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Indemnisation des catastrophes naturelles : ce que les collectivités doivent retenir du décret d’application

Dernière mise à jour le 13/02/2023

La loi n°2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles a réformé certains aspects du régime « catnat » créé en 1982 (Loi n°82-600 du 13 juillet 1982) avec des impacts pour les collectivités territoriales. Le décret d’application a été publié au Journal Officiel fin décembre. Tour d’horizon des précisions apportées notamment sur la procédure à suivre, les franchises et le relogement d’urgence des sinsitrés.

La loi du 28 décembre 2021 (dont nous avons analysé les impacts pour les collectivités territoriales ici) a prévu plusieurs mesures pour mettre fin à l’opacité qui entoure la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Le décret apporte des précisions concernant :

I Les modalités formelles et procédurales des décisions de reconnaissance ou de non reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle  

👉 Motivation des décisions :

Aux termes du nouvel article D.125-1 du code des assurances les décisions de reconnaissance ou de non reconnaissance des communes en état de catastrophe naturelle doivent être motivées conformément aux exigences prévues à l’article L.211-5 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) : « la motivation (...) doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ».

👉 Communication des documents administratifs et rapports d’expertise (nouvel article D.125-1-1 du code des assurances)

La loi du 28 décembre 2021 a prévu la communication des documents administratifs (notamment des rapports d’expertise ayant fondé la décision des ministres) (article L.125-1 du code des assurances).

Les modalités de communication de ces documents sont fixées par les articles L.311-1 à R.311-15 du CRPA.

L’arrêté interministériel :
 mentionne les modalités de communication des documents administratifs préparatoires aux décisions de reconnaissance ou de non-reconnaissance d’une commune en état de catastrophe naturelle, notamment des rapports d’expertise ;
 indique le service administratif auprès duquel la demande de communication doit être formulée (demande auprès du service déconcentré de l’Etat dans le département en charge de l’instruction des demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle). Selon l’arrêté interministériel, "les communes qui ont déposé leur demande de reconnaissance de manière dématérialisée peuvent également accéder directement à l’ensemble des documents administratifs préparatoires en consultant leur demande dans l’application informatique iCatNat".

👉 Recours contre les décisions de reconnaissance ou de non reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (nouvel article D.125-1-2 du code des assurances)

L’arrêté interministériel mentionnant ces décisions indique les voies et délais dans lesquels ces recours peuvent être exercés :

 Les décisions de reconnaissance ou de non reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle peuvent faite l’objet de recours administratifs dans les conditions prévues par les dispositions du Code des relations entre le public et l’administration (articles L.411-1 et suivants).

 Les communes ayant sollicité la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle peuvent également contester la décision devant les juridictions administratives compétentes dans les conditions prévues par les dispositions du Code de justice administrative. Le recours doit s’exercer dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision des ministres par le représentant de l’Etat dans le département.
Les autres personnes intéressées exercent le recours dans un délai de deux mois à compter de la publication de l’arrêté.

🙋‍♀️Lorsque les conséquences d’une catastrophe naturelle reconnue par un arrêté ont été aggravées par une seconde, la commune doit-elle demander une nouvelle reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour le second événement ?

II Les commissions consultatives

👉 Les missions et la composition de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sont précisées par les nouveaux articles D.125-3 à D.125-3-3 du Code des assurances

.

Le législateur a figé dans la loi l’existence de la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (instance créée par une circulaire n°84-90 du 27 mars 1984).

- Missions (article D.125-3 du Code des assurance) :

La commission émet notamment un avis simple sur chaque demande communale de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dont elle est saisie par les ministres concernés . Son avis porte sur le caractère naturel et l’intensité anormale du phénomène au sens de l’article L. 125-1 du Code des assurances. Cet avis est rendu sur la base de rapports d’expertise techniques transmis par les services de l’État et il est rendu au plus tard deux mois après la saisine du secrétariat de la commission (sauf si cette dernière sollicite des compléments d’expertise).

Elle émet également un avis simple sur les modalités et les conditions de dépôt et d’instruction des demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophes naturelle.

- Composition (article D.125-3-1 du Code des assurances) :

La commission se compose du directeur du budget, du directeur général des outre-mer ou son représentant, dès lors que la demande a été déposée par une commune d’un département ou d’une collectivité d’outre-mer où la garantie contre les effets des catastrophes naturelles prévue par l’article L. 125-1 du présent code est applicable, du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises ou son représentant, qui en assure la présidence, du directeur général du Trésor ou son représentant.

