonstances de l’accident et du siège des blessures. Les témoignages de deux camarades qui se seraient trouvés avec lui ce jour là ne sont pas jugés suffisamment probants.

Cour administrative d’appel de Douai, 14 février 2012, N° 10DA01165

 Un président de conseil général peut-il être condamné pour dénonciation calomnieuse si les services sociaux ont avisé le procureur de la République des suspicions des faits de maltraitance sur des mineurs imputés à une assistante maternelle qui a finalement été relaxée ?

Uniquement s’il est établi que la dénonciation a été faite de mauvaise foi. Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce. En effet si l’inexactitude des faits dénoncés par les services du conseil général résulte de la décision ayant relaxé l’intéressée, la mauvaise foi du prévenu n’est pas démontrée dès lors que des témoignages sérieux attestaient des difficultés rencontrées par l’assistante maternelle avec le mineur, que celui-ci présentait des traces de coups au visage et que ces éléments faisaient obligation au conseil général, tenu par sa mission de protection de l’enfance en danger, de dénoncer les faits portés à sa connaissance.

Cour de cassation, chambre criminelle, 14 février 2012, N° 11-81958

 Les aveux d’un agent reconnaissant avoir fumé un joint avant de prendre le volant sont-ils suffisants pour prouver le délit de conduite sous l’emprise de stupéfiants ?

Non : "l’usage de stupéfiants, élément constitutif de l’infraction prévue par l’article L. 235-1 du code de la route, ne peut être prouvé que par analyse sanguine". Rappelons que le délit est caractérisé dès lors que des traces de stupéfiants sont détectées dans le sang, et ce quelle que soit la date de la dernière prise (une telle présence pouvant être détectée plusieurs semaines après la consommation d’un joint).

Cour de cassation, chambre criminelle, 15 février 2012, N° 11-84607


Urbanisme

 Une association de défense d’un site classé est-elle habilitée à contester tout permis de construire délivré dans la zone dont elle entend assurer la protection ?

Oui mais encore faut-il que les statuts de l’association fassent expressément référence au périmètre correspondant au site inscrit ou classé tel que défini par voie réglementaire. Tel n’est pas le cas d’une association de protection, de conservation et de mise en valeur d’un site qui ne se rattache à aucun territoire communal ou intercommunal déterminé et ne fait pas l’objet d’une définition univoque. Ainsi l’objet social de cette association ne lui donne pas vocation à contester tout permis de construire délivré sur le territoire de l’une des communes situées sur le site dont elle entend assurer la protection.

Cour administrative d’appel de Douai, 16 février 2012, N° 11DA01254


[1Photo : © Treenabeena