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La jurisprudence de la semaine du 4 au 8 décembre 2017

Dernière mise à jour le 28/02/2018

Assurances / Ecole / Manifestation sur la voie publique

Assurances

 L’assureur "tous risques chantiers" d’une collectivité peut-il invoquer la non déclaration d’une modification du programme des travaux pour exclure sa garantie ?

Oui mais à condition que cette modification traduise une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré qui change l’objet du risque ou en diminue l’appréciation pour l’assureur. En l’espèce, le litige opposait un syndicat intercommunal pour les transports urbains à son assureur "tous risques chantiers" (contrat souscrit pour garantir la construction d’une ligne de tramway). L’assureur refusait de prendre en charge un sinistre survenu sur le chantier en invoquant la nullité du contrat dans la mesure où le syndicat avait omis d’avertir l’assureur, préalablement à la signature du contrat d’assurance, d’une modification du programme des travaux tendant à substituer la construction d’une plateforme à celle d’une dalle de transition sur pieux.

Après avoir obtenu gain de cause devant le tribunal administratif, l’assureur est débouté par la cour administrative d’appel de Douai, ce que confirme le Conseil d’Etat : faisant application de l’article L.113-8 du code des assurances, le Conseil d’Etat précise que lorsque le juge administratif est saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat d’assurance conclu dans le cadre d’un marché public qui a le caractère d’un contrat administratif, il lui appartient, "saisi d’un moyen en ce sens, de rechercher si, lors de la conclusion du contrat, une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré a été de nature à avoir changé l’objet du risque ou à en avoir diminué l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre". S’il répond par l’affirmative, il revient au juge administratif d’écarter l’application du contrat litigieux.

En l’espèce le Conseil d’Etat estime que l’assureur n’a pas été induit en erreur dans l’appréciation du risque dès lors que la modification du programme des travaux constituait une solution équivalente techniquement à celle initialement prévue et ne modifiait pas l’assiette et la consistance globale du projet de construction. Ainsi cette modification n’a ni changé l’objet du risque ni n’en a diminué l’appréciation pour l’assureur lequel doit sa garantie à la collectivité.

Conseil d’Etat, 6 décembre 2017, n°396751

Ecole

 Une collectivité peut-elle refuser d’inscrire un élève à la cantine scolaire en invoquant un manque de places disponibles ?

Non, les collectivités qui choisissent de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit. Les juges érigent ce droit en droit absolu. Les collectivités doivent en conséquence adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent opposer un refus d’inscription au motif de l’absence de places disponibles, et ce, même si le dossier d’inscription a été déposé par les parents hors délai. Ainsi, le règlement des accueils périscolaires de la commune, en tant qu’il subordonne l’inscription à la cantine à l’existence de places vacantes est illégal au regard de l’article L.131-13 du code de l’éducation, issu des dispositions de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. La décision de refus d’inscription prise par le maire sur le fondement de ce règlement est annulée par les juges qui lui enjoignent de réexaminer la demande d’inscription dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. En revanche, le code de l’éducation n’institue pas de droit absolu à l’inscription aux activités périscolaires pour les élèves. Pour ces services (accueils du matin et de l’après-midi), la commune peut ainsi rejeter les demandes d’inscription lorsque la capacité d’accueil qu’elle a déterminée est atteinte.

Tribunal administratif de Besançon, 7 décembre 2017, n° 1701724

Manifestation sur la voie publique

 L’Etat est-il tenu de rembourser à la collectivité les frais exposés pour réparer les dégradations commises à la suite de manifestations d’agriculteurs ?

Oui dans la mesure où les dégradations sur la voie publique ont été le fait d’un attroupement ou d’un rassemblement, au sens des dispositions de l’article L.211-10 du code de la sécurité intérieure. En l’espèce, les dégradations (déversement de détritus et de fumier, pneus brûlés aux abords de ronds-points) avaient été commises dans le cadre d’une manifestation sur la voie publique convoquée par plusieurs organisations syndicales afin d’obtenir un relèvement du prix versé aux producteurs de lait, à laquelle avaient participé plusieurs centaines d’agriculteurs. Les juges considèrent que les conditions de l’article L.211-10 précité sont réunies, les dégradations n’ayant pas été commises par un groupe qui se serait constitué et organisé à seule fin de commettre des délits. La responsabilité de l’Etat doit être engagée.

Une dizaine de jours plus tard, des manifestants ont suspendu à des réverbères, des mannequins dont le décrochage a nécessité l’intervention des services municipaux pour un coût inférieur à 200 euros. Les juges ont considéré que ces derniers agissements n’étaient pas constitutifs du délit de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui, au sens de l’article 322-1 du code pénal [1], et n’engageaient donc pas la responsabilité de l’Etat.

Conseil d’Etat, 7 décembre 2017, N° 400801

[1Aux termes duquel :"La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger.