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Détournement de fonds publics : faute personnelle détachable ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 4 juin 2009, N° 08-86166

Les juridictions répressives sont-elles compétentes pour condamner au civil un élu reconnu coupable de détournements de fonds publics et de faux en écritures ?


 [1]

Un élu d’une commune (579 habitants) de Meurthe-et-Moselle est poursuivi pour détournements de fonds publics et faux en écritures sur plainte avec constitution de partie civile du département. Il lui est reproché d’avoir frauduleusement obtenu de diverses administrations et collectivités territoriales des subventions sollicitées sur la présentation de faux documents pour justifier de prestations et travaux fictifs.

Le tribunal correctionnel le reconnaît coupable des faits qui lui sont reprochés et le condamne, au civil, à indemniser le département sur ses deniers personnels. L’élu accepte sa condamnation pénale [2] mais conteste, en appel, la compétence des juridictions judiciaires pour le condamner au civil.

La Cour d’appel de Nancy lui donne raison et invite la partie civile à mieux se pourvoir devant les juridictions administratives : s’’il "n’est pas contestable que la commission de ce délit a causé un préjudice certain et direct au département de Meurthe-et-Moselle (...) cependant, c’est en tant que maire de la commune (...) et avec l’autorité et le pouvoir que lui conférait ses fonctions que Daniel X... a commis les détournements qui, s’il ne lui ont pas profité directement, ont du moins servi à obtenir des subventions au bénéfice de la commune". Dès lors, si les fautes commises par le maire, sont "d’une telle gravité qu’elle leur conférerait le caractère de fautes personnelles détachables du service", elles "ne sont pas pour autant dépourvues de tout lien avec le service public, et ne sont pas de nature à exonérer d’emblée la commune (...) de sa responsabilité". A charge pour cette dernière d’exercer une action récursoire contre son maire. Et les juges d’appel d’en conclure "qu’ainsi, en application des dispositions de la loi des 16 et 24 août 1790, la juridiction judiciaire est incompétente au cas d’espèce".

La Cour de cassation censure, sans surprise, cette position par une application orthodoxe des principes régissant la responsabilité personnelle des agents publics. En effet "les juridictions pénales sont compétentes pour apprécier, à la suite de sa condamnation pénale, la responsabilité d’un maire à raison de ses fautes personnelles détachables de la fonction". Peu importe que la faute commise ne soit pas dépourvue de tout lien avec le service. En effet, dans cette hypothèse, la victime dispose d’un droit d’option et peut actionner à son choix la responsabilité personnelle de l’élu ou de l’agent public devant les juridictions judiciaires, ou celle de la collectivité devant les juridictions administratives.


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[1Photo : © Marc Dietrich

[2sa condamnation est définitive