Dans un arrêt du 12 juin 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme les condamnations prononcées par la cour d’appel de Versailles le 19 décembre 2001 dans une affaire de marchés publics qui a défrayé la chronique. Quels enseignements juridiques peut-on tirer de cette affaire politico-médiatique ?
Un certain Jean Y..., en sa qualité de directeur de l’architecture, est responsable de l’attribution des marchés de la ville de P... Plusieurs irrégularités ayant été relevées, il est poursuivi du chef de favoritisme. Dans un arrêt du 12 juin 2003, la Cour de cassation confirme sa condamnation à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amende. Les juges retiennent en effet à son encontre :
1° qu’il a remis à une société M... candidate à un appel d’offres restreint "pour un premier marché, l’avant-projet sommaire et des notices descriptives bien que l’opération n’ait fait l’objet d’aucune publication légale, et, pour un second marché, des plans, des croquis et des études de prix, ces renseignements confidentiels ayant permis à cette société de proposer des prix correspondant à ceux du maître d’ouvrage et de se voir attribuer les marchés en tant qu’entreprise moins disante" ;
2° que "pour l’attribution du marché portant sur la construction d’une crèche, la procédure d’appel d’offres restreint, qui s’est révélée infructueuse, était totalement fictive, les entreprises ayant proposé, pour s’exclure, des prix anormalement élevés ; qu’après l’échec de cette procédure, le prévenu a sollicité de la société M... sa participation à la phase négociée du marché, qu’il lui a été remis les plans, les cahiers des charges, des notes écrites et l’enveloppe financière, et qu’après avoir proposé un prix très proche de celui du maître de l’ouvrage, cette société a été déclarée bénéficiaire de ce marché" ;
3° que "pendant la période préparatoire à l’attribution de ces marchés, il a reçu à six reprises des représentants de la société M..., ce qui n’avait été fait pour aucune entreprise similaire".
En contrepartie de l’attribution de ces marchés la société M... a remis une valise de plus de 50 000 euros à une certaine Louise-Yvonne A... pour le financement d’un parti politique dont elle était trésorière adjointe. Elle est condamnée pour son rôle d’intermédiaire du chef de recel d’abus de biens sociaux à 6 mois d’emprisonnement avec sursis. Pour sa défense, elle demandait à ce que "soit écarté des débats un article de presse produit par un coprévenu et relatant le contenu d’une ordonnance rendue quelques semaines plus tôt par des juges d’instruction se déclarant incompétents pour procéder, dans le cadre d’une information ouverte sur les conditions de passation des marchés publics de la région Ile-de-France, à l’audition du président de la République, en qualité de témoin assisté". Il lui est répondu "d’une part, qu’aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et d’autre part, qu’il leur appartient seulement, en application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier la valeur probante après débat contradictoire".