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Service minimum d’accueil à l’école : précisions du Conseil d’Etat

Conseil d’État, 17 juin 2009, N° 321897

Le Conseil d’Etat annule deux mesures de la circulaire d’application relative au service minimum d’accueil et apporte des précisions instructives sur le dispositif.


 [1]

L’article L. 133-1 du code de l’éducation, issu de la loi n° 2008-790 du 20 août 2008 dispose donc que tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique ou privée sous contrat est accueilli pendant le temps scolaire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes et qu’il bénéficie gratuitement d’un service d’accueil lorsque ces enseignements ne peuvent lui être délivrés en raison de l’absence imprévisible de son professeur et de l’impossibilité de le remplacer ainsi qu’en cas de grève.

La ville de Brest a attaqué le décret [2] et la circulaire d’application [3].

Pour une bonne administration de la justice, l’examen de cette requête est jointe à l’action introduite par un syndicat des enseignants dirigée contre la même circulaire.

L’occasion pour Conseil d’Etat (arrêt N° 321897 du 17 juin 2009) d’apporter des précisions très instructives sur ce dispositif.

1° Circulaire annulée


Service public nouveau distinct de celui de l’enseignement

Le syndicat UNSA invoquait en premier lieu les dispositions de l’article L. 231-1 du code de l’éducation aux termes duquel « Le conseil supérieur de l’éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d’intérêt national concernant l’enseignement ou l’éducation, quel que soit le département ministériel intéressé ». Or le Conseil supérieur de l’éducation n’avait pas, en l’espèce, été consulté.

Le Conseil d’Etat rejette le moyen en considérant que « la loi du 20 août 2008 a institué pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires un droit d’accueil en créant un service public nouveau d’accueil ». De fait « si ce service public nouveau est directement associé au service public de l’enseignement en contribuant, notamment, à sa continuité, il en est toutefois distinct ». Et le Conseil d’Etat d’en déduire que ni la circulaire du 26 août 2008, ni le décret du 4 septembre 2008 qui n’étaient relatifs qu’au service d’accueil et ne comportaient aucune disposition relative à la mise en œuvre du service public de l’enseignement, n’avaient à être soumis à l’avis du conseil supérieur de l’éducation.


 Service minimum et droit de grève

Pour l’application des dispositions de l’article L. 133-2 du code de l’éducation, issu de la loi du 20 août 2008, qui édictent l’obligation, pour les agents chargés de fonctions d’enseignement, de déclarer, au moins quarante-huit heures à l’avance, à l’autorité administrative, leur intention de prendre part à un mouvement de grève, le ministre de l’éducation nationale avait précisé, par la circulaire du 26 août 2008, les modalités selon lesquelles serait faite la déclaration préalable des agents chargés de fonctions d’enseignement. La circulaire précisait ainsi que cette information devait être faite par écrit et le syndicat y voyait là une atteinte au droit de grève.

Le Conseil d’Etat rejette là aussi l’argument :

1° « Le ministre de l’éducation nationale était compétent, au titre de son pouvoir d’organisation des services, pour prévoir, par la circulaire attaquée, les modalités selon lesquelles serait faite la déclaration préalable des agents chargés de fonctions d’enseignement »
 
2° « Dès lors qu’elle précisait que cet écrit pourrait prendre la forme non seulement d’une lettre mais aussi d’une télécopie et qu’en tout état de cause, l’obligation et le délai prévus par la loi mettent ces agents dans la nécessité de pouvoir rapporter la preuve qu’ils ont satisfait à ces conditions, la circulaire en cause n’a pas, par cette exigence, porté au droit de grève des agents concernés une restriction illégale »
 
3° En tout état de cause la circulaire rappelle que lorsqu’un accord aura été trouvé entre l’Etat et les organisations syndicales représentatives dans le cadre de la négociation préalable régie par l’article L. 133-2, la déclaration sera faite selon les modalités résultant de cet accord portées à la connaissance des personnels soumis à l’obligation de déclaration.

  Contrôle de la qualification des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil

Aux termes de l’article L. 133-7 du code de l’éducation, issu de la loi du 20 août 2008 « Le maire établit une liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil prévu à l’article L. 133-4 en veillant à ce qu’elles possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants ».

La circulaire précise qu’à ce titre la commune peut faire appel à des agents municipaux, dans le respect de leurs statuts, mais également à des assistantes maternelles, des animateurs d’associations gestionnaires de centre de loisirs, des membres d’associations familiales, des enseignants retraités, des étudiants, des parents d’élèves... Les requérants objectaient que de telles personnes n’avaient pas nécessairement les qualités requises par la loi pour accueillir et encadrer des enfants.

Le conseil d’Etat n’en valide pas moins la circulaire qui «  s’est ainsi bornée à donner des exemples non limitatifs et n’a eu ni pour objet ni pour effet de dispenser le maire de s’assurer par ailleurs que ces personnes possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants  ».

Autrement dit, la circulaire ne donne que des exemples et il appartient en tout état de cause au maire de s’assurer que les personnes ont bien les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants. En outre les dispositions de l’article L. 133-7 du code de l’éducation « n’exigent pas que les qualités requises soient justifiées par la possession d’un titre ou d’une qualification professionnelle ». En somme le maire doit s’assurer que les personnes ont les qualités requises pour accueillir et encadrer des enfants sans que l’absence de diplômes ou de qualifications professionnelles correspondantes constitue un obstacle à leur candidature.


