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Modifications du PLU non conformes aux attentes de propriétaires : degré de précisions des promesses non tenues susceptibles d’engager la responsabilité de la commune

Cour administrative d’appel de Marseille, 9 juin 2022, n°19MA03641

La responsabilité d’une commune peut-elle être engagée pour promesse non tenue concernant une parcelle devenue inconstructible dans le nouveau plan local d’urbanisme ?

Potentiellement mais encore faut-il que le maire se soit engagé, de manière formelle et précise, à classer la partie de parcelle en cause en zone constructible du futur plan. Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce, le maire s’étant contenté d’informer la requérante de l’engagement d’une procédure de révision du plan d’occupation des sols de la commune sous la forme d’un PLU avec pour objectif de réduire la taille des parcelles constructibles à 1000 mètres carrés pour « recentrer le village » et « permettre aux propriétaires qui le souhaitent de vendre une partie de leur patrimoine ». Dans un second courrier le maire précisait à l’administrée qu’elle pouvait « détacher une partie de sa parcelle afin de la vendre ». Dans ces conditions, et eu égard à la complexité inhérente à la procédure d’élaboration du plan local d’urbanisme, la responsabilité de la commune ne saurait être engagée au titre d’une promesse non tenue de son maire souligne la cour administrative d’appel de Marseille. En revanche, l’illégalité du classement de la parcelle est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Toutefois, la réparation du préjudice n’est pas à la hauteur des prétentions de la requérante qui réclamait plus de 80 000 euros. En effet, le préjudice financier ne présente pas un lien de causalité suffisamment direct avec l’illégalité fautive entachant le classement. Le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence est évalué à 2500 euros.

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La propriétaire d’une parcelle d’une superficie d’un peu plus de 2500 mètres carrés située sur le territoire d’une petite commune rurale située dans le département de l’Hérault dépose, en 2008, une déclaration préalable en vue de détacher un lot à bâtir (1000 mètres carrés) de cette parcelle supportant une maison d’habitation.

Le maire de la commune ne s’oppose pas à cette déclaration. En 2013, le conseil municipal approuve par délibération le plan local d’urbanisme et classe ce lot à bâtir en secteur Nc (zone de richesse naturelle) de la zone N. En 2016, le tribunal administratif de Montpellier annule partiellement la décision rejetant la demande de l’administrée tendant à l’abrogation de cette délibération notamment en ce que le PLU classe cette parcelle en secteur Nc.

Suite au rejet de sa demande indemnitaire préalable, la requérante demande au juge de condamner la commune à lui verser une somme de plus de 80 000 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en raison d’une part des informations erronées, des promesses non tenues et, d’autre part, de l’illégalité fautive liée au classement de la parcelle en secteur Nc du plan local d’urbanisme.

L’intéressée relève appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier condamnant la commune à lui verser une indemnité d’un montant de 2500 euros en raison du classement illégale de la parcelle.

Des promesses pas suffisamment précises et formelles pour engager la commune

La requérante persiste à soutenir que les autorités de la commune et en particulier le maire lui ont transmis à compter de l’année 2004 des informations erronées concernant le caractère constructible de la parcelle.

La cour administrative d’appel de Marseille rejette le bien fondé des allégations de la requérante.

Le juge s’appuie sur deux courriers envoyés par le maire dont il ne ressort pas que l’édile se serait engagé de manière « formelle et précise » à classer la parcelle en cause en zone constructible du futur plan.

En effet, par un premier courrier de 2004 le maire se borne à informer l’ancien époux de la requérante de l’engagement d’une procédure de révision du plan d’occupation des sols de la commune sous la forme d’un PLU. Ce courrier précise par ailleurs que l’objectif principal de ce nouveau document d’urbanisme est de réduire la taille des parcelles constructibles à 1000 mètres carrés pour « recentrer le village » et « permettre aux propriétaires qui le souhaitent de vendre une partie de leur patrimoine ».

Le second courrier envoyé en 2006 rappelle l’objectif principal de l’élaboration du PLU et indique que l’administrée peut « détacher une partie de sa parcelle afin de la vendre ».

