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La jurisprudence de la semaine du 18 au 22 juillet

Elections / Hygiène et sécurité au travail / Laïcité / Responsabilités

(dernière mise à jour le 30/05/2012)

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Elections

 Les disparités dans la fixation du nombre de conseillers territoriaux par région par rapport à la moyenne nationale sont-elles constitutives d’une rupture d’égalité devant le suffrage ?

Non. Il résulte des dispositions de la Constitution "que l’organe délibérant d’un département ou d’une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage". Cela ne signifie pas pour autant que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ou région ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général (ces considérations ne pouvant toutefois intervenir que dans une mesure limitée). Les conseillers territoriaux n’ayant pas vocation à constituer, au niveau national, une assemblée unique, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant le suffrage en tant qu’il s’applique aux écarts de représentation entre régions par rapport à la moyenne nationale est inopérant.

Conseil constitutionnel, 21 juillet 2011, N° 2011-634 DC


Hygiène et sécurité au travail

 Une collectivité peut-elle être pénalement responsable de l’accident du travail survenu à un salarié d’une entreprise extérieure dans l’exécution de travaux confiés par la collectivité ?

Oui si une faute peut être imputée à la collectivité. Tel sera notamment le cas en l’absence de plan de prévention des risques rendu exigible par la nature des travaux confiés à l’entreprise. Est ainsi jugé co-responsable des blessures subies par un salarié tombé d’un échafaudage, le dirigeant d’une entreprise utilisatrice, faute d’avoir établi un plan de prévention des risques rendu nécessaire par l’interférence entre les activités et par la réalisation de travaux à plus de trois mètres de hauteur. Les juges retiennent qu’une concertation entre les deux entreprises et l’analyse des risques existants auraient permis aux chefs de ces entreprises de favoriser l’utilisation de la nacelle dont disposait l’entreprise utilisatrice, plutôt que celle de l’échafaudage mis à la disposition de ses salariés par l’entreprise extérieure. Ainsi l’absence d’un plan de prévention a eu un rôle causal indirect mais certain dans la réalisation de l’accident. Le dirigeant de l’entreprise utilisatrice, à qui incombait la prévention des risques liés aux interférences ainsi que la coordination des mesures de prévention prises par chacune des entreprises, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. Le juge suivrait le même raisonnement s’agissant de travaux exécutés dans une collectivité par une entreprise prestataire.

Cour de cassation, chambre criminelle, 20 juillet 2011, N° 10-86705


Laïcité

 Une commune peut-elle procéder à l’acquisition et à la restauration d’un orgue en vue de l’installer dans une église dont elle est propriétaire ?

Oui mais sous réserve :

1° que cette acquisition présente un intérêt public communal
et que l’orgue soit utilisé par la commune dans le cadre de sa politique culturelle et éducative (ce qui n’exclut pas que l’orgue soit également utilisé, le cas échéant, par le desservant, pour accompagner l’exercice du culte) ;

2° des engagements soient pris, notamment sous la forme d’une convention, afin de garantir une utilisation de l’orgue par la commune conforme à ses besoins et une participation de l’affectataire dont le montant soit proportionné à l’utilisation qu’il pourra faire de l’orgue afin d’exclure toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.

Conseil d’État, 19 juillet 2011, N° 308544


 Une commune peut-elle participer au financement de travaux de construction d’un aménagement (ici un ascenseur) destiné à faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite à un édifice cultuel (ici une basilique) ?

Oui mais sous plusieurs réserves. Les dispositions de la loi de 1905 "ne font pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale finance des travaux qui ne sont pas des travaux d’entretien ou de conservation d’un édifice servant à l’exercice d’un culte, soit en les prenant en tout ou partie en charge en qualité de propriétaire de l’édifice, soit en accordant une subvention lorsque l’édifice n’est pas sa propriété, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’un aménagement en rapport avec cet édifice".

Le Conseil d’Etat fixe néanmoins plusieurs conditions :

 cet équipement ou cet aménagement doit présenter un intérêt public local, lié notamment à l’importance de l’édifice pour le rayonnement culturel ou le développement touristique et économique de son territoire ;

 cet équipement ou cet aménagement ne doit pas être destiné à l’exercice du culte ;

 lorsque la collectivité territoriale accorde une subvention pour le financement des travaux, il doit être garanti, notamment par voie contractuelle, que cette participation n’est pas versée à une association cultuelle et qu’elle est exclusivement affectée au financement du projet.

Si ces conditions sont respectées, la circonstance qu’un tel équipement ou aménagement soit, par ailleurs, susceptible de bénéficier aux personnes qui pratiquent le culte, ne saurait, affecter la légalité de la décision de la collectivité territoriale.

Conseil d’État, 19 juillet 2011, N° 308817


 Une collectivité peut-elle financer des travaux destinés à aménager des locaux désaffectés pour permette l’accomplissement de rites cultuels (ici en vue d’obtenir l’agrément sanitaire pour un abattoir local temporaire destiné à fonctionner essentiellement pendant les trois jours de la fête de l’Aïd-el-Kébir) ?

Oui mais sous plusieurs réserves. Les dispositions de la loi de 1905 "ne font pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ou qui sont prévues par ses statuts, construise ou acquière un équipement ou autorise l’utilisation d’un équipement existant, afin de permettre l’exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition :

 qu’un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, justifie une telle intervention ;

 et qu’en outre le droit d’utiliser l’équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l’égard des cultes et le principe d’égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte".

Conseil d’État, 19 juillet 2011, N° 309161

 Une collectivité peut-elle réserver une salle polyvalente à l’exercice exclusif d’un culte ?

Non : "les collectivités territoriales ne peuvent, sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905, décider qu’un local dont elles sont propriétaires sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel". Cependant commet une erreur de droit la Cour administrative d’appel qui, tout en constatant que la délibération attaquée devant elle avait pour seul objet de réaliser une salle polyvalente et non d’autoriser son utilisation à des fins cultuelles ou de décider qu’elle serait laissée de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte, a jugé qu’elle avait décidé une dépense relative à l’exercice d’un culte, en méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905.

Conseil d’État, 19 juillet 2011, N° 313518

 Une collectivité peut-elle consentir un bail emphytéotique à une association à caractère confessionnel pour l’édification d’un édifice cultuel (ici une mosquée) ?

Oui. En principe les collectivités publiques ne peuvent apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels. Toutefois "l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dont la portée exacte sur ce point a été explicitée par l’ordonnance précitée du 21 avril 2006, a ouvert aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, d’autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d’un bail emphytéotique, dénommé bail emphytéotique administratif et soumis aux conditions particulières posées par l’article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales". Le législateur a ainsi permis aux collectivités territoriales de conclure un tel contrat en vue de la construction d’un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties :

 d’une part, le versement, par l’emphytéote, d’une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait que son titulaire n’exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas, en principe, un montant modique ;

 d’autre part, l’incorporation dans leur patrimoine, à l’expiration du bail, de l’édifice construit, dont elles n’auront pas supporté les charges de conception, de construction, d’entretien ou de conservation.

Conseil d’État, 19 juillet 2011, N° 320796


Responsabilités

 Un élu qui se rend coupable de faux en écritures publiques est-il passible des assises ?

Oui le faux en écriture publique commis par une personne chargée d’une mission de service public est un crime passible de 15 ans de réclusion criminelle. Doit être ainsi renvoyé devant la cour d’assises, le maire qui rédige un faux acte de mariage.

Cour de cassation, chambre criminelle, 20 juillet 2011, N° 10-83763

[1Photo : © Treenabeena