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Jurisprudence

Journaux ou blogs associatifs : un président d’association peut être un directeur de publication qui s’ignore

Cour de cassation, chambre civile 1, 6 décembre 2017, N° 16-22068

A défaut de mentions légales indiquant le nom du directeur de la publication sur un journal ou un blog associatif, le droit de réponse exercé par un tiers peut-il être valablement adressé au président de l’association ?

 [1]

Oui : si toute publication de presse, y compris un site internet, doit mentionner expressément le nom du directeur de la publication, le non respect de cette obligation ne prive pas les tiers de pouvoir exercer leur droit de réponse. En l’espèce une municipalité s’était sentie visée dans un article publié dans un journal associatif. A défaut de mentions légales dans le journal quant au nom du directeur de la publication, la première adjointe au maire avait, au nom des élus de la majorité, demandé l’exercice d’un droit de réponse au président de l’association avant de saisir le juge des référés. La Cour de cassation confirme que le président de l’association est bien le directeur de la publication en sa qualité de représentant légal de l’entreprise éditrice et que la commune avait pu valablement lui adresser une demande de droit de réponse malgré l’absence des mentions légales à ce sujet dans la publication litigieuse. En revanche la Cour de cassation reproche aux juges d’appel de ne pas avoir vérifié l’étendue de la délégation de compétence consentie à l’adjointe avant de faire droit à sa demande tendant à l’insertion d’office du droit de réponse au nom de la municipalité.

Une association de défense des citoyens d’une commune, créé un journal associatif. Le premier numéro, consacré à un projet d’échangeur autoroutier, met en cause la municipalité en place. Celle-ci souhaite exercer un droit de réponse. Mais aucune mention du directeur de publication ne figure dans le journal associatif. Après en avoir informé le procureur de la République, une adjointe au maire demande, au nom "des élus de la majorité", l’insertion d’une réponse dans le prochain numéro au président de l’association.

Ce dernier refuse de faire droit à la demande. La commune assigne en référé le président de l’association en sa qualité de directeur de la publication aux fins d’insertion forcée d’une réponse.

Le juge des référés donne raison à la demande de la commune, ce que confirme la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Le président de l’association exerce alors un pourvoi en contestant le fait que la commune ait pu valablement lui adresser le droit de réponse.

La Cour de cassation rejette le moyen sur le visa de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse [2] aux termes duquel sauf exceptions, le directeur de la publication est le représentant légal de l’entreprise éditrice. Ainsi dès lors que c’est l’association qui a créé le journal et publié l’article litigieux, il ne peut être fait grief à la première adjointe au maire d’avoir adressé sa demande d’insertion d’une réponse au président de l’association qui est bien le représentant légal de l’entreprise éditrice.

En revanche la Cour de cassation annule l’arrêt, faute pour les juges d’appel d’avoir vérifié l’étendue de la délégation de compétence consentie à l’adjointe. L’association faisait en effet observer qu’un adjoint-délégué du maire ne pouvait adresser un courrier « pour le maire » en vue d’exercer un droit de réponse, que si la délégation de compétence consentie à cet adjoint l’y autorisait. La cour d’appel avait écarté ce moyen en estimant qu’il n’était pas démontré que la première adjointe au maire n’avait pas qualité pour exercer un tel droit. La Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et renvoie les parties devant la cour d’appel de Montpellier.

Cour de cassation, chambre civile 1, 6 décembre 2017, N° 16-22068

[1Photo par @Mattias Diesel via Unsplash

[2"Toute publication de presse doit avoir un directeur de la publication. Lorsqu’une personne physique est propriétaire ou locataire-gérant d’une entreprise éditrice au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ou en détient la majorité du capital ou des droits de vote, cette personne est directeur de la publication. Dans les autres cas, le directeur de la publication est le représentant légal de l’entreprise éditrice. Toutefois, dans les sociétés anonymes régies par les articles L. 225-57 à L. 225-93 du code de commerce, le directeur de la publication est le président du directoire ou le directeur général unique".

Ce qu'il faut en retenir

 Toute publication de presse ( y compris un site internet) doit avoir un directeur de la publication.

 Lorsqu’une personne physique est propriétaire ou locataire-gérant d’une entreprise éditrice au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 ou en détient la majorité du capital ou des droits de vote, cette personne est directeur de la publication. Dans les autres cas, le directeur de la publication est le représentant légal de l’entreprise éditrice. Ainsi s’agissant d’un journal associatif c’est le président de l’association qui est directeur de publication (dans les sociétés anonymes régies par les articles L. 225-57 à L. 225-93 du code de commerce, le directeur de la publication est le président du directoire ou le directeur général unique).

 Le nom du directeur de la publication doit être imprimé au bas de tous les exemplaires (ou dans les mentions légales s’agissant d’un site internet).

 Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

 Le droit de réponse, institué par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881, pour toutes personnes nommées ou désignées dans un journal de faire paraître une réponse est général et absolu et l’organe de presse ne peut s’y soustraire que si la réponse dont l’insertion est demandée porte atteinte aux droits des tiers, à l’honneur du journaliste ou est dénuée de pertinence. A défaut, la non insertion d’une réponse constitue un trouble manifestement illicite qu’il revient au juge des référés de faire cesser en application des dispositions de l’article 809 du nouveau code de procédure civile.

 La circonstance que le nom du directeur de publication n’apparaisse pas dans les mentions légales ne prive pas les tiers du droit d’exercer leur droit de réponse. S’agissant d’un journal associatif (ou d’un site internet ou blog d’une association), les tiers peuvent valablement adresser leur demande d’insertion d’une réponse au président de l’association, en sa qualité de représentant légal de l’entreprise éditrice.

 Un adjoint au maire ne peut exercer un droit de réponse au nom de la commune que pour autant que la délégation consentie par le maire l’y autorise.


Textes de référence

 Article 6 III C de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

 Article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

 Article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

 Article 809 du code de procédure civile