« Il ne résulte pas des termes de ces courriers, et notamment pas de celui du 20 juillet 2006, que le maire (…) se serait engagé, de manière formelle et précise, à classer la partie de parcelle en cause en zone constructible du futur plan. Dans ces conditions, et eu égard à la complexité inhérente à la procédure d’élaboration du plan local d’urbanisme, la responsabilité de la commune (…) ne saurait être engagée au titre d’une promesse non tenue de son maire ».

De même, contrairement à ce que soutient la requérante, l’engagement ferme des autorités de la commune ou les informations erronées en ce qui concerne le caractère constructible de la parcelle ne ressortent pas des différentes attestations produites. Il en est ainsi de l’attestation établie par une personne indiquant avoir signé avec la propriétaire un compromis de vente en vue de l’acquisition de la parcelle. En effet, cette attestation « se borne à relater, en des termes très généraux, des échanges informels avec les services de la commune (…) au sujet de la constructibilité de cette parcelle ». Il en est de même concernant des attestations relatant une réunion informelle tenue au domicile de la requérante en présence de l’ancien adjoint à l’urbanisme de la commune « lequel se serait montré favorable au classement de la parcelle en zone constructible ».

Ces attestations ne permettent pas d’établir que des informations erronées auraient été délivrées à l’intéressée ou qu’un engagement ferme aurait été pris en ce qui concerne le caractère constructible de la parcelle en cause à la suite de l’édiction de l’arrêté de non-opposition à déclaration préalable (concernant l’absence d’engagement ferme v.CAA Douai, 26 juin 2014 : n°13DA00490 ; CAA Lyon, 26 mai 1998 : n°94LY00874).

💥 Attention : Un engagement imprudent, inconsidéré peut aboutir à la mise en jeu de la responsabilité de la personne publique. Il a été jugé que le maire ne peut pas s’engager, au nom de la commune, à modifier la réglementation d’urbanisme dans le sens de stipulations contractuelles conclues avec un particulier. En maintenant le classement préexistant la commune ne commet pas de faute. En revanche, le requérant est fondé à soutenir que le maire de la commune a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à son égard en s’engageant, de manière inconsidérée, à modifier la réglementation d’urbanisme applicable à la parcelle conformément au protocole d’accord ainsi intervenu (CAA Versailles, 9 juin 2011 : n°10VE01626 ; dans le même sens CAA Bordeaux, 13 novembre 1995 : n°94BX00467).

Réparation du préjudice causé par l’illégalité du classement de la parcelle

Le classement de la parcelle en secteur Nc du PLU a été censuré par un jugement du tribunal administratif de Montpellier devenu définitif. Cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

Toutefois, « la responsabilité d’une personne publique n’est susceptible d’être engagée que s’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre la faute qu’elle a commise et les préjudices subis par la victime ».

Contrairement aux premiers juges, le juge marseillais rejette la réparation du préjudice financier subi par la requérante en raison de l’absence d’un lien de causalité direct avec l’illégalité fautive. En effet, aucune négociation en cours relative à la vente de la parcelle n’a été interrompue à la suite du classement.

En revanche, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence est porté à 2500 euros. Le juge estime que la propriétaire a été maintenue dans une situation financière et psychologique délicate durant la période pendant laquelle sa parcelle a été illégalement classée.

💥Attention : le classement illégal de parcelles en zone constructible du PLU peut engager la responsabilité pour faute de la commune s’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes commises par la commune et le préjudice subi. Une commune (moins de 2000 habitants) a ainsi été condamnée à verser plus de 2,5 millions d’euros (!) pour réparer les préjudices subis par des acquéreurs des parcelles riveraines d’un lac de montagne qui avaient été classées à tort en zone constructible par méconnaissance de la loi Littoral (Cour administrative d’appel de Lyon, 15 décembre 2020 : N°19LY00121).

Cour administrative d’appel de Marseille, 9 juin 2022 : n°19MA03641

[1Photo : Juan Cruz Mountford sur Unsplash