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Référent déontologue : suites et pas fin...

Dernière mise à jour le 22 juin 2023

Depuis le 1er juin 2023 toutes les collectivités doivent avoir désigné un référent déontologue pour les élus. Si l’obligation n’est pas directement sanctionnée, il est hasardeux de trop différer sa nomination. Explications.

Depuis la loi 3DS du 21 février 2022 modifiant l’article L1111-1-1 du CGCT « tout élu local peut consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la (...) charte [de l’élu local]. »

Le décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 a donné aux collectivité jusqu’au 1er juin 2023 pour se mettre en conformité. Mais sans prévoir de sanction en cas de non-respect de cette obligation.

D’où la tentation pour certaines collectivités de différer cette nomination ce d’autant que le décret d’application est loin d’avoir tout réglé et que de nombreuses questions restent en suspens notamment sur les modalités pratiques du paiement des indemnités et de facturation.

 [1]

Il serait cependant hasardeux de trop différer une telle désignation. En effet le référent déontologue a pour objet de répondre aux interrogations des élus sur l’application des principes déontologiques de la Charte de l’élu local laquelle inclut tout un volet sur la prévention des conflits d’intérêts. Or cette problématique peut avoir des incidences pénales avec des poursuites pour prise illégale d’intérêts.

On peut penser que désormais les enquêteurs se poseront la question de savoir si un référent déontologue a été désigné, s’il a été consulté, et si son avis a été suivi d’effet. En cas réponse négative à l’une de ces questions, la bonne foi de l’élu risque d’être difficile à établir. Un peu comme si après un accident du travail, le maire n’était pas en mesure de produire le document unique d’évaluation des risques.

Le juge pourrait déduire de l’absence de désignation d’un référent déontologue une indifférence des élus de la collectivité aux règles déontologiques. On ne saurait donc que trop conseiller aux collectivités retardataires de ne pas trop trainer dans cette désignation.

Non pour simplement satisfaire sur le papier à une obligation légale, mais bien pour permettre aux élus, de disposer d’un référent identifié et accessible sur lequel ils pourront s’appuyer pour répondre de manière opérationnelle à leurs questions déontologiques.

Il est à cet égard important de sensibiliser les élus sur les questions de délais qui sont nécessaires pour répondre utilement à une interrogation déontologique. Ce n’est pas à cinq minutes d’un conseil municipal consacré au vote des subventions aux associations qu’il faut saisir le référent déontologue ! L’anticipation participe de la prévention. Comme le rappelle régulièrement Christian Vigouroux [2], « la déontologie est l’art de se poser des questions avant qu’il ne soit trop tard » !

Quid des élus d’opposition ?


« Tout élu local peut consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la présente charte. »

Les élus d’opposition peuvent bien entendu avoir aussi des questions déontologiques qui les concernent directement. Ils peuvent, par exemple, se retrouver en situation de conflits d’intérêts en participant au vote d’une délibération à laquelle ils sont personnellement intéressés. Ils doivent pouvoir à ce titre saisir le référent déontologue pour connaître l’attitude à adopter.

Mais peuvent-ils saisir le référent pour s’interroger la légalité de décisions prises par la majorité ? Ce serait un détournement de la finalité du référent déontologue qui n’est pas un organisme de contrôle.

Le rôle du référent déontologue est d’éclairer les élus qui sont personnellement confrontés à des questions déontologiques au regard de la Charte, non de faire office de contrôle de la légalité et encore moins de juge ou de procureur.

Et cela fonctionne aussi dans l’autre sens : le chef de l’exécutif ne doit pas pouvoir interroger le référent déontologue sur la situation d’un élu de l’opposition.

C’est un gage d’indépendance et limite le risque d’instrumentalisation de la fonction à des fins politiques.

[1Dessin : © Jean Duverdier

[2Ancien Président de section au Conseil d’Etat, membre du Conseil supérieur de la magistrature depuis janvier 2023 ;