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Bulletins associatifs à destination des adhérents : le droit de la presse s’applique

Cour de cassation, chambre criminelle, 8 janvier 2019, N° 17-85789

Un bulletin d’informations édité par une association est-elle une publication au regard du droit de la presse dont le contenu peut engager la responsabilité de son président en tant que directeur de publication ?

 [1]

Oui : en dehors des cas expressément prévus par les textes, toute publication, quel que soit son support, est soumise au droit de la presse qui réprime notamment les diffamations et les injures. Le président de l’association est le directeur de la publication de droit et peut engager à ce titre sa responsabilité pénale en cas de publication portant atteinte à l’honneur ou à la considération de personnes physiques ou morales.

La circonstance que la publication est à diffusion restreinte et n’est destinée qu’aux membres de l’association ne constitue pas une cause d’exonération. En revanche si le juge estime que les destinataires sont liés entre eux par une communauté d’intérêt, la diffamation ne présentera pas de caractère public et l’amende encourue sera moins importante (38 euros d’amende pour une diffamation non publique contre 12 000 euros d’amende pour une diffamation publique de droit commun). D’où l’intérêt de rester prudent dans l’expression, tout particulièrement dans les journaux à diffusion élargie, sur les blogs associatifs ou sur les réseaux sociaux dont l’accès est public.

Une association départementale pour l’accueil et l’insertion des personnes en situation de handicap rentre en conflit avec la fédération à laquelle elle est affiliée. Une assemblée générale de l’association départementale finit par voter son retrait de la fédération. Le président de la fédération conteste, dans un bulletin interne à l’association ("Echos du Conseil d’administration"), la régularité de la délibération de l’assemblée générale en soulignant notamment "qu’aucun adhérent n’a souhaité agir en justice à titre personnel craignant pour la place de leur fils ou fille dans les établissements".

L’association fait citer devant le tribunal correctionnel le président de ladite fédération, du chef de diffamation publique envers un particulier.

Le tribunal correctionnel estime que les faits sont bien diffamatoires, mais que la diffamation est privée (contravention de 1ère classe) et non pas publique (délit). Les juges correctionnels considèrent en effet que les destinataires du bulletin édité par la fédération sont liés entre eux par une communauté d’intérêt ce qui exclut tout caractère public aux propos incriminés.

La cour d’appel confirme que les propos sont diffamatoires mais estiment que la publication est publique car librement accessible au public des établissements accueillant les personnes handicapées. La Cour de cassation annule sur ce point l’arrêt des juges d’appel dès lors que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions, sans être démenti par celles de la partie civile, que le bulletin " Echos du Conseil d’administration " était destiné à l’information des seuls membres de la fédération et n’était pas distribué au public.

La cour d’appel de renvoi confirme cette analyse les écrits diffamatoires en cause ayant été insérés dans un bulletin d’information, dont la diffusion a été restreinte à des personnes liées par une communauté d’intérêt.

Le président de l’association est bien responsable en sa qualité de directeur de la publication, les propos en cause ayant été diffusés sur un support écrit de communication, constitutif d’une publication.

La Cour de cassation cette fois n’y trouve rien à redire et confirme la condamnation du prévenu à 38 euros d’amende.

En effet :
- d’une part, "le régime juridique de la contravention de diffamation non publique est celui des infractions de presse en dehors des cas expressément prévus par les textes" ;
 
- d’autre part "le prévenu avait eu la qualité de directeur de publication du bulletin susvisé de par l’exercice de sa fonction de président de la fédération (...), éditrice de ladite publication, au sens des articles 6 et 42 de la loi du 29 juillet 1881".

Il est ainsi confirmé qu’un président d’association peut être un directeur de publication qui s’ignore [2] et qu’il vaut mieux rester prudent dans l’expression, y compris dans un bulletin interne réservé aux membres de l’association. A fortiori pour un journal associatif distribué plus largement, sur un blog associatif accessible à tous ou sur des messages publiés sur les réseaux sociaux. En effet les propos diffamatoires seront alors considérés comme publics et les peines d’amende encourues plus lourdes...

Cour de cassation, chambre criminelle, 8 janvier 2019, N° 17-85789

[1Photo : Bank Phrom sur Unsplash

[2Pour un autre exemple suivre le lien proposé en fin d’article.