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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 5 au 9 octobre 2009

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le 12/05/2010)


 [1]

Jurisprudence européenne

 La liberté d’expression confère-t-elle aux journalistes un droit à l’exagération et à la provocation lorsqu’il s’agit de dénoncer le comportement d’un élu ?

Oui. « Les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes, tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance » ;

« la liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation ».

Cour européenne des droits de l’homme, 8 octobre 2009, Requête no 12662/06


Jurisprudence judiciaire

 Une commune peut-elle être déclarée civilement responsable de l’accident survenu à l’occasion de feux de la Saint-Jean organisés par une association ?

Non dès lors que la manifestation a été organisée à la seule initiative de l’association, le
maire ayant seulement autorisé cette personne morale à ouvrir un débit de boissons de deuxième catégorie. Aucune délégation d’une mission de service public de la commune n’est intervenue. Il appartenait aux organisateurs, c’est-à-dire à l’association, de prendre toute mesure pour empêcher les personnes visiblement incapables de réaliser ce saut ou de mesurer le danger, notamment en raison d’un état d’ivresse manifeste, de
s’approcher du feu.

Cour d’appel de Nîmes, 6 octobre 2009 (Voir le commentaire de Marie-France Steinlé-Feuerbach au JAC).


 Droit des contrats - Caution de la commune - Caractère exécutoire de la délibération

Une délibération par laquelle une commune autorise son maire à signer une convention de garantie annexée à la délibération relative à un prêt contracté par une société intercommunale d’économie mixte est exécutoire de plein droit. Le juge judiciaire n’a pas examiner sa régularité. Cette délibération définitive qui porte cautionnement donné par la commune, suffit à fonder l’engagement de cette collectivité indépendamment de sa reprise dans un acte ultérieur. Le créancier de la SEM placée en liquidation judiciaire peut donc valablement appeler la commune en garantie.

Cour de cassation, chambre civile 1, 8 octobre 2009, N° de pourvoi : 08-20237


Jurisprudence administrative

 Un SDIS engage-t-il sa responsabilité pour ne pas avoir informé une commune du débit insuffisant d’une borne à incendie ?

Non dès lors que lors de leur intervention sur place, les services de lutte contre l’incendie, qui disposaient d’une alimentation propre en eau suffisante, n’ont pas manqué d’eau pour lutter contre le feu et n’ont pas cherché à utiliser la bouche à incendie. Ainsi le débit insuffisant de la borne à incendie située à l’entrée du hameau n’a pas contribué à l’aggravation des dommages.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 6 octobre 2009, N° 08BX02227


 Fonction publique - Stagiaire - Titularisation - Accident de service en cours de stage

Est justifié le refus de titularisation d’un agent technique territorial stagiaire motivé par la dégradation de son comportement au cours de son stage et par son attitude incompatible avec les missions qui lui sont confiées. Peu importe que le chef de service ait, dans un premier temps, rendu un rapport favorable avant de se raviser. Cette circonstance ne suffit pas, en effet, à établir que ce changement d’appréciation soit la conséquence de la prise en compte d’un accident de service, dont a été victime l’agent, entre les deux appréciations.

Cour Administrative d’appel de Bordeaux, 6 octobre 2009, N° 08BX02554


 Indemnités de fonction - Décision créatrice de droit - Retrait

L’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de décision. Une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage. Une telle décision n’est pas nécessairement expresse et peut être révélée notamment par le versement des sommes correspondantes.

Le versement d’indemnités à des adjoints n’est pas une simple mesure qui se bornerait à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement. Il incombe en effet au maire de s’assurer ce que les élus municipaux remplissent les conditions prévues pour bénéficier de ces indemnités. Chaque versement constitue ainsi une décision d’octroi d’avantage financier créatrice de droits. Ces décisions ne peuvent donc pas être légalement retirées après l’expiration d’un délai de quatre mois suivant leur édiction manifestée par chaque versement effectué.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 6 octobre 2009, N° 08BX03004


 Fonction publique - Harcèlement moral - Protection fonctionnelle

Satisfait à ses obligations de protection la collectivité qui, après avoir pris connaissance des allégations de harcèlement moral émises par un agent, diligente une enquête interne, modifie les conditions et l’organisation de son travail et prend des mesures destinées à rappeler leurs obligations professionnelles aux collègues du requérant.

