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Vote des subventions aux associations : attention danger !

Dernière mise à jour le 22 juin 2022

Le vote des subventions aux associations peut facilement conduire à des poursuites pénales et ce même pour des sommes modiques. Quatre élus d’une commune rurale de 200 habitants viennent d’être condamnés pour prise illégale d’intérêts pour le vote d’une subvention de 250 euros...

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Le journal La Dépêche (Dénoncés par un rival politique, pour avoir voté une subvention de 250€...) s’est fait l’écho de la condamnation de quatre élus municipaux d’une commune du Lot de 200 habitants pour prise illégale d’intérêts sur plainte d’un opposant.

 

Leur tort ? Avoir participé au vote d’une subvention de 250 euros à une association dont ils font partie (l’article de presse ne précise pas s’ils sont simples adhérents ou membres du bureau ; lire sur ce point la position de la HATVP en fin d’article) pour l’organisation d’une fête de la poterie.

 

Ne suivant pas les réquisitions du procureur qui demandait une condamnation à trois mois d’emprisonnement avec sursis, et à deux ans d’inéligibilité, le tribunal correctionnel de Cahors dispense les élus de peine, reconnaissant ainsi que leur probité n’était pas en cause.

Il reste qu’ils sont bien déclarés coupables, le délit de prise illégale d’intérêts (article 432-12 du code pénal) étant caractérisé. Peu importe que la subvention aurait été votée sans leur participation et qu’ils n’aient retiré aucun profit personnel du vote. Dura lex, sed lex...

 
 
 
 

Ainsi malgré les modifications législatives récentes (sur ce sujet voir notre article : Prise illégale d’intérêts : du nouveau pour les élus locaux ?) apportées par la loi sur la confiance dans l’institution judiciaire (loi 2021 -1729 du 22 décembre 2021) et la loi 3DS (loi n° 2022-217 du 21 février 2022), le vote des subventions aux associations reste un sujet sur lequel les élus doivent être tout particulièrement vigilants.

Pas d’exemptions pour les communes rurales

Et les communes rurales ne sont pas exemptées. Au contraire elles sont sans doute plus exposées dans la mesure où ce sont souvent les mêmes personnes qui s’investissent au conseil municipal, au comité des fêtes, au foyer rural, dans l’association des parents d’élèves, dans les associations culturelles et sportives de la commune... Les élus concernés doivent prendre la précaution de pas participer au vote et aux débats pour les subventions aux associations dont ils sont membres.

Ce qui suppose de ne pas faire un vote global mais bien de voter subvention par subvention. C’est ce qu’a notamment rappelé la préfecture du Finistère aux élus du département après plusieurs condamnations d’élus finistériens pour le vote de subvention à des associations.

 
En 2008, la Cour de cassation (Cass crim 22 octobre 2008 N° de pourvoi : 08-82068) avait confirmé la condamnation d’élus locaux (un maire, deux adjoints, et un conseiller municipal) qui avaient participé au vote de subventions à des associations qu’ils présidaient en leur qualité d’élus (et non à titre personnel) en soulignant que « l’intérêt, matériel ou moral, direct ou indirect, pris par des élus municipaux en participant au vote des subventions bénéficiant aux associations qu’ils président entre dans les prévisions de l’article 432-12 du code pénal ». Peu importe « que ces élus n’en aient retiré un quelconque profit et que l’intérêt pris ou conservé ne soit pas en contradiction avec l’intérêt communal ».

Jeu des chaises musicales

Le vote des subventions aux associations peut ainsi donner lieu à un jeu de chaises musicales avec un ballet d’entrées et de sorties de la salle du conseil au gré des associations concernées par les subventions. Ce qui peut soulever parfois des questions de quorum. En effet, les conseillers en exercice auxquels une disposition légale interdit de prendre part au vote ou leur enjoint de se retirer au moment de certaines délibérations ne doivent pas être pris en compte pour le calcul du quorum (Conseil d’État, 19 janvier 1983, n° 33241 : sur les sept conseillers présents lors de la mise en discussion d’une délibération, trois d’entre eux étaient intéressés à l’affaire, et donc légalement tenus de s’abstenir. Dans ces conditions, le conseil municipal, qui ne comprenait que quatre conseillers ayant le droit de prendre part au vote, ne se trouvait pas en nombre suffisant pour délibérer). Ce n’est que lors d’une prochaine séance, à trois jours au moins d’intervalle, que la subvention pourra alors être votée en application de l’article L. 2121-17 du CGCT sans condition de quorum :

 
 Le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. Si, après une première convocation régulièrement faite selon les dispositions des articles L. 2121-10 à L. 2121-12, ce quorum n’est pas atteint, le conseil municipal est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle. Il délibère alors valablement sans condition de quorum. »
La seule présence de l’élu concerné, même s’il ne participe pas au vote peut caractériser l’infraction. En outre le simple fait pour un élu de sortir de la salle au moment du vote ne suffit pas pour écarter toute suspicion d’influence sur la décision. Il faut que l’élu intéressé s’abstienne de toute interférence dans l’attribution de la subvention et ne participe pas aux débats ou à l’instruction de la demande.
 
Dans un avis rendu le 3 mai 2022 (2022-150 - PDF sur le site de la HATVP), la HATVP s’est notamment prononcée sur la question du vote des délibérations concernant des associations dont les élus locaux sont simples adhérents sans être membres du bureau :

« le simple fait qu’un élu soit adhérent d’une association ne constitue pas, à lui seul, un intérêt personnel suffisamment important pour justifier des déports systématiques, une analyse au cas par cas devant alors être menée au regard, notamment, d’une part, de la nature de l’association, son objet et le nombre de ses adhérents et, d’autre part, de l’objet de la délibération et du contexte dans lequel elle intervient. »

Pas de déport systématique donc mais une appréciation au cas par cas pour les élus qui sont simples adhérents d’association (le déport s’impose en revanche systématiquement pour les élus qui sont membres du bureau). Il n’est cependant pas certain que les élus prennent le risque d’être déjugés ensuite par le juge pénal dans leur appréciation et ne préfèreront pas, dans le doute, s’abstenir. Surtout quand l’objet de la délibération porte sur le vote d’une subvention à ladite association.

Par ailleurs la HATVP souligne dans le même avis que la dérogation prévue pour les associations créées par la loi manque de précision :
 

« En l’absence de précision par ces dispositions du sens de l’expression « en application de la loi », la règle posée par l’article L. 1111-6 du code général des collectivités territoriales doit trouver à s’appliquer lorsque la loi a expressément prévu la représentation de la collectivité au sein de l’association ou lorsque l’application de la loi l’implique nécessairement. »

De fait dans son rapport d’activité 2021 la HATVP préconise (recommandation n°6) de définir des critères permettant de déterminer les organismes à l’égard desquels les élus ne sont pas tenus de se déporter, alors qu’ils y représentent leur collectivité dans les conditions de l’article L. 1111-6 du CGCT.

Devant la très forte inquiétude des élus locaux, l’AMF et quatre autres associations d’élus ont demandé une « audience » au gouvernement afin de faire évoluer le droit actuel encadrant le délit de prise illégale d’intérêts (Lire sur ce point l’article paru dans Maire-info le 21 juin 2022).

[1Photo : Photo Michael Fousert sur Unsplash