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@chrislawton sur Unsplash

Prêt de matériel de la commune aux associations : qui est responsable en cas d’accident ?

Cour d’appel de Dijon, 5 juillet 2018

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Accident causé par des barnums non conformes prêtés par une commune à une association : le président de l’association est-il pénalement responsable ?

 

 

Non dès lors que c’est la commune qui a la qualité d’exploitant, l’association n’étant qu’une simple utilisatrice ponctuelle et non exclusive du matériel. Ce d’autant qu’en l’espèce le matériel, de confection artisanale et non homologué, avait été monté par des agents de la commune qui n’avaient pas les qualifications requises. Ainsi le président de l’association ne saurait être tenu responsable des blessures graves causées par la chute des structures insuffisamment lestées qui n’ont pas résisté à deux rafales de vent alors qu’aucune convention liant la collectivité à l’association ne prévoyait un transfert de propriété du matériel et que le président de l’association ne disposait pas des informations suffisantes pour évaluer et pallier les insuffisances du matériel prêté par la commune.
 

Un comité des œuvres sociales (COS) d’une commune (moins de 5000 habitants) organise une guinguette pour financer des activités au profit des agents retraités. Au cours de la soirée, plusieurs personnes sont grièvement blessées après que deux fortes rafales de vent aient soulevé les tentes mises à disposition par la commune. Les bâches, fixées au sol à l’aide de sangles et d’un lest à chaque pied du barnum, n’ont pas résisté à la force du vent avant de retomber quelques dizaines de mètres plus loin sur une partie du public qui quittait les lieux.


Le premier bilan est d’une trentaine de blessés dont six grièvement atteints avec un pronostic vital engagé pour trois des victimes [1].

Les éléments de l’enquête

L’enquête révèle que :

 le département n’avait pas été placé en vigilance orange par Météo France pour les orages car si des phénomènes localement violents avaient été annoncés pour la soirée, ils restaient très localisés ;

 si la fête était organisée par le Comité des œuvres sociales de la commune pour renflouer sa trésorerie, les barnums étaient prêtés par la commune et avaient été montés par sept agents communaux sur leur temps de travail. Entendu par les enquêteurs les agents avaient expliqué que la structure des tentes, vieille de 20 ans, était de confection artisanale et qu’ils n’avaient reçu ni directives, ni formation spécifique pour le montage ;

 compte tenu de la surface de la structure (juxtaposés les deux barnums formaient un ensemble d’une surface de 92 m²) pouvant accueillir plus de 50 personnes, la structure devait s’analyser comme un établissement de type CTS (Chapiteau, tente et structure) ce qui aurait dû entrainer la délivrance par le préfet d’une attestation de conformité lors de la première utilisation ainsi qu’un avis consultatif de la commission de sécurité permettant l’identification de l’établissement et l’ouverture d’un registre de sécurité tenu à jour ;

 les deux barnums juxtaposés n’étaient pas homologués, ni montés conformément aux règles de l’art (poids des lests insuffisants : seuls six masses agricoles de 4 kg avaient été utilisées au lieu de 10 lestes de 480 kg nécessaires pour résister à des vents de 85 km/h) et aux normes applicables aux CTS (les établissements distants entre eux de moins de huit mètres doivent être considérés comme un seul établissement pour l’application des règles relatives aux ERP, ce qui en l’espèce rendait nécessaire l’avis préalable d’un bureau de vérification CTS).

 
 

Non lieu pour le maire

Le juge d’instruction rend une ordonnance de non lieu au profit du maire relevant que seuls les organisateurs (le COS et son président) pouvaient engager leur responsabilité. En effet, le magistrat instructeur relève que le COS - à la différence du comité des fêtes - était, comme toute association, une structure sociale juridiquement et financièrement indépendante de la mairie, le maire n’ayant aucune autorité, ni qualité pour diriger la personne morale. En prenant les arrêtés liés à l’autorisation de la manifestation, l’occupation du domaine public, et le feu d’artifice, le maire n’a pas commis de défaillance dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

Relaxes du COS et de son président

Seuls le COS et son président sont cités devant le tribunal correctionnel.

Pour sa défense, le président de l’association relève qu’il avait supervisé l’organisation de la fête et que n’ayant aucune compétence particulière pour le montage des structures, ils avait fait entièrement confiance aux agents de la ville chargés de monter les barnums.

 

Le tribunal le relaxe, ce que confirme le cour d’appel de Dijon :

 les dommages ont été causés par la non-conformité de l’équipement utilisé qui n’était pas lesté ;

 le matériel appartenait à la commune et les tentes ont été montées par les employés municipaux pendant leur temps de travail, n’agissant donc pas en qualité de membres de l’association ;

 ces employés ne disposaient pas de la formation requise leur permettant d’assurer un montage dans des conditions de sécurité optimales ;

 l’arrêté du 23 janvier 1985 s’applique aux exploitants de structures, chapiteaux et tentes et la réglementation distingue l’utilisateur de l’exploitant. L’exploitant était, en l’espèce, la commune qui était donc chargée de l’entretien du matériel alors que l’association n’en était que l’utilisatrice ponctuelle et non exclusive ;

 il n’est pas démontré que la propriété de la structure ait été déléguée par une convention que ce soit à titre permanent ou temporaire à l’association.

 

Et les juges de conclure qu’aucune violation de l’arrêté ne peut être imputée au président de l’association, tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant de la personne morale, celui-ci ne disposant pas de l’information suffisante pour évaluer et pallier les insuffisances du matériel mis à sa disposition par la commune.

 

[1Blessures occasionnées par le choc des barres de fer qui composaient la structure ou par la chute de la tente. L’une des victimes a été soulevée de terre par des fils électriques lors de l’effondrement du chapiteau avant de retomber brutalement au sol