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Une mauvaise rencontre peut caractériser une perte de confiance justifiant un retrait de délégation !

Tribunal administratif Caen, 24 Novembre 2023, n° 2101711

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Le maire peut-il retirer une délégation à une adjointe au motif que celle-ci a pris l’initiative d’une rencontre avec une personne avec laquelle il est en conflit ?

Oui répond le tribunal administratif de Caen dès lors que cette rencontre (avec le maître d’œuvre d’un projet communal avec lequel le maire rencontrait des difficultés personnelles relatives à des menaces de plainte pour harcèlement) « a marqué une perte de confiance du maire envers son adjointe » et que cette dégradation des relations au sein de l’exécutif de la commune s’est traduite, avant la décision de retrait de délégation, par une séance exceptionnelle du conseil municipal renouvelant la confiance au maire. Rappelons cependant que si le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu’il a consenties, c’est à la condition que sa décision ne soit pas inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l’administration communale. C’est ainsi que, dans une autre affaire, la cour administrative d’appel de Versailles a jugé qu’un maire ne pouvait pas retirer une délégation à un adjoint qui, en sa qualité de riverain, avait introduit un recours contre un projet immobilier porté par la commune. En effet « l’exercice de la faculté ouverte à tout citoyen disposant d’un intérêt pour agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme ne saurait à elle-seule être regardée comme la mise en cause de la politique municipale en matière d’urbanisme ou de logement ou la manifestation de dissensions de nature à perturber la bonne gestion des affaires municipales ».
 
 

 

 

Le maire d’une commune de la Manche (2000 habitants) retire par arrêté la délégation à sa première adjointe. Il invoque une rupture de confiance en raison de l’initiative de celle-ci de prendre attache avec un maître d’œuvre d’un projet communal avec lequel il rencontrait des difficultés personnelles relatives à des menaces de plainte pour harcèlement. L’ex-adjointe attaque l’arrêté estimant que le maire a commis un détournement de pouvoirs. Elle soutient également que le maire a changé de comportement à son égard suite au refus de ses avances de nature sexuelle.

 

Le tribunal administratif n’est pas convaincu et valide le retrait de délégation sur le visa de de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales :

  • si le contenu de l’entretien avec le maître d’œuvre avec lequel le maire était en conflit n’est pas établi, « il n’est pas contesté que cette rencontre a eu lieu et qu’elle a marqué une perte de confiance du maire envers son adjointe. »
  • « Cette dégradation des relations au sein de l’exécutif de la commune s’est traduite par une séance exceptionnelle du conseil municipal le 10 juin 2021, date antérieure à la décision attaquée, renouvelant la confiance au maire et prenant acte de la démission de Mme A à l’issue du vote. Compte tenu de cette dégradation des relations et de la rupture du lien de confiance qui en résulte, le maire était fondé à considérer que celle-ci pouvait nuire au bon fonctionnement de l’administration communale et justifier ainsi le retrait des délégations. »
  • s’agissant des avances sexuelles, le tribunal retient « qu’ aucune plainte ni témoignage ne vient confirmer ces allégations, que le maire réfute ».

Le retrait de délégation était donc justifié en l’espèce, tranche le tribunal. Entre-temps, les démissions en série au sein du conseil municipal ont conduit à l’organisation de nouvelles élections municipales, remportées en janvier 2023 par l’adjointe qui avait repris le siège de première adjointe après sa démission.

 
Rappelons que si le maire peut, à tout moment, mettre fin aux délégations qu’il a consenties, c’est à la condition que sa décision ne soit pas inspirée par des motifs étrangers à la bonne marche de l’administration communale. C’est ainsi que, dans une autre affaire, la cour administrative d’appel de Versailles a jugé qu’un maire ne pouvait pas retirer une délégation à un adjoint qui, en sa qualité de riverain, avait introduit un recours contre un projet immobilier porté par la commune. En effet « l’exercice de la faculté ouverte à tout citoyen disposant d’un intérêt pour agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme ne saurait à elle-seule être regardée comme la mise en cause de la politique municipale en matière d’urbanisme ou de logement ou la manifestation de dissensions de nature à perturber la bonne gestion des affaires municipales » (Cour administrative d’appel de Versailles, 15 octobre 2020, N° 19VE03184).
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)

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