Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

La jurisprudence de la semaine

Semaine du 8 au 12 juin 2009

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales rendues entre le 8 et le 12 juin 2009 (dernière mise à jour le 23/12/2009).


 [1]

Jurisprudence européenne

 Marchés publics - Coopération intercommunale

La commission européenne reprochait à quatre Landkreise (circonscriptions administratives) d’avoir conclu directement un marché relatif à l’élimination des déchets avec les services de voirie de la ville de Hambourg sans que ce marché de services ait fait l’objet d’un appel d’offres dans le cadre d’une procédure formelle à l’échelle de la Communauté européenne.

La Cour de justice des communautés européennes ( qui rappelle à titre liminaire que "le recours de la Commission porte sur le seul contrat passé entre les services de voirie de la ville de Hambourg et quatre Landkreise voisins et destiné à assurer la mutualisation du traitement de leurs déchets, et non pas sur le contrat par lequel doivent être fixées les relations entre les services de voirie de la ville de Hambourg et l’exploitant de l’installation de traitement des déchets") considère qu’en l’espèce le contrat litigieux n’avait pas à soumis aux règles de mise en concurrence :

s’il ne peut pas être qualifié de prestation in house [2] , "le contrat litigieux instaure une coopération entre collectivités locales ayant pour objet d’assurer la mise en œuvre d’une mission de service public qui est commune à ces dernières, à savoir l’élimination de déchets (...). Il apparaît ainsi que le contrat litigieux constitue tant le fondement que le cadre juridique pour la construction et l’exploitation futures d’une installation destinée à l’accomplissement d’un service public, à savoir la valorisation thermique des déchets. Ledit contrat n’a été conclu que par des autorités publiques, sans la participation d’une partie privée, et il ne prévoit ni ne préjuge la passation des marchés éventuellement nécessaires pour la construction et l’exploitation de l’installation de traitement des déchets".

CJCE, 9 juin 2009, Commission C/ République fédérale d’Allemagne, aff C-480/06


Jurisprudence du Tribunal des conflits

 Création d’une unité de production d’eau de source - but d’intérêt général - travaux publics - compétence du juge administratif

Dès lors que la création d’une unité de production d’eau de source, visant à promouvoir le développement économique et l’emploi sur un territoire communautaire, répond à un but d’intérêt général, les travaux ont le caractère de travaux publics. Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative,sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé.

Tribunal des conflits, 8 juin 2009, N° 3678


 Accident de service causé par un véhicule - Compétence du juge administratif

Un litige ayant trait à la réparation par une collectivité publique des conséquences dommageables de l’accident de service survenu à l’un de ses agents titulaires à l’occasion de l’exercice des ses fonctions n’entre pas dans le champ du régime de droit commun de l’indemnisation des accidents de travail institué par le code de la sécurité sociale. Il relève par suite de la compétence de la juridiction de l’ordre administratif, que l’action ait été intentée sur le fondement des dispositions particulières applicables aux agents des collectivités publiques ou sur un autre fondement. Peu importe que l’accident ait été causé par un véhicule (en l’espèce l’agent a été blessé par une benne à ordures alors qu’il participait à une opération de ramassage des ordures ménagères le 31 mai... 1971).

Tribunal des conflits, 8 juin 2009, n°3697


Jurisprudence judiciaire

 Le coordonateur de sécurité peut-il être déclaré pénalement responsable d’un accident survenu sur le chantier à un tiers ?

Oui. Le coordonnateur en matière de sécurité n’est pas seulement responsable de la sécurité des salariés intervenant sur le chantier en évitant que la co-activité des différentes entreprises soit génératrice de risques. Il lui incombe également de prévenir les éventuelles interférences de personnes extérieures au chantier. En effet le code du travail énonce clairement que le coordonnateur prend les dispositions nécessaires pour que seules les personnes autorisées puissent accéder aux chantiers.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2009, N° 08-82847


 Le fait pour un salarié (ou un agent) de photocopier des documents professionnels peut-il être constitutif d’un vol ?

Oui dès lors que les photocopies sont réalisées à l’insu de l’employeur. La jurisprudence de la Cour de cassation exonère le salarié qui a photocopié des documents nécessaires à sa défense dans un litige prud’hommal [3]. En revanche se rend bien coupable de vol de documents de l’entreprise un salarié qui les
a photocopiés, à l’insu de l’employeur, non pour assurer sa défense
dans un litige prud’homal, mais lors de son audition par les gendarmes sur la plainte pour diffamation déposée contre lui par cet employeur.

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2009, N° 08-86843


 Un bail rural consenti par une commune sans respecter les règles de priorité dont bénéficient certains exploitants est-il nul ?

Oui. La violation de l’obligation d’ordre public imposée au bailleur, personne morale de droit public, de réserver aux exploitants agricoles mentionnés à l’article L. 411-15 du code rural une priorité lorsqu’elle donne en location des biens ruraux est sanctionnée par la nullité du bail.

Cour de cassation, chambre civile 3, 10 juin 2009, N° 08-15533


 La sécurité juridique et le droit au procès équitable s’opposent-ils à l’application immédiate d’une solution nouvelle résultant d’une évolution de la jurisprudence ?.