- Fonctionnement (article D.125-3-3 du Code des assurances)

Le fonctionnement de la commission est régi par les articles R.133-5 et R.133-8 à R.133-13 du CRPA .
Par ailleurs, le décret permet le recours à la visioconférence : « Le président de la commission peut décider qu’une délibération sera organisée au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle dans les conditions prévues par l’ordonnance n°2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ».

🙋‍♀️Pour classer une commune en état de catastrophe naturelle, l’administration peut-elle exiger que l’intensité anormale du phénomène soit démontrée sur au moins 10% du territoire de la commune ?

👉 Commission nationale consultative des catastrophes naturelles (nouveaux articles D.125-2 D.125-2-4 du Code des assurances)

La loi a créé une Commission nationale consultative des catastrophes naturelles chargée de rendre annuellement un avis sur la pertinence des critères retenus pour déterminer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et sur les conditions d’indemnisation des sinistrés.

Le décret détaille la composition de cette commission, son organisation et son fonctionnement.

Ses missions consistent à rendre des avis sur :

 la pertinence des critères retenus pour déterminer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ;
 les conditions effectives de l’indemnisation des sinistrés en se fondant sur des analyses statistiques d’ensemble portant notamment sur les délais d’indemnisation, le montant des indemnisations et le nombre de déclarations d’assurés n’ayant pas donné lieu à indemnisation ;
 les modalités et conditions selon lesquelles les experts qui interviennent pour l’évaluation de dommages occasionnés par des catastrophes naturelles sont certifiés (la commission propose, le cas échéant, toutes mesures utiles visant à faire évoluer les pratiques) (article D.125-2 du code des assurances).

La composition de la commission est fixée par l’article D.125-2-1 : elle comprend notamment cinq professionnels du secteur de l’assurance, un professionnel du secteur de la réassurance, six élus représentant les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (désignés sur proposition de l’Association des maires de France), deux représentants des entreprises (dont un représentant les PME)...

La Commission est réunie au moins une fois par an et en tant que de besoin.
Lorsqu’elle est consultée sur un projet de loi, de décret ou d’arrêté ministériel, son avis est réputé favorable en l’absence d’avis exprès émis dans le délai de cinq semaines à compter de sa saisine (article D.125-2-3).

Le compte rendu de chaque réunion de la commission est publié par voie électronique après avoir été approuvé par l’ensemble des membres de la commission (article D.125-2-4 du code des assurances).

💥 ZOOM : Le référent départemental



Pour accompagner les élus, la loi a institué un « référent à la gestion des conséquences des catastrophes naturelles et à leur indemnisation » (article 2 créant l’article L.125-1-2 du code des assurances).

Une circulaire du 24 octobre 2022 (PDF) publiée dans le Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur détaille le rôle du référent nommé par arrêté préfectoral parmi les cadres des services déconcentrés de l’État.

Il s’agit d’une personne ressource auprès des collectivités locales chargée d’assurer un rôle de point d’entrée, de relai et de coordination lors de la survenue d’un événement naturel d’ampleur.

- Le référent accompagne les communes dans l’instruction des demandes de reconnaissances de l’état de catastrophe naturelle et coordonne les échanges entre les services déconcentrés de l’État chargés de l’instruction des demandes communales, les municipalités et les représentants des assureurs (des réunions peuvent être organisées « entre les sinistrés, les collectivités locales et les représentants des assureurs afin de présenter les différents dispositifs assurantiels existants (garantie catastrophe naturelle, garantie tempête...) et les démarches à engager afin de les mobiliser »).

Mais, le référent n’intervient pas dans le processus d’indemnisation des sinistrés par leur assureur « qui se déroule dans les conditions fixées par la réglementation et les contrats d’assurance ». En cas de difficulté ou de désaccord avec leur assureur, il appartient aux assurés de saisir le service réclamation de la société d’assurance et le Médiateur de l’Assurance (www.mediation-assurance.org). [1]

- Le référent accompagne les communes s’agissant des différents mécanismes d’aides pouvant être mobilisés après une catastrophe.

- Le référent participe à la diffusion d’informations sur la prévention et la gestion des conséquences des catastrophes naturelles auprès des communes, du département, des habitants, des entreprises et des associations de sinistrés . Il diffuse une information préventive sur les différents dispositifs d’aide et d’indemnisation mobilisables après la survenue d’une catastrophe naturelle.