A supposer même que les injures et outrages à caractère islamophobe dont le requérant a fait l’objet, soient imputables à des collègues du requérant, ils révèlent une telle animosité qu’ils ne pourraient constituer qu’une faute personnelle détachable du service susceptible de n’engager que la responsabilité personnelle de leur auteur devant le juge judiciaire. L’agent victime n’est donc pas fondé à invoquer la responsabilité fautive de la commune du fait de ses agents.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 6 octobre 2009, N° 08BX03187


 Une commune peut-elle décider la création d’une aire d’accueil des gens du voyage à moins de 75 mètres d’une route à grande circulation ?

Non. La délibération d’un conseil municipal qui envisage la création d’une aire d’accueil des gens du voyage à moins de 75 mètres d’une route classée à grande circulation, méconnaît les dispositions de l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme.

TA Amiens, 6 octobre 2009, N° 0802476


 Maîtrise d’ouvrage public - responsabilité décennale - Prescription

Il résulte des dispositions applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l’égard des maîtres d’ouvrage publics, qu’une citation n’interrompt la prescription qu’à la double condition d’émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.

Ainsi des actions en justice introduites par une collectivité à l’encontre de son assureur dommage-ouvrage n’ont pas interrompu la prescription à l’égard du maître d’œuvre et du constructeur. En effet si l’assureur dommage-ouvrage les a rapidement appelés en garantie, ceux-ci n’étaient pas directement visés par la citation qui, de ce fait n’a pu interrompre la prescription à leur égard.

Conseil d’État, 7 octobre 2009, N° 308163


 Urbanisme commercial - Pouvoirs de la la commission nationale d’équipement commercial

La commission nationale d’équipement commercial ne peut réduire la zone de chalandise pour rejeter la demande des pétitionnaires sans avoir préalablement demandé aux pétitionnaires de présenter les observations qu’appelait de leur part le nouveau découpage.

Conseil d’État, 7 octobre 2009, N° 314262


 Une association peut-elle, sans autorisation de l’inspecteur du travail, licencier un salarié dont la désignation comme délégué syndical a été annulée en justice ?

Pas si la procédure de licenciement a été initiée avant que n’intervienne la décision de justice annulant la désignation du salarié comme délégué syndical. L’annulation par voie juridictionnelle de la désignation d’un délégué syndical n’a pas d’effet rétroactif. Les salariés concernés conservent donc leur statut protecteur [1] jusqu’au jugement annulant leur désignation. L’autorisation de l’inspecteur du travail reste ainsi requise pour toutes les procédures de licenciement initiées avant l’annulation judiciaire de la désignation du salarié comme délégué syndical.

Conseil d’État, 7 octobre 2009, N° 322581


 Ecoles - Service minimum d’accueil - Impossibilités matérielles de mise en place

Est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité d’une délibération d’une commue refusant de mettre en place le service minimum d’accueil, le moyen tiré de ce que cette délibération, alors même qu’elle n’aurait présenté qu’un caractère général et déclaratoire, méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 133-4 du code de l’éducation [2].

Sont sans effet sur la légalité de cette délibération les moyens tirés par la commune, d’une part, de ce qu’elle serait dans l’impossibilité d’organiser le service d’accueil, notamment par manque d’effectif d’animateurs et, d’autre part, de ce qu’il était peu probable que le taux de personnel en grève dans les écoles maternelles et primaires de la commune atteigne le seuil de 25 % à partir duquel seulement s’imposerait à elle l’obligation d’organiser le service d’accueil institué par la loi du 20 août 2008.

