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Taxe carbone annulée, CET confirmée

Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009

La loi de finances 2010 est-elle conforme à la constitution ?


 [1]

Le Conseil constitutionnel avait à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi de finances 2010 dont plusieurs dispositions, à commencer par la suppression de la taxe professionnelle, intéressent les collectivités locales. Retrouvez, sous forme de questions-réponses, les principaux points de cette décision.


 La suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par une contribution économique territoriales sont-elles contraires à la Constitution ?

Non.

1°« Le plafonnement de la contribution économique territoriale n’a pas pour effet d’instaurer une tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre  » et « ce nouveau dispositif, au demeurant plus favorable que le précédent pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, ne crée pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».

2° S’agissant du mode de calcul tant de la « compensation relais « la loi déférée a pu poser la règle selon laquelle le taux de la taxe professionnelle voté en 2009 ne serait pris en compte que dans la limite du taux applicable en 2008 majoré de 1 %, afin de faire obstacle à une augmentation supérieure du taux de cette taxe qui n’aurait été motivée que par l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle ». Ainsi « les dispositions retenues par l’article 1640 B du code général des impôts pour calculer le montant de la « compensation relais » versée par l’Etat aux collectivités territoriales en 2010 ne portent pas une atteinte inconstitutionnelle au principe de libre administration et de libre disposition de leurs ressources propres par les collectivités territoriales et n’instituent pas entre elles une inégalité de traitement qui ne serait pas fondée sur un motif d’intérêt général ; (…) elles n’ont pas non plus pour effet de les priver de la possibilité de prévoir le montant de leurs ressources au cours de l’année 2010 ».

3° « Il ne ressort pas des éléments fournis au Conseil constitutionnel que l’instauration de la contribution économique territoriale portera la part des ressources propres de chaque catégorie de collectivités territoriales à un niveau inférieur à celui de 2003  ».


 La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) porte-t-elle atteinte au principe d’égalité devant l’impôt ?

Non.

1° « En retenant le chiffre d’affaires des entreprises comme critère de capacité contributive, le législateur n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation » [2].

2° « En retenant, pour le plafonnement de la valeur ajoutée servant d’assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, deux taux différents selon que le chiffre d’affaires de l’entreprise est ou non supérieur à 7,6 millions d’euros, le législateur a entendu prendre en considération la situation particulière des activités à forte intensité de main-d’œuvre ». Dès lors, « le dispositif de plafonnement ne conduit pas à traiter de façon différenciée des contribuables se trouvant dans des situations objectivement identiques ». [3].

3° En « ne retenant pas le chiffre d’affaires consolidé au niveau national pour les entreprises qui possèdent des établissements situés dans plusieurs communes, le législateur a entendu imposer la valeur ajoutée dans la commune où le contribuable dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois. Ainsi «  la disposition contestée n’est pas contraire au principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales et ne porte pas atteinte au principe d’égalité devant l’impôt » [4]


 La péréquation de la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises porte-t-elle atteinte à l’autonomie financière des collectivités locales ?

Non.

1° Le Conseil constitutionnel juge que le législateur a organisé de façon suffisamment claire l’articulation entre le fonds régional et le fonds départemental de péréquation. « Le législateur a, nonobstant leur dénomination identique, créé deux catégories distinctes de fonds, caractérisées par des modalités de financement et des critères de répartition de leurs ressources différents et définis de manière suffisamment claire et précise ».

2° « Les ressources des fonds créés par l’article 1648 AB sont constituées d’une fraction du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises déterminé, selon le cas, dans chaque région ou chaque département ». Ainsi « elles sont elles-mêmes déterminées à partir d’une part locale d’assiette » et « constituent donc une ressource propre ».

3° Le grief tiré de ce que les régions perdraient le pouvoir de fixer le taux d’une de leurs ressources fiscales est jugé inopérant dès lors « qu’il ne résulte ni de l’article 72-2 de la Constitution ni d’aucune autre disposition constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale ».


 Le régime particulier de contribution économique territoriale porte-t-il atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques ?

