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Subvention publique pour une manifestation en marge d’un évènement cultuel : possible mais sous conditions

Tribunal administratif de Montpellier, 3 novembre 2020, N° 1804799

Une collectivité peut-elle subventionner une manifestation festive en marge d’un évènement cultuel organisé par une association ?

 [1]

Oui dès lors que :

1° la subvention a pour objet la réalisation d’un projet, d’une manifestation ou d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte ;

2° le projet, la manifestation ou l’activité présente un intérêt public local ;

3° il est garanti , notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n’est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association.

En l’espèce le tribunal administratif de Montpellier juge régulier le financement par une commune d’un apéritif en marge d’une fête religieuse soulignant notamment les retombées économiques pour la ville.

La ville de Montpellier décide de financer un « apéritif offert à tous » dans le cadre des fêtes de « Saint Roch » organisées traditionnellement les 15 et 16 août [2]. Le programme de l’édition 2018 comporte :
 une « cérémonie mariale » ;
 une « procession de rue derrière la statue antique de Notre Dame » ;
 plusieurs messes ;
 un cortège en ville avec la statue de Saint Roch et ses reliques ;
 l’inauguration d’une nouvelle horloge ;
 un apéritif offert par la ville ;
 une visite guidée par l’office du tourisme.

Une association dénonce une atteinte à la loi de 1905, reprochant à la commune le financement de l’apéritif et le fait d’avoir apposé sur les affiches le logo de la commune et un message de soutien.

Rappel du cadre légal

Le tribunal administratif de Montpellier rappelle le cadre légal fixé par l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes ».

Ainsi « il résulte des dispositions de cette loi que les collectivités territoriales ne peuvent apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l’exercice d’un culte. »

Pour autant, poursuit le tribunal, une collectivité peut toujours accorder une subvention à une association « qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles. » Sous trois conditions cumulatives :
1° la subvention a pour objet la réalisation d’un projet, d’une manifestation ou d’une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte ;
2° le projet, la manifestation ou l’activité doit présenter un intérêt public local ;
3° il doit être garanti , notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n’est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association.

Une manifestation festive en marge d’un évènement cultuel

En l’espère, le tribunal souligne que l’apéritif offert par la ville, « se déroule dans un espace public et doit être regardé comme une manifestation festive organisée en marge de l’évènement cultuel, au même titre que la visite guidée par l’office de tourisme qui lui fait suite ».

Ainsi le maire n’a pas subventionné indirectement un culte et méconnu les dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 en rejetant la demande de l’association requérante de renoncer à son organisation.

Par ailleurs, poursuit le tribunal, « si les fêtes de Saint Roch sont un évènement cultuel, elles s’accompagnent de plusieurs manifestations qui n’en ont pas le caractère et elles contribuent, en tout état de cause, au développement d’un tourisme spirituel, historique et culturel, qui entraîne des retombées économiques pour la ville ». De fait, la découverte de l’histoire de Saint Roch et la visite de son sanctuaire, situé sur le chemin de Compostelle, font partie de l’offre touristique proposée par la ville.

« Dans ces conditions, en décidant d’apposer le logo de la ville sur l’affiche et le programme de la manifestation, en faisant figurer dans celui-ci le « mot du maire » dont le contenu est centré sur le lien historique des fêtes de Saint Roch avec la ville et leur impact touristique, et en assurant la diffusion de l’affiche sur les panneaux publicitaires de la ville et du programme sur son site internet, le maire de Montpellier ne peut être regardé comme ayant subventionné illégalement un culte, ni participé à sa promotion en méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905. »

[1Photo : Patrick Robert Doyle sur Unsplash

[2En voici la présentation qu’en fait le tribunal : « Né vers le milieu du XIVème siècle à Montpellier, où le sanctuaire qui lui est dédié possède des reliques, Roch a été élevé au rang de saint dans la religion catholique pour son action durant la grande peste noire, et est notamment le saint patron des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, dont l’itinéraire traverse la ville ».