Non. "La sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable, pour contester l’application immédiate d’une solution nouvelle résultant d’une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s’en prévaut n’est pas privée du droit à l’accès au juge".

Cour de cassation, chambre civile 1, 11 juin 2009, N° 07-14932 et Cour de cassation, chambre civile 1, 11 juin 2009, N° 08-16914


 Accident de service et maladies professionnelles : quels sont les postes de préjudice indemnisés par l’allocation temporaire d’invalidité ?

L’allocation temporaire d’invalidité versée à l’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent ; en l’absence de perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle, cette allocation indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

Cour de cassation, chambre civile 2, 11 juin 2009, N° 07-21816 et Cour de cassation, chambre civile 2, 11 juin 2009, N° 08-11853


Jurisprudence administrative

 Ressources humaines - Directeur de cabinet - Licenciement - Manque de confiance - Régime dérogatoire en Polynésie française

Si la Polynésie française est compétente pour instituer un régime d’emploi spécifique aux collaborateurs de cabinet des autorités de l’assemblée territoriale, dès lors que la création d’un tel régime n’affecte pas, par elle-même, les principes généraux du droit du travail dont la fixation relève de la compétence de l’Etat [4], elle ne peut exercer cette compétence que dans le respect des lois applicables au territoire, notamment de la loi du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l’organisation et au fonctionnement de l’inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française.

Ainsi un contrat de collaborateur de cabinet ne saurait stipuler que le président peut mettre librement fin aux fonctions des directeurs de cabinet et qu’un manque de confiance peut constituer un motif légitime de résiliation du contrat. En effet une telle clause aurait pour effet soustraire les décisions des autorités de l’assemblée de la Polynésie française mettant fin aux fonctions de leurs collaborateurs de cabinet à l’exigence de cause réelle et sérieuse fixée par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1986 et, par suite, au contrôle par le juge du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement d’un salarié, prévu par l’article 8 de la loi.

Conseil d’État, 8 juin 2009, N° 307025

----------------------

 Elections - diffusion d’un tract injurieux - Incidences sur la sincérité du scrutin

Des propos et des insinuations d’une nature et d’une gravité inadmissibles visant un candidat et ses colistiers au cours de la campagne constituent une manœuvre qui, compte tenu de l’absence d’éléments permettant au Conseil d’Etat d’en mesurer les conséquences sur la répartition des suffrages recueillis par chacune des trois listes en présence et de l’écart réduit des voix séparant les deux listes arrivées en têtes, doit être regardée, eu égard au retentissement d’ensemble qu’ils ont eu, comme ayant été de nature à fausser les résultats du scrutin. En particulier la difffusion d’un tract anonyme, qui contient des imputations injurieuses et diffamatoires mettant en cause la vie privée ou la probité des membres de cette liste et qui a été évoqué par la presse et sur internet, excède largement les limites de ce qui peut être toléré dans le cadre de la polémique électorale.

Conseil d’Etat, 8 juin 2009, N° 321974


 Election - Distribution d’argent à des électeurs par les partisans du maire - Altération de la sincérité du scrutin et intégration dans le compte de campagne - Mise à disposition de salle et ingration dans le compte

1° La mise en place d’un système organisé de distribution d’argent par des membres de l’entourage du maire sortant, qui perdure y compris pendant la période électorale, a pu affecter la libre détermination des électeurs. Si l’ampleur de ces dons en argent ne peut être précisément déterminée, ces faits ont été, eu égard à l’écart de voix, de nature à altérer la sincérité du scrutin et à en vicier les résultats.

2° "La réintégration de ces dons d’argent, quel qu’en soit le montant exact, dans le compte qui avait été présenté à l’équilibre, conduit à un excédent des dépenses engagées sur les recettes qu’il retrace".

3° S’il n’y a pas lieu d’inclure dans les comptes de campagne les sommes correspondant à l’utilisation de salles mises gratuitement à disposition par les collectivités territoriales, dès lors que l’ensemble des candidats a pu disposer de facilités analogues, il résulte de l’instruction que la salle du palais des sports gérée par la Communauté d’agglomération et utilisée par un candidat dans le cadre de sa campagne électorale, n’était pas mise à sa disposition à titre gratuit, et n’avait d’ailleurs pas été mise gratuitement à la disposition des autres listes. Les frais correspondant à cette occupation constituent des dépenses de campagne qui devaient figurer dans son compte. Peu importe que le candidat n’ait eu connaissance du coût exact de cette location, à hauteur de 2 629 euros, que par un courrier du 17 juin 2008 de la Communauté d’agglomération.

Conseil d’Etat, 8 juin 2009, N° 322236, N° 322237


 Fonction publique - Agent non titulaire - Intégration directe - Pouvoir du maire

Un maire ne peut légalement se fonder sur la circonstance, à la supposer établie, qu’un agent non titulaire ne remplit pas la condition d’expérience professionnelle prévue au 3° de l’article 4 de la loi du 3 janvier 2001 pour refuser de faire droit à sa demande d’intégration directe. Il lui appartient seulement, le cas échéant, de transmettre la demande de reconnaissance d’expérience professionnelle présentