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Prise illégale d’intérêt : actionnaire ou élu, il faut choisir.

cass. crim. 27 novembre 2002

Une collectivité entretient des liens contractuels avec une société de communication. Quoi de plus banal ? Jusqu’au jour où ladite société apporte son appui financier à une holding dont le président de la collectivité est actionnaire...

Un président de conseil général est actionnaire d’une société ayant pour objet la vente de produits de parfumerie. À la suite d’une opération de restructuration du capital de cette société en vue de résorber son déficit d’exploitation, toutes ses créances ont été transférées à une holding, chargée du marketing des magasins de parfumerie, dont le président du conseil est également administrateur et détient 36 % du capital.

Or, ces deux entreprises ont reçu d’importants appuis financiers provenant d’une troisième société qui assure depuis 1988 la communication du département.

Il est reproché au président du conseil général d’avoir ordonnancé les dépenses de communication du département, la dernière année pour un montant de 18 millions de francs. Le président de la société de communication est pour sa part poursuivi comme complice.

Devant la cour d’appel, les prévenus sont relaxés. Les magistrats relèvent en effet :

 que les deux sociétés dans lesquelles le président du conseil général "détient une participation, n’ont aucun rapport direct ou indirect avec le conseil général" et que le prévenu "ne peut avoir pris, reçu ou conservé indirectement un intérêt quelconque dans la société attributaire du marché puisqu’il n’avait aucun lien direct avec elle" ;

 que le prévenu avait sollicité ses avocats afin qu’ils lui indiquent si sa situation personnelle pouvait poser une difficulté et que l’étude de la jurisprudence avait conduit à ne trouver aucune décision de condamnation dans une situation analogue à la sienne.

Les magistrats de la Cour de cassation ne l’ont pas entendu de la même oreille. Dans un arrêt rendu le 27 novembre 2002 (Bulletin criminel 2002 N° 213 p. 789), ils relèvent en effet qu’il résultait des propres constatations de la cour d’appel que le président du conseil général, "en sa qualité d’ordonnateur des dépenses de communication du département, avait pris un intérêt indirect dans l’opération dont il avait la charge d’assurer la surveillance, en raison de l’important soutien financier accordé par la société attributaire du marché aux sociétés dont l’intéressé est actionnaire et administrateur".

Ils ajoutent que "l’intention coupable est caractérisée du seul fait que l’auteur a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit". L’arrêt de la cour d’appel d’Amiens est donc cassé et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris pour être "à nouveau jugée, conformément à la loi".