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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 2 au 6 novembre 2009

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le : 08/03/2010).


 [1]

Jurisprudence judiciaire

  Les enfants d’une personne victime d’un abus de l’état d’ignorance et de faiblesse peuvent-ils se constituer partie civile ?

Oui. Il résulte des articles 2 et 3 du code de procédure pénale que les enfants d’une personne victime d’un abus de l’état d’ignorance et de faiblesse sont recevables à rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont directement souffert et qui découle directement des faits objet de la poursuite.

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N° 08-88438


 Infraction d’urbanisme : une commune peut-elle obtenir en appel une mise en conformité des lieux alors que la relaxe de l’administré au pénal est devenue définitive ?

Oui dès lors que la Cour d’appel a caractérisé, pour les besoins de l’action civile, le délit d’exécution de travaux non conformes au permis de construire [2]. "Les juges du second degré, qui ont prononcé, sur le seul appel de la partie civile d’un jugement de relaxe, une mesure de mise en conformité des lieux à titre de réparation civile, n’ont fait qu’user de leur pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, les modalités de réparation de l’infraction".

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N° 08-88178


 L’accord verbal donné par un maire pour la construction d’une piscine dispense-t-elle le propriétaire de déposer une déclaration de travaux ?

Non. Le propriétaire ne peut se fonder sur la tolérance administrative et les propos tenus par le maire de la commune de ne pas s’opposer à la construction de piscine sur la commune pour justifier de sa bonne foi. A supposer que le maire n’ait pas fait obstacle à la construction d’une piscine, l’intéressé n’est pas dispensé pour autant de respecter la procédure administrative de la déclaration de travaux. Il peut d’autant moins invoquer une erreur de droit, qu’en sa qualité de président d’une association de protection de l’environnement et de sauvegarde de la commune face au tourisme de masse, il s’est opposé à la construction d’une piscine dans l’enceinte d’une résidence de tourisme...

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009,N° 09-80185


 Une mutation d’un agent dans des conditions humiliantes peut-elle être assimilée, lorsqu’elle a été suivie de traumatismes psychologiques, à des violences volontaires ?

Oui. Pour caractériser le délit de violences volontaires, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une atteinte matérielle à l’intégrité physique de la personne. Un choc émotif peut suffire. Les violences psychiques au travail peuvent donc tomber sous le coup de ces dispositions. Ainsi une décision d’affectation d’un agent municipal rentrant de congé de maternité à un poste de travail dont l’utilité n’a pas été démontrée, dénué de moyens et du confort minimum, notamment d’un point d’eau permanent, situé dans les locaux d’une station d’épuration et supportant des nuisances olfactives, de surcroît notifiée à l’intéressé dans des conditions inutilement brutales par un policier municipal, constitue un acte positif de violence volontaire, dont est résulté une atteinte à la personne de la partie civile.

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N°09-80090


 Un éleveur peut-il sans déclaration préalable transformer sa bergerie en abattoir ?

Non. Si les changements de destination ne doivent plus faire l’objet d’un permis de construire, il résulte de l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme, issu du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, que les changements de destination d’un bâtiment existant sont soumis à la formalité de la déclaration préalable. Se rend ainsi coupable d’infractions au code de l’urbanisme l’éleveur qui, se prévalant d’une autorisation préfectorale temporaire d’abattage limitée à la durée de la célébration de l’Aïd el-Kébir, a installé à l’intérieur d’une bergerie un abattoir permanent.

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N° 09-81495


 Un automobiliste peut-il être verbalisé pour infraction au stationnement en l’absence d’arrêté du maire réglementant le stationnement ?

Non. Doit être ainsi cassé le jugement d’une juridiction de proximité qui a condamné un automobiliste sans répondre aux conclusions du prévenu qui contestait en outre l’existence d’un arrêté réglementant le stationnement.

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N° 09-84006


 Responsabilité pénale des collectivités territoriales - Blessures involontaires

Condamnation d’une commune du Gard (7000 habitants) pour blessures involontaires à la suite d’un accident survenu à l’occasion d’une fête taurine : au cours d’une fête votive, un jeune taurillon inexpérimenté a brisé une vitre de la salle des fêtes dans laquelle il a vu son reflet puis a forcé une barrière de sécurité laquelle, mal arrimée, s’est ouverte sur la foule. Une douzaine de spectateurs ont été légèrement blessés. Pour condamner la commune, le tribunal relève que :

 compte-tenu de l’imprécision des consignes données, les barrières protégeant les spectateurs n’ont pas été vérifié ;

 le maire n’a pris aucun arrêté municipal réglementant précisément le rôle de chacun dans le contrôle de sécurité ou la distance des barrières par rapport au mur.

