Alors que les collectivités ont depuis 2016 (loi du 20 avril 2016) l’obligation d’avoir un référent déontologue pour les agents, aucune obligation similaire n’existait pour les élus locaux. Cela n’empêchait pas les collectivités d’en désigner un mais il n’y avait aucun caractère obligatoire et les collectivités volontaires devaient s’organiser sans cadre juridique précis.
L’article 218 de loi 3DS (loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification) a modifié la donne en permettant à tout élu local de pouvoir « consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques » consacrés dans la Charte de l’élu local (article L.1111-1-1 du Code général des collectivités territoriales). Le décret d’application était attendu avec une certaine impatience. Il a été publié au journal officiel du 7 décembre 2022 pour une entrée en vigueur au 1er juin 2023. Il détermine à cette fin les modalités et les critères de désignation du référent déontologue de l’élu local et précise ses obligations et les moyens dont il peut disposer pour exercer ses missions.
Est-ce obligatoire pour toutes les collectivités ?
Oui. Toutes les collectivités, quelle que soit leur taille, doivent désigner un référent déontologue pour les élus locaux (c’était déjà le cas depuis 2016 pour les agents) qui doivent pouvoir le consulter. C’est la conséquence de l’article 218 de la loi 3DS qui modifie en ce ce sens la Charte de l’élu local intégrée dans le Code général des collectivités territoriales. Les collectivités ont jusqu’au 1er juin 2023 pour se mettre en conformité.
Il n’existe pas de sanction directe en cas de non respect. Par contre, lors du 21e colloque de l’Observatoire SMACL "Les collectivités territoriales face au conflits d’intérêts", Olivier Guillaumont (rapporteur public à la Cour administrative d’appel de Marseille) a souligné que les chambres régionales des comptes s’intéressent de plus en plus à ces questions et qu’elles peuvent ainsi dénoncer le fait qu’une collectivité n’a pas pris suffisamment la mesure du changement d’époque. Il ajoute que la désignation d’un référent déontologue figure dans les recommandations de l’AFA, celle-ci pourrait ainsi relever l’absence d’une telle désignation à l’occasion d’un contrôle.
Mais surtout le référent déontologue a un rôle de prévention qui peut éviter bien des déboires judiciaires en incitant les élus à se poser les bonnes questions et pouvoir obtenir des conseils éclairés sur les conduites à tenir et les bons comportement à adopter.
Qui est compétent pour désigner le référent déontologue ?
C’est l’organe délibérant de la collectivité territoriale, du groupement de collectivités territoriales ou du syndicat mixte. A noter que plusieurs collectivités territoriales, groupements de collectivités territoriales ou syndicats mixtes peuvent désigner un même référent déontologue pour leurs élus par délibérations concordantes. La fonction peut donc être mutualisée entre plusieurs collectivités ou groupements sans que le texte ne requiert qu’elles appartiennent nécessairement au même EPCI (article R. 1111-1- A. du Code général des collectivités territoriales).
Un élu ou un agent de la collectivité peut-il être désigné comme référent déontologue ?
Non : les missions de référent déontologue doivent être exercées en toute indépendance et impartialité par des personnes choisies en raison de leur expérience et de leurs compétences. Le référent déontologue ne doit détenir aucun mandat d’élu local au sein de la collectivité (et même n’en exerçant plus depuis au moins trois ans), et ne pas être agent de ces collectivités. Les référents déontologues ne doivent également pas se trouver pas en situation de conflit d’intérêt avec les collectivités pour lesquelles ils exercent cette mission (article R. 1111-1- A. du Code général des collectivités territoriales).
En revanche le décret n’interdit pas expressément que le référent déontologue (ou le collège) compétent pour les agents soit aussi compétent pour les élus locaux. Cela suppose en revanche qu’il soit extérieur à la collectivité puisqu’un agent ne peut être référent déontologue pour les élus locaux, ce qui poserait effectivement un problème d’indépendance.
Plusieurs personnes peuvent-elles désignées comme référentes déontologues ?
Oui. Une ou plusieurs personnes peuvent être désignées comme référentes déontologues. Il peut également s’agir d’un collège de plusieurs personnes. Celui-ci doit alors adopter un règlement intérieur précisant son organisation et son fonctionnement. Plusieurs grandes collectivités ont devancé le décret et ont mis en place de tels collèges qui présentent l’avantage de disposer de compétences et de regards croisés (article R. 1111-1- A. du Code général des collectivités territoriales).
Quelle est la durée de l’exercice des fonctions du référent déontologue ?
Elle doit être fixée par la délibération qui doit également préciser les modalités de la saisine et de l’examen de celle-ci, ainsi que les conditions dans lesquelles les avis sont rendus. Il peut être procédé au renouvellement des fonctions du référent déontologue ou des membres du collège dans les mêmes conditions. Cette délibération ainsi que les informations permettant de consulter le ou les référents déontologues ou le collège doivent portées par tout moyen à la connaissance des élus locaux intéressés par chaque collectivité territoriale, groupement ou syndicat mixte (Art. R. 1111-1- B. du CGCT).
Les fonctions de référent déontologue sont-elles rémunérées ?
C’est au choix de chaque collectivité. Il appartient à l’assemblée délibérante de le préciser. Si le choix est fait d’une rémunération, celle-ci prend la forme de vacations dont le montant ne peut pas dépasser un plafond fixé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. L’arrêté du 6 décembre 2022 fixe les plafonds ainsi :
– Lorsque les missions de référent déontologue sont assurées par une ou plusieurs personnes, le montant maximum de l’indemnité pouvant être versée par personne désignée est fixé à 80 euros par dossier (article 2 de l’arrêté)
– Lorsque les missions de référent déontologue sont assurées par un collège, le montant maximum de l’indemnité pouvant être versée par personne désignée est fixé ainsi (article 3 de l’arrêté) :
1° Pour la présidence effective d’une séance du collège d’une demi-journée : 300 euros ;
2° Pour la participation effective à une séance du collège d’une demi-journée : 200 euros.
Il peut également être prévu (en plus ou non de la rémunération) le remboursement des frais de transport et d’hébergement mais dans les mêmes conditions applicables aux personnels de la fonction publique territoriale (Art. R. 1111-1- C du CGCT). La délibération peut également prévoir les moyens matériels mis à sa disposition du référent déontologue (Art. R. 1111-1- B du CGCT).
Le référent déontologue est-il lié par le secret professionnel ?
Oui : le ou les référents déontologues ou les membres du collège qui le constituent sont tenus au secret professionnel dans le respect des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et à la discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ( Art. R. 1111-1- D du CGCT).
Les avis rendus lient-ils l’élu qui a consulté le référent déontologue ?
Non, il s’agit d’un avis sans effet contraignant et l’élu reste libre de ne pas suivre les recommandations du référent déontologue. Mais à ses risques et périls, notamment si l’élu se rend coupable de prise illégale d’intérêts... Il sera difficile à l’élu de plaider alors la bonne foi ! L’élu a donc tout intérêt à suivre les préconisations du référent déontologue qui participe à la prévention des risques de manquements au devoir de probité et à la diffusion des bonnes pratiques au sein des collectivités.