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Nuisances sonores causées par un ralentisseur de type "plateau" : obligation de démolir à la charge de la commune ?

Cour administrative d’appel de Nantes, 04 avril 2025 : n°24NT02772

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Riverains gênés par les nuisances sonores causées par un ralentisseur de type « plateau routier » : le non-respect du décret du 27 mai 1994 et de la Norme NF P 98-300 peut-elle conduire à la démolition de l’ouvrage ?

 
Non juge la cour administrative d’appel de Nantes dès lors que les règles de dimension et d’implantation prescrites par le décret du 27 mai 1994 éclairé par la norme à laquelle il renvoie (Norme NF P 98-300) s’appliquent uniquement à deux types de ralentisseurs routiers à savoir les ralentisseurs de type dos d’âne et de type trapézoïdal. Or, au cas présent le ralentisseur ne répondait pas aux caractéristiques de ces ouvrages telles que définies par la norme. La cour relève qu’il s’agit d’un plateau routier de plus de 25 mètres dans sa plus grande longueur, installé sur toute l’étendue du carrefour, surélevant la chaussée de circulation d’environ 19 centimètres, et précédé à chacune de ses trois extrémités d’une rampe d’accès faiblement inclinée d’une longueur comprise environ entre un et deux mètres". Par conséquent, l’ouvrage en cause n’était pas soumis aux prescriptions du décret, pas plus qu’à celles édictées par la norme laquelle ne présente pas de caractère obligatoire et n’est au demeurant applicable qu’aux seuls ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal. L’implantation du ralentisseur n’étant pas irrégulière, le requérant ne peut ni demander le retrait de l’ouvrage ni rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement d’une faute.
Le requérant est également débouté de sa demande tendant à l’indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune. Le juge retient notamment l’absence de lien de causalité entre les nuisances sonores et la présence même et le fonctionnement du plateau surélevé.
 
Un riverain se plaint de nuisances sonores causées par un ralentisseur installé sur un carrefour routier en limite de sa propriété. Afin de sécuriser ce carrefour la commune avait effectué des aménagements consistant notamment à installer sur la chaussée un dispositif ralentisseur surélevé de type " plateau " à l’intersection des deux routes départementales traversant l’agglomération.
 
Le riverain incommodé par le bruit demande au maire de procéder au retrait de ce ralentisseur et de l’indemniser de son préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence. L’édile refuse.
 
L’administré porte alors l’affaire devant le juge administratif . En plus de demander l’annulation de la décision du maire refusant de supprimer l’ouvrage, le requérant exige que la commune soit contrainte de retirer cet ouvrage et qu’elle soit condamnée à lui verser une indemnité de plus de 26 000 euros pour les préjudices subis.
 
Le tribunal administratif rejette la requête, l’implantation du ralentisseur n’est pas irrégulière ; ce que confirme la cour administrative d’appel de Nantes.
 

Règles d’implantation des ralentisseurs

Il existe des règles strictes pour l’implantation de ralentisseurs (décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal) dont la violation est susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité en cas d’accident.
 
Selon le requérant, le ralentisseur litigieux ne respecte pas les dispositions de ce décret ainsi que les dispositions de la norme NF P98-300 relative aux mêmes types de ralentisseurs. Son implantation serait donc irrégulière.
 
Tel n’est pas l’avis de la commune qui soutient au contraire que le requérant ne peut pas se prévaloir de la norme puisque le ralentisseur ne présente pas les caractéristiques techniques d’un ralentisseur de type dos d’âne ou de type trapézoïdal. 
 
Ce que confirme la cour administrative d’appel de Nantes : les dispositions du décret du 27 mai 1994 « règlementent uniquement les ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal, mais non les autres catégories de ralentisseurs ».
 
Il n’existe pas de définition légale ou réglementaire de la notion de ralentisseur de type dos d’âne ou de type trapézoïdal. Celle-ci s’apprécie «  en prenant en compte, notamment, la configuration générale de ces dispositifs telle qu’elle ressort des normes auxquelles se réfère le décret ».
 