Tribunal de police d’Uzes, 3 novembre 2009, n°2009/63


Jurisprudence administrative

 La démission d’un agent public est-elle soumise à des conditions de forme ?

Oui. "La démission d’un agent public ne peut résulter que d’une demande écrite de l’intéressé marquant sa volonté sans équivoque de cesser ses fonctions".

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 2 novembre 2009, N° 08BX02301


 Le refus de titulariser un fonctionnaire stagiaire doit-il être motivé ?

Non. "Si la nomination en tant fonctionnaire stagiaire donne à son bénéficiaire le droit d’effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé ; (...) il en résulte que la décision refusant, au terme du stage, de le titulariser n’a pour effet, ni de refuser à l’intéressé un avantage qui constituerait, pour lui, un droit, ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue par la décision de nomination comme stagiaire, de retirer ou d’abroger une décision créatrice de droits". Ainsi un arrêté refusant de titulariser un fonctionnaire stagiaire n’est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 précité.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 3 novembre 2009, N° 09BX00638


 Un agent peut-il se réfugier derrière son droit de retrait pour échapper à toute sanction disciplinaire ?

Non. L’exercice du droit de retrait suppose que l’agent ait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail l’expose à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Tel n’est pas le cas d’un agent affecté au service des ordures ménagères qui ne s’est pas conformé à l’ordre qui lui avait été donné d’effectuer une collecte du verre qui entrait dans le cadre de ses missions. En effet, si pour justifier son refus d’obéissance, l’agent soutient que l’ordre donné l’exposait à une situation de travail dangereuse pour sa santé qui l’autorisait à cesser sur le champ d’exercer ses fonctions, il ressort des pièces du dossier que l’intéressé n’a pas fait état à son responsable hiérarchique d’une quelconque réserve quant à cette mission au moment où elle lui été confiée alors qu’agent expérimenté, il ne pouvait ignorer les risques éventuels auxquels les conditions de la collecte du verre ce jour là l’exposaient. Il a, au surplus, tenté par la suite d’en dissimuler l’inexécution. La sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de trois jours dont il a été l’objet est ainsi justifiée.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 3 novembre 2009, N° 09BX00691


 Garantie d’emprunt non tenue - responsabilité de la commune

La lettre par laquelle un maire confirme les décisions et délibérations du conseil municipal qui a proposé à un couple le rachat de leur restaurant afin de développer un village de vacances [3] ne constitue pas un engagement pris par la commune de réaliser des travaux d’aménagement du site aux fins de créer un village de vacances et de développer un pôle touristique. Les intéressés ne peuvent en invoquer la violation pour engager la responsabilité de la commune à leur égard.

La responsabilité de la commune est en revanche engagée par le non respect d’une garantie d’emprunt accordée par délibération [4] et par le retard mis par la commune à signer l’acte d’acquisition de leur propriété.

Conseil d’État, 4 novembre 2009, N° 304701


 Marchés publics - Référé précontractuel - Personnes habilités à agir

Les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d’être lésées par de tels manquements.

Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

Tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que le candidat évincé n’a pas même soutenu devant le juge des référés avoir été lésé ou avoir été susceptible de l’être par les irrégularités invoquées.

Conseil d’État, 4 novembre 2009, N° 327948


 Est-ce à la victime d’un cancer de la thyroïde, de rapporter la preuve que sa pathologie résulte directement de son exposition aux retombées radioactives provenant de l’explosion de la centrale de Tchernobyl ?

Oui. La responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que si la victime établit que sa pathologie résulte directement de son exposition aux retombées radioactives provenant de l’explosion de la centrale de Tchernobyl. Les dispositions de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui concernent les seules hypothèses de contamination par le virus de l’hépatite C, ne trouvant pas ici à s’appliquer.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 5 novembre 2009, N° 08MA00174


 Fermeture d’une ligne ferroviaire

Les collectivités concernées par la fermeture d’une ligne ferroviaire par Réseau Ferré de France n’ont pas a être consultées. Seule la suppression de la desserte d’un itinéraire par un service de transport d’intérêt national ou de la desserte d’un point d’arrêt par un service de transport d’intérêt national ou international est subordonnée à la consultation préalable des départements et communes concernés.

Conseil d’État, 6 novembre 2009, N° 296011


 Commercialisation d’espaces publicitaires dans les bulletins municipaux d’information : la collectivité peut-elle habiliter le titulaire du marché à percevoir des recettes publiques ?

