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Plongeon depuis un aménagement non prévu à cet effet : la responsabilité de la commune écartée

Cour administrative d’appel de Lyon, 10 juin 2021, N° 19LY02487

Une collectivité peut-elle être tenue responsable d’un accident de baignade après un plongeon réalisé depuis un équipement non spécialement prévu à cet effet, en l’absence d’un panneau indiquant la profondeur de l’eau à cet endroit ?

Non si l’ouvrage, qui doit être utilisé conformément à sa destination, ne présente pas de danger particulier. En l’espèce un baigneur s’est grièvement blessé en sautant de l’extrémité d’une ponton dans une zone d’un lac ouvert à la baignade située entre le début du petit bain et la pataugeoire. La profondeur de l’eau était de 50 cm à cet endroit. Les juges estiment qu’un usager normalement attentif ne pouvait se méprendre sur la fonction de cette avancée et la confondre avec celle d’un plongeoir, peu important la circonstance que le jour de l’accident l’eau était troublée de telle sorte qu’il n’était pas possible d’apprécier la profondeur depuis l’extrémité de la plateforme. Une signalisation spécifique interdisant de plonger depuis son extrémité et une indication de la profondeur de l’eau à cet endroit n’étaient pas nécessaires. L’accident est en effet exclusivement imputable à l’imprudence de la victime laquelle a plongé depuis un équipement non spécialement prévu à cet effet sans s’assurer de la profondeur de l’eau.

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Victime d’un grave accident sur la plage du lac du Bourget à la suite d’un plongeon la tête la première, depuis un îlot bétonné, dans un fond insuffisant (zone identifiée comme étant le petit bain), un baigneur (tétraplégique depuis l’accident) recherche la condamnation solidaire de la commune et de la communauté d’agglomération à lui verser plus de 9 millions d’euros. Le requérant met en avant la dangerosité des lieux résultant de l’absence de fond à l’extrémité du ponton et le fait que ce danger n’a pas été signalé par un panneau indiquant la profondeur du lac à cet endroit et l’interdiction de plonger.

La cour administrative de Lyon confirme le jugement du tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté sa requête.

1 - Une signalisation suffisante de la part de la communauté d’agglomération

La responsabilité de la communauté d’agglomération était susceptible d’être recherchée sur le fondement du défaut d’entretien normal puisque, depuis un arrêté préfectoral de 2006, cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) exerce la compétence obligatoire « création, aménagement, gestion des installations des plages du lac du Bourget, y compris l’aspect surveillance de la qualité de l’eau ».

La responsabilité de la communauté d’agglomération est cependant écartée.

La victime, qui connaissait très bien le lac, a plongé de l’extrémité d’une plateforme située au bord de la plage. A l’extrémité de cette plateforme bétonnée, la profondeur de l’eau n’était que de 50 cm le jour de l’accident. L’endroit d’où a plongé la victime correspond en effet à la pataugeoire et au petit bain.

Le juge rappelle dans un premier temps que « l’entretien normal d’un ouvrage public inclut la signalisation des caractéristiques de cet ouvrage ainsi que celle de sa dangerosité ».

Au cas présent, à l’entrée du ponton bétonné un panneau visible :

 décrit la délimitation entre la zone du petit bain, la pataugeoire et la zone du grand bassin ;

 indique la profondeur de l’eau au niveau de la limite séparative entre le petit et le grand bassin ;

 et précise la zone de plongeon située au niveau du grand bassin.

Compte tenu de la configuration des lieux, le juge estime qu’« un usager normalement attentif ne pouvait se méprendre sur la fonction de cette avancée et la confondre avec celle d’un plongeoir, peu important la circonstance que le jour de l’accident l’eau était troublée de telle sorte qu’il n’était pas possible d’apprécier la profondeur depuis l’extrémité de la plateforme ».

L’indication de la profondeur de l’eau au niveau de l’avancée n’était pas nécessaire, l’avancée ne constituant pas un plongeoir.

📌 La cour administrative d’appel de Bordeaux avait tranché dans le même sens s’agissant de la non signalisation de la profondeur de l’eau dans une zone où la baignade était interdite (CAA Bordeaux, 15 février 2011, n°09BX02651) : « la signalisation des zones d’interdiction de baignade impliquait nécessairement l’interdiction d’y plonger depuis un ponton dépourvu d’aménagement pour cette pratique, il ne saurait être fait grief à la commune de ne pas avoir porté à la connaissance des usagers la faible profondeur de l’eau dans cette zone du plan d’eau ».

Le Conseil d’Etat (Conseil d’État, 26 février 2010, N° 306031) a également écarté la responsabilité d’une collectivité après un accident survenu à un adolescent ayant plongé depuis un ponton aménagé pour la promenade des personnes en situation de handicap : il incombait au baigneur, « dès lors qu’il utilisait comme plongeoir un équipement non spécialement prévu à cet effet, de s’assurer au préalable de la possibilité de plonger sans danger, eu égard notamment à la faible profondeur de l’eau dans un site aménagé pour la baignade des personnes handicapées. »

De plus, souligne le juge, aucun autre accident de cette nature ne s’est produit auparavant, les enfants ou adolescents n’ayant pas l’habitude d’utiliser cette avancée comme un plongeoir.

Dès lors « qu’il est utilisé conformément à sa destination d’aménagement d’agrément des abords de la plage, cet ouvrage ne présente pas de danger excédant ceux contre lesquels les usagers doivent normalement se prémunir et ne nécessite pas une signalisation spécifique interdisant de plonger depuis son extrémité » .

L’imprudence de la victime est la cause exclusive de l’accident : l’intéressé a plongé depuis un équipement non spécialement prévu à cet effet sans s’assurer de la profondeur depuis l’extrémité de cet ouvrage.

2 – Aucune carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police

La responsabilité de la commune est également écartée sur le fondement des pouvoirs de police du maire.

Le maire exerce la police des baignades conformément aux stipulations de l’article L.2213-23 du code général des collectivités territoriales. Il lui incombe d’assurer la sécurité des baigneurs sur les plages et notamment de signaler les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.

En l’espèce, le juge confirme que la signalisation mise en place est suffisante : la zone où s’est produit l’accident « était aménagée conformément à sa destination et ne présentait pas de danger particulier nécessitant une signalisation supplémentaire ».

A l’entrée du ponton en béton, un panneau signalait l’interdiction de plonger, une règlementation indiquait également l’interdiction de sauter ou plonger sauf depuis les plongeoirs. Aucune carence fautive du maire n’est donc établie.

Cour administrative d’appel de Lyon, 10 juin 2021, N° 19LY02487

[1Photo : Charlotte Karlsen sur Unsplash