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Délai dans lequel l’administration peut demander à un agent le remboursement d’un trop versé de rémunération

Conseil d’État, 31 mars 2017, N° 405797

L’administration peut-elle demander à un agent de rembourser un trop perçu de rémunération plus de deux ans après le versement ?

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Oui mais uniquement si l’agent n’a pas informé l’administration de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d’avoir une incidence sur le montant de sa rémunération ou s’il a transmis des informations inexactes. Dans ces cas, le délai de prescription est de cinq ans en application des règles du code civil. Hormis ces deux exceptions, l’administration dispose de deux ans pour réclamer un trop versé de rémunération. Peu importe à cet égard que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne puisse plus être retirée. Ce délai de deux ans est applicable à l’ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d’avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. Les règles relatives aux causes d’interruption et de suspension de la prescription biennale sont celles du code civil. Ainsi une lettre par laquelle l’administration informe un agent public de son intention de récupérer une somme versée indûment interrompt la prescription. Il en est de même s’agissant de la notification à l’agent d’un ordre de reversement ou de l’émission d’un titre exécutoire.

Une administration réclame à deux agents plus de 4 000 euros à l’un et de 11 000 euros à l’autre de trop-versés de rémunération. Les agents se défendent en invoquant la prescription biennale.

Leur administration leur réplique que les sommes versées à titre d’avance de rémunération et les cotisations sociales ne sont pas soumises à la prescription biennale mais au délai de prescription de droit commun prévu par le Code civil qui est de cinq ans.

Saisi du dossier, le tribunal administratif de Paris consulte le Conseil d’Etat en lui posant quatre questions :

"1°) Faut-il se référer, pour l’interruption et la suspension du délai de prescription biennale institué par les dispositions de l’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 et compte tenu de l’abrogation par la loi du 17 juin 2008 des dispositions de l’article 2227 du code civil prévoyant que l’Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, aux règles du code civil ou appliquer un régime différent ?

2°) Le courrier par lequel l’administration notifie à un agent public son intention de répéter une somme versée indûment en matière de rémunération a-t-il une incidence sur ce délai ?

3°) Dans l’hypothèse où un titre exécutoire est émis, le délai de prescription est-il interrompu par l’émission du titre ou par sa notification ?

4°) Les sommes versées à titre d’avance de rémunération et les cotisations sociales sont-elles exclues du délai spécial de prescription biennale ?"

L’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler les règles en la matière résultant de l’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l’article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011. Le Conseil d’Etat rappelle à ce titre qu’une somme indûment versée par une personne publique à l’un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement. Peu importe à cet égard que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne puisse plus être retirée.

Toutefois, c’est le délai de droit commun de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil qui s’applique dans le cas de paiements indus résultant :

 soit de l’absence d’information de l’administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d’avoir une incidence sur le montant de sa rémunération ;

 soit de la transmission par un agent d’informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale.

Ce sont les deux seules exceptions précise le Conseil d’Etat. A cet égard le délai de deux ans au delà duquel l’administration ne peut plus demander de remboursement du trop versé est applicable à l’ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d’avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales.

Quant aux règles relatives aux causes d’interruption et de suspension de la prescription biennale, en l’absence de dispositions spécifiques, ce sont celles du code civil qui s’appliquent.

Ainsi une lettre par laquelle l’administration informe un agent public de son intention de récupérer une somme versée indûment interrompt la prescription. La preuve de celle-ci incombe à l’administration. Il en est de même s’agissant d’un ordre de reversement ou l’émission d’un titre exécutoire. C’est la date de notification à l’agent qui doit être prise en compte.

Conseil d’État, 31 mars 2017, N° 405797

[1Photo par @neonbrand via Unsplash