Oui. « Le dispositif prévu [5] conduit ainsi à traiter de façon différente des contribuables se trouvant dans des situations identiques au regard de l’objet de la loi ». Ainsi « le fait d’imposer davantage, parmi les contribuables visés ci-dessus réalisant moins de 500 000 euros de chiffre d’affaires, ceux qui emploient moins de cinq salariés constitue une rupture caractérisée du principe d’égalité devant l’impôt ».


 La contribution carbone crée-t-elle une une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ?

Oui. « Par leur importance, les régimes d’exemption totale institués par l’article 7 de la loi déférée sont contraires à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». En effet « 93 % des émissions de dioxyde de carbone d’origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone » et « les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ». Ainsi « la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l’une des sources d’émission de dioxyde de carbone ».


 L’extension du revenu de solidarité active (RSA) est-elle discriminatoire ? Introduit-elle des inégalités territoriales et limite-t-elle l’autonomie financière des départements ?

Non.

1° Les dispositions contestées [6] « tendent à réduire une disparité de traitement entre les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui ont une expérience professionnelle et ceux de vingt-cinq ans placés dans la même situation ».

2° « Les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui ont exercé une activité professionnelle pendant une période qui sera fixée par décret sont, au regard de l’objet de la loi qui est de compléter un revenu d’activité insuffisant, dans une situation différente de celle des jeunes qui ne remplissent pas cette condition ».

3° « Pour l’année 2010, la totalité des sommes résultant de l’application de l’article 135 sera financée par le fonds national des solidarités actives ; (...) pour les années ultérieures, s’appliqueront les dispositions de l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles, lesquelles ne méconnaissent pas le quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution ».


 Outre la contribution carbone et le régime particulier de contribution économique territoriale, quelles sont les autres dispositions de la loi de finance 2010 intéressant les collectivités locales qui ont été censurées par le Conseil Constitutionnel ?

Le Conseil a censuré trois articles de la loi finance comme constituant des " cavaliers " budgétaires, et n’ayant pas leur place dans une loi de finances :

1° L’article 108 sur les conditions de consultation du comité des finances locales et de la commission consultative d’évaluation des normes ;

2° L’article 116 relatif à la dévolution du patrimoine monumental de l’État et de ses établissements publics aux collectivités territoriales volontaires ;

3° L’article 145 réformant le régime d’indexation des loyers.

[1Photo : © Luca Bertolli

[2Les requérants faisaient valoir que le dispositif adopté introduit une rupture d’égalité entre les contribuables dans la mesure où il met en place une progressivité de l’impôt dû par les entreprises sur la base du chiffre d’affaires, lequel n’entrerait pas dans la définition de l’assiette de l’impôt et ne reflèterait pas leurs capacités contributives réelles.

[3Les requérants faisaient valoir que le dispositif de plafonnement mis en place ne respecterait pas le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques : en effet, à valeur ajoutée équivalente, et nonobstant le système de dégrèvement prévu, deux entreprises redevables théoriquement d’une cotisation sur la valeur ajoutée d’un montant identique pourraient acquitter des cotisations d’un montant très différent dès lors que, pour l’une d’entre elles, la valeur ajoutée représenterait une part plus importante de son chiffre d’affaires.

[4Les requérants faisaient valoir que l’absence de consolidation générale du chiffre d’affaires de l’ensemble des entités composant une société conduit à imposer différemment des entreprises qui ont réalisé un chiffre d’affaires identique selon qu’elles possèdent un ou plusieurs établissements et que le dispositif dit « anti-abus » ne corrigerait pas véritablement cette rupture d’égalité.

[5Les contribuables visés au 2° de l’article 1467 du code général des impôts qui emploient plus de quatre salariés mais dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros devaient être soumis au droit commun en matière de cotisation foncière des entreprises, alors que les mêmes contribuables, s’ils emploient moins de cinq salariés, auraient dû être imposés sur une base comprenant, outre la valeur locative de leurs biens, 5,5 % de leurs recettes. Ces contribuables auraient été, dans ces deux hypothèses, dispensés du paiement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

[6Qui ont pour objet d’en étendre le bénéfice du bénéfice du RSA aux jeunes de moins de 25 ans qui ont exercé une activité professionnelle