Les référents devaient être nommés avant le 30 novembre 2022.

III Franchises

Si la loi a supprimé la possibilité de moduler les franchises à la charge des assurés en fonction de l’existence d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN), cette suppression ne concerne pas les biens assurés par les collectivités territoriales ou par leurs groupements pour lesquels un PPRN a été prescrit mais non approuvé dans les délais réglementaires (article L.125-2 du code des assurances modifié par l’article 3 de la loi).
Ces règles applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements sont désormais figées à l’article D.125-5-9 du code des assurances créé par le décret [2] :

Aux termes du nouvel article :

« Pour les biens autres que les véhicules terrestres à moteur, dans une commune non dotée d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles pour le risque faisant l’objet d’un arrêté portant constatations de l’état de catastrophe naturelle, la franchise est modulée, pour les biens assurés par les collectivités territoriales ou par leurs groupements, en fonction du nombre de constatations de l’état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation, selon les modalités suivantes :

1° Première et deuxième constatation : application de la franchise ;

2° Troisième constatation : doublement de la franchise applicable ;

3° Quatrième constatation : triplement de la franchise applicable ;

4° Cinquième constatation et constatations suivantes : quadruplement de la franchise applicable ».

💥 Ces règles cessent de s’appliquer à compter de la prescription d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles pour le risque faisant l’objet de la constatation de l’état de catastrophe naturelle dans la commune concernée. Elles reprennent leurs effets en l’absence d’approbation du plan précité dans le délai de quatre ans à compter de la date de l’arrêté de prescription du plan de prévention des risques naturels.

IV Frais de relogement d’urgence et fonds d’aide pour le relogement d’urgence

Le décret met également en œuvre les principes fixés par la loi du 28 décembre 2021 concernant la prise en charge des frais de relogement d’urgence. Le texte détaille les conditions de mise en jeu et l’étendue de cette garantie prévue à l’article L.125-1 du code des assurances (nouveaux articles D.125-4 à D.125-4-4 du code des assurances applicables au 1er janvier 2024).

Le décret précise par ailleurs que « dès lors que les dépenses de frais de relogement d’urgence pour la résidence principale sont indemnisées par une entreprise d’assurance (...), l’assuré ne peut prétendre cumulativement à une aide financière accordée par l’Etat afin de couvrir les mêmes dépenses » (article D.125-4-4 du code des assurances).

🧿 A noter : Le décret modifie en conséquence le Code général des collectivités concernant le fonds d’aide pour le relogement d’urgence*. Le décret précise que :
 les dépenses d’hébergement d’urgence ou de relogement temporaire prévues à l’article L. 2335-15 sont exclusives des dépenses prises en charge par le régime de garantie prévue au troisième alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances (nouvel article D.2335-18-1 du CGCT)
 la période maximale de six mois d’hébergement d’urgence ou de relogement temporaire prévue à l’article L. 2335-15 débute à compter de la date d’effet de l’ordonnance d’expulsion ou de l’ordre d’évacuation des personnes occupant les locaux (nouvel article D.2335-18-2 du CGCT).

*L’article L.2335-15 du code général des collectivités territoriales (CGCT) institue jusqu’en 2025 un fonds d’aide pour le relogement d’urgence. Ce fonds est destiné à apporter une aide financière aux communes, aux établissements publics locaux compétents ou aux groupements d’intérêt public compétents. Cette subvention permet de prendre en charge :
 « le relogement d’urgence de personnes occupant des locaux ayant fait l’objet d’une mesure de police spéciale en matière de lutte contre l’habitat indigne, ayant fait l’objet d’une mesure de police générale ou soumis à l’avènement d’une catastrophe naturelle ;
 et/ou la réalisation de travaux interdisant l’accès à ces locaux (murage des ouvertures, mise en place d’un système de fermeture pour interdire l’accès…) ». [Source : collectivités-territoriales.gouv.fr>https://www.collectivites-locales.gouv.fr/competences/le-fonds-daide-au-relogement-durgence-faru]

Décret n°2022-1737 du 30 décembre 2022 relatif à l’indemnisation des catastrophes naturelles

[1"Ce service propose un dispositif gratuit de règlement des litiges permettant de rechercher des solutions amiables aux conflits opposant un assuré à un assureur ou à un intermédiaire d’assurances" .

[2Cet article reprend les mêmes règles de modulation fixées à l’article A125-1 du code des assurances