Conseil d’État, 7 octobre 2009, N° 325829


Police municipale - refus d’agrément

Le procureur de la République peut prendre appui sur des procédures pénales qui n’ont pas donné lieu des condamnations pour refuser l’agrément d’un policier municipal dès lors que, par leur nature et leur répétition, ces faits sont révélateurs d’un défaut de maîtrise de soi rendant le requérant inapte à l’exercice des fonctions d’agent de police municipale. Dès lors que les faits en cause sont suffisamment établis par les pièces du dossier, il importe peu qu’ils n’ont pas donné lieu à des condamnations pénales et que, s’agissant de certains d’entre eux, les victimes ont retiré leurs plaintes après que le requérant se fut engagé à les indemniser.

Cour Administrative d’Appel de Versailles, 8 octobre 2009, N° 08VE01098


 Fonction publique - Grève - modalités de calcul de la retenue sur traitement d’un pompier

L’absence de service fait par un fonctionnaire territorial, due en particulier à sa participation à une grève, donne lieu à une retenue sur son traitement.

A défaut de dispositions législatives applicables aux agents d’un SDIS précisant le régime de cette retenue, son montant doit être proportionné à la durée de la grève, en comparant cette durée aux obligations de service auxquelles les intéressés étaient soumis pendant la période au cours de laquelle l’absence de service fait a été constatée et au titre de laquelle la retenue est opérée. Ainsi "dans le cas d’un agent qui assure son service sous la forme de gardes d’une durée de 12 ou 24 heures suivies d’une période de repos et dont le nombre total est fixé pour l’année alors que son traitement est liquidé mensuellement, il y a lieu, lorsque l’agent n’a pas accompli une ou plusieurs des gardes auxquelles il était astreint, non de procéder à une retenue calculée par trentième de la part mensuelle de son traitement, mais de rapporter le nombre de gardes qu’il n’a pas accomplies au nombre moyen de gardes auquel l’intéressé est astreint chaque mois, établi sur la base de son obligation de service annuelle, et d’appliquer le rapport en résultant au montant mensuel du traitement auquel il a normalement droit".

Conseil d’État, 9 octobre 2009, N° 284278


 Police des immeubles menaçant ruine

"Le législateur a donné compétence au juge judiciaire statuant en la forme des référés pour autoriser le maire de la commune à procéder d’office, dans le cadre de la procédure de péril ordinaire, à la démolition d’un immeuble menaçant ruine". Est dès lors entachée d’illégalité une ordonnance du juge des référés d’un tribunal administratif ordonnant la démolition d’un immeuble.

Conseil d’État, 9 octobre 2009, N° 310528


 Construction d’une maison d’habitation sur un terrain où seules sont autorisées les constructions nécessaires à l’exercice de l’exploitation agricole : le maire peut-il refuser un permis de construire au motif que la superficie de l’exploitation du pétitionnaire est inférieure à la surface minimale d’installation exigée pour la viabilité du projet ?

Oui mais encore faut-il, en l’absence de précision du schéma départemental des structures agricoles, que la surface minimale d’exploitation retenue par le maire ne soit pas disproportionnée. En l’espèce, le maire ne pouvait valablement retenir une surface minimale d’installation de 1000 m² dès lors que la chambre d’agriculture des Bouches du Rhône, consultée sur le projet, a indiqué le 27 juin 2007 qu’une surface de production de 300 m² permettait la viabilité de l’activité professionnelle de safranière de l’intéressée en tant que chef d’exploitation.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 9 octobre 2009, N° 08MA01619


 Urbanisme - Révision des documents d’urbanisme - Procédure

Aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que le règlement du plan d’occupation des sols dont la révision est envisagée soit joint à la convocation des membres du conseil municipal.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne conditionne "la légalité de la procédure de révision simplifiée à l’adoption préalable par le conseil municipal d’une délibération se prononçant sur l’intérêt général de l’opération envisagée".

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 9 octobre 2009, N° 07MA01633

[1Photo :© Gary Blakeley

[2selon lesquelles : "(...) / La commune met en place le service d’accueil à destination des élèves d’une école maternelle ou élémentaire publique située sur son territoire lorsque le nombre des personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève (...) est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans cette école (...)"