 Droit à la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles :

Selon l’article L. 133-7 du code de l’éducation, il appartient au maire de transmettre à l’autorité académique la liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil pour que celle-ci s’assure que ces personnes, préalablement informées de la vérification, ne figurent pas dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. De fait « lorsque l’autorité académique est conduite à écarter certaines personnes de la liste, elle en informe le maire sans en divulguer les motifs ».

La circulaire d’application précisait que le préfet devait être également informé lorsque la consultation par l’autorité académique du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes fait apparaître qu’une ou plusieurs personnes proposées par le maire figurent sur ce fichier. Le Conseil d’Etat censure cette précision et annule la circulaire qui va au-delà de ce qui est prévu par la loi. En effet :

- « le 3° de l’article 706-53-7 du code de procédure pénale ne prévoit aucun cas dans lequel le préfet aurait la qualité de destinataire des informations contenues dans le fichier et restreint l’accès direct au fichier du préfet et des administrations au seul besoin des décisions administratives leur incombant concernant l’exercice ou le contrôle de l’exercice des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs » ;
- « en l’espèce c’est à la seule autorité académique, à l’exclusion de toute autre y compris du préfet, que les dispositions précitées de l’article L. 133-7 du code de l’éducation donnent compétence pour écarter certaines personnes de la liste et, dans la limite et pour le seul besoin de l’exercice de cette compétence, pour accéder directement au fichier à partir de l’identité des personnes concernées, la circulaire attaquée a illégalement ajouté à ces dispositions législatives ; qu’elle doit, dans cette mesure, être annulée ».

 Responsabilité de l’Etat en raison d’un fait dommageable commis ou subi par un élève du fait de l’organisation ou du fonctionnement du service d’accueil

Aux termes de l’article L. 133-9 du code de l’éducation, issu de la loi du 20 août 2008 « La responsabilité administrative de l’Etat est substituée à celle de la commune dans tous les cas où celle-ci se trouve engagée en raison d’un fait dommageable commis ou subi par un élève du fait de l’organisation ou du fonctionnement du service d’accueil ».

La circulaire précise que la responsabilité de la commune reste entière si le dommage subi par l’élève est dû au mauvais entretien des locaux ou des matériels à la charge des communes. Le Conseil d’Etat valide cette position dès lors « que l’organisation ou le fonctionnement du service public d’accueil n’incluent pas le bon entretien des locaux ou des matériels incombant à la commune  ».


 Possibilité de délégation par convention

Aux termes de l’article L. 133-10 du code de l’éducation, issu de la loi du 20 août 2008 : « La commune peut confier par convention à une autre commune ou à un établissement public de coopération intercommunale l’organisation, pour son compte, du service d’accueil. Elle peut également confier par convention cette organisation à une caisse des écoles, à la demande expresse du président de celle-ci. Lorsque les compétences relatives au fonctionnement des écoles publiques ainsi qu’à l’accueil des enfants en dehors du temps scolaire ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale, celui-ci exerce de plein droit la compétence d’organisation du service d’accueil en application du quatrième alinéa de l’article L. 133-4. »

Les auteurs de la circulaire en ont déduit pour leur part que la loi autorise tous les mécanismes conventionnels d’association ou de délégation du service et, en particulier, que la commune peut ainsi confier le soin d’organiser pour son compte le service d’accueil... à une association gestionnaire d’un centre de loisirs. Là aussi le Conseil d’Etat estime que la circulaire va au-delà de ce qui est prévu par la loi.
En effet «  il résulte des dispositions précitées que le législateur a fixé de façon limitative les délégataires autorisés pour l’exercice par la commune du service public d’accueil ».


Décret confirmé

 Incidences budgétaires et consultation du comité de finances locales

La ville de Brest soutenait que, compte-tenu des incidences budgétaires du dispositif pour les communes, le comité des finances locales aurait dû être consulté. Tel n’est pas l’avis du Conseil d’Etat : « le décret attaqué n’est pas, quelle que soit son incidence budgétaire pour les communes, au nombre de ceux pour lesquels la consultation du comité des finances locales est, en application des dispositions de l’article L. 1211-3 du code général des collectivités territoriales, obligatoire  ».


 Compensation financière

Il résulte des dispositions de l’article L. 133-8 du code de l’éducation, issu de la loi du 20 août 2008, que « le calcul de la compensation versée aux communes ayant mis en oeuvre le service d’accueil suppose que l’autorité académique ait connaissance à la fois du nombre effectif d’enseignants ayant participé au mouvement de grève et du nombre d’élèves accueillis  ».

La ville objectait que le décret d’application ne permettait pas un juste calcul de la compensation financière dès lors que le maire ne devait transmettre à l’autorité académique que le nombre d’élèves accueillis. Le Conseil d’Etat lui répond que « l’autorité académique disposant en tout état de cause du nombre effectif d’enseignants ayant participé au mouvement de grève, la notification par le maire de cet élément ne lui est pas nécessaire pour qu’elle puisse procéder au calcul de la compensation à verser aux communes ».


 En savoir plus ?

En partenariat avec la Revue Lamy des collectivités territoriales retrouvez une analyse de cet arrêt par Jean-Marie Pontier, Professeur à l’université Paris I Panthéon Sorbonne

[1Photo : © Narcisa Floricica Buzlea

[2décret n° 2008-901 du 4 septembre 2008 relatif à la compensation financière de l’Etat au titre du service d’accueil au profit des élèves des écoles maternelles et élémentaires

[3n° 2008-111 du 26 août 2008 portant mise en oeuvre de la loi n° 2008-790 du 20 août 2008 créant le droit d’accueil au profit des élèves des écoles maternelles et élémentaire