C’est la norme NF P 98-300 qui définit les caractéristiques permettant d’ identifier un ralentisseur de type dos d’âne ou de type trapézoïdal :
  •  Le ralentisseur de type dos d’âne est un ouvrage dont le profil en long est de forme circulaire convexe, aménagé sur la chaussée, d’une hauteur de 10 centimètres, d’une longueur d’au plus 4 mètres et d’une saillie d’attaque de 5 millimètres ;
  •  Le ralentisseur de type trapézoïdal est, quant à lui, décrit comme un ouvrage de forme trapézoïdale convexe aménagé sur la chaussée, dont le profil en long comporte un plateau surélevé et deux parties en pente (rampants), d’une hauteur de 10 centimètres, d’une longueur du plateau comprise entre 2,50 et 4 mètres, d’une saillie d’attaque de 5 millimètres et d’une pente des rampants de 7 % à 10 %.
Pour les autres dispositifs de ralentissement il existe seulement des recommandations édictées par le CERTU (remplacé depuis par le CEREMA). Or, le ralentisseur litigieux ne répond pas aux caractéristiques ainsi définies par la norme affirme le juge. Dans cette affaire, la cour administrative d’appel relève ainsi qu’il s’agit :
  •  d’un plateau routier de plus de 25 mètres dans sa plus grande longueur ; 
  •  installé sur toute l’étendue du carrefour ;
  •  surélevant la chaussée de circulation d’environ 19 centimètres ;
  •  et précédé à chacune de ses trois extrémités d’une rampe d’accès faiblement inclinée d’une longueur comprise environ entre un et deux mètres.
Compte tenu de ces caractéristiques le ralentisseur litigieux ne peut être qualifié de dos d’âne ou de trapézoïdal au sens du décret éclairé par la norme à laquelle il renvoie affirme le juge nantais.

Et la cour administrative d’appel prend soin de préciser que dans tous les cas, l’ouvrage n’est pas contraire aux prescriptions du décret du 27 mai 1994 que ce soit :
  • en raison de son installation sur une voie connaissant un trafic supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle* ou à proximité d’un virage présentant un rayon inférieur à 200 mètres ; 
  •  ou parce qu’il ne serait pas dûment complété par d’autres aménagements concourant à la régulation de la vitesse ; 
  •  ou encore en raison d’une conception de l’ouvrage qui serait dangereuse pour la sécurité des piétons ou des véhicules à deux roues à proximité des trottoirs ou accotements ».
Par conséquent, le requérant ne peut se prévaloir ni du décret du 27 mai 1994 ni de la norme NF P 98-300 qui n’a pas été rendue d’application obligatoire et n’est au demeurant applicable qu’aux seuls ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal précise le juge. :
 
il résulte de l’instruction que la norme AFNOR NF P 98-300 n’a pas été rendue d’application obligatoire par un arrêté du ministre chargé de l’industrie ou tout autre ministre intéressé et n’est pas davantage consultable gratuitement sur le site Internet de l’AFNOR. M. A... ne peut dont utilement se prévaloir de cette norme, au demeurant applicable aux seuls ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal, pour soutenir que le dispositif qu’il conteste serait irrégulier.
 
La cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 30 avril 2024, n°23MA02564) a statuté dans le même sens :
 
 il résulte de l’instruction que la norme AFNOR NF P 98-300, au respect de laquelle renvoie implicitement mais nécessairement le décret du 27 mai 1994, mais qui n’a pas été rendue d’application obligatoire par un arrêté du ministre chargé de l’industrie ou tout autre ministre intéressé, n’est pas davantage consultable gratuitement sur le site internet de l’AFNOR".

Et le juge de conclure que l’implantation du ralentisseur n’est pas irrégulière.
 
Le requérant ne peut ni demander le retrait de l’ouvrage ni rechercher la responsabilité de la commune sur le fondement d’une faute.
 