Non. Une ville ne peut pas habiliter le titulaire d’un marché à percevoir des recettes publiques sans méconnaître les dispositions du décret du 29 décembre 1962 et les règles de la comptabilité publique. N’enfreint cependant pas ces règles, le contrat, qui attribue à un prestataire, la prospection publicitaire pour les journaux municipaux, la facturation des annonces et la préparation de la mise en page des publicités à insérer dans les publications, la ville conservant l’entière maîtrise de l’organisation et de la gestion de son bulletin municipal, dès lors que le contrat ne confie pas le recouvrement de sommes dues par des tiers en contrepartie de biens ou services fournis par la commune. Les recettes ainsi perçues auprès des annonceurs lors de la vente des encarts publicitaires, constitutives des recettes commerciales dans le cadre de ce marché de services, ne peuvent être qualifiées de recettes publiques au sens des dispositions du décret du 29 décembre 1962, seules revêtant une telle nature les sommes ensuite versées à la commune en vertu du contrat, fixées en l’espèce en fonction d’un pourcentage des recettes commerciales de la société avec un montant minimal garanti.

Conseil d’État, 6 novembre 2009, N° 297877


Pouvoirs des membres de la CNIL d’accéder à des locaux professionnels - Garanties procédurales

Les membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peuvent accéder à des locaux professionnels en dehors de leurs heures normales de fonctionnement et en l’absence du responsable du traitement. Toute entrave à l’exercice de ce droit de visite peut, en application des dispositions de l’article 51 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, faire l’objet de sanctions pénales, à l’exception de l’exercice du droit d’opposition prévu par les dispositions de l’article 44. Aucune disposition ne prévoit que le responsable du traitement soit prévenu de cette visite et puisse se faire assister de la personne de son choix. Les membres de la commission peuvent accéder aux programmes informatiques et aux données ainsi qu’en demander la transcription.

"En raison tant de l’ampleur de ces pouvoirs de visite des locaux professionnels et d’accès aux documents de toute nature qui s’y trouvent que de l’imprécision des dispositions qui les encadrent, cette ingérence ne pourrait être regardée comme proportionnée aux buts en vue desquelles elle a été exercée qu’à la condition d’être préalablement autorisée par un juge". Toutefois, "la faculté du responsable des locaux de s’opposer à la visite, laquelle ne peut alors avoir lieu qu’avec l’autorisation et sous le contrôle du juge judiciaire, offre une garantie équivalente à l’autorisation préalable du juge". "Une telle garantie ne présente néanmoins un caractère effectif que si le responsable des locaux ou le représentant qu’il a désigné à cette fin a été préalablement informé de son droit de s’opposer à la visite et mis à même de l’exercer".

Conseil d’État, 6 novembre 2009, N° 304300


 Nuisances sonores provoqués par des attroupements festifs : le maire peut-il se contenter de prendre un arrêté et d’initier des démarches de médiation ?

Non. Le maire qui a pris un arrêté interdisant notamment dans les lieux publics et les lieux de stationnement des véhicules à moteur (...) l’emploi d’appareils et de diffusion sonore par haut-parleur ne peut se borner à des actions de médiation restées sans effet [5]. Il lui appartient de prendre de réelles mesures en vue de faire respecter l’interdiction qu’il a lui-même édictée dès lors que ces mesures ne présentent pas de difficultés particulières, ni ne nécessitent la mise en oeuvre de moyens humaines et matériels qui seraient hors de sa portée. La carence du maire constitue une faute de nature à engager l’entière responsabilité de la commune, sans que celle-ci puisse utilement invoquer la faculté dont dispose par ailleurs l’intéressé de déposer plainte auprès des services de gendarmerie ou du procureur de la République.

Cour Administrative d’Appel de Paris, 6 novembre 2009, N° 08PA04857

[1Photo : © Gary Blakeley

[2En l’espèce non respect des prescriptions relatives à un mur de clôture.

[3tout en leur confiant la gestion du restaurant et du bar

[4une délibération légalement prise engage par elle-même la commune sans qu’il soit nécessaie que le bénéficiaire établisse avoir accompli les diligences nécessaires pour que cette garantie soit concrétisée

[5Telles que l’organisation d’une réunion de quartier consacrée au bruit, à des démarches amiables faites auprès de quelques contrevenants ou à un appel lancé au cours d’une réunion afin qu’ils ne s’attroupent plus au bord de la route avec de l’alcool et de la musique