Dans une réponse ministérielle (Installation des ralentisseurs sur les voiries communales et départementales -  - page 3221) il est souligné que "les ralentisseurs « coussins » (appelés également « coussins berlinois »), les « plateaux » et les surélévations partielles ne font pas l’objet, pour leur part, d’une norme et ne sont pas couverts par ce décret : la norme NF P98-300 ne peut donc pas leur être opposée ». La réponse ajoute que "les ralentisseurs autres que ceux de type dos d’âne ou trapézoïdal font cependant l’objet d’un guide de recommandations du Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU) intitulé « guide des coussins et plateaux ». Ce guide, actualisé en 2010, n’a pas de valeur réglementaire mais la jurisprudence montre de manière constante que ce guide est pris comme référence dès lors qu’un coussin, un plateau ou une surélévation partielle en carrefour fait l’objet d’un recours". 


Absence de lien de causalité entre les nuisances et le ralentisseur litigieux

 
Le maître d’ouvrage est responsable des dommages causés par les ouvrages publics dont il a la garde, même en l’absence de faute rappelle le juge : 
 
Pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d’un ouvrage public à l’égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère grave et spécial. A cette fin, il lui revient d’apprécier si les troubles permanents qu’entraîne la présence de l’ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d’une habitation située à proximité d’une voie publique et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des dispositifs permettant de faciliter la circulation des automobilistes édifiés sur cette voie ».
 
Le riverain produit un rapport acoustique dont il ressort que le passage des véhicules sur le ralentisseur entraine une émergence de 13,2 dB en journée et de 4,5 dB la nuit. Ainsi, ces valeurs d’émergence dépassent le seuil d’émergence des bruits de voisinage admissible qui est de 5 dB en journée et 3 dB en période nocturne.
 
Pourtant le juge estime que le lien de causalité entre les nuisances sonores et la présence et le fonctionnement du ralentisseur n’est pas établi. En effet, le juge met en exergue l’absence de mesures acoustiques effectuées antérieurement à la construction de l’ouvrage litigieux. De sorte qu’il est impossible de vérifier si les nuisances sonores ont bien été rendues excessives en raison de la présence du ralentisseur.

Les nuisances existaient peut-être avant l’implantation de l’ouvrage en raison de la proximité entre la maison d’habitation et la route affirme le juge. Et le juge de relever que le requérant s’était déjà plaint du bruit lié aux passages des poids lourds et cela avant même les travaux.
 
Le juge écarte également le lien de causalité entre les travaux publics réalisés par la commune et les préjudices matériels que le requérant estime avoir subis.

Les travaux publics ont abouti à la création de trottoirs et au rehaussement du niveau de la voie publique le long de la propriété du riverain. Ce dernier a été contraint de procéder à des travaux de terrassement, de raccordement de gouttières au réseau public d’eaux pluviales sous la chaussée, de remplacement d’une partie de la clôture du terrain dégradée en raison de la construction du ralentisseur...
 
Toutefois, à supposer même que ces travaux trouvent en partie leur cause dans l’aménagement en litige, ces aménagements et ces dépenses « n’excèdent pas par leur ampleur les inconvénients et sujétions résultant de travaux de modernisation et de sécurité auxquels doit s’attendre le propriétaire d’une habitation située à proximité immédiate d’une voie publique ».
 
Les troubles permanents causés par l’existence même et le fonctionnement de l’ouvrage public sur l’accessibilité et les conditions d’utilisation de la maison et de la cour attenante ne présentent pas une gravité telle qu’ils ouvriraient au profit de ce requérant un droit à indemnisation.

Potentiellement, la responsabilité de la commune aurait pu être engagée sur le fondement d’une faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police. Le maire est en effet compétent en raison des pouvoirs de police de la circulation qu’il tient de l’article L.2213-1 du code général des collectivités territoriales pour décider de la mise en place de ralentisseurs sur les routes départementales traversant l’agglomération. Au cas présent, le juge relève notamment que la pose du ralentisseur a été décidée pour des raisons légitimes de sécurité (route avec une importante circulation et réduction de la vitesse à l’approche d’un virage dépourvu de visibilité nécessaire). Le maire n’a pas commis de faute en décidant l’installation du ralentisseur et en ne procédant pas à son retrait en dépit des nuisances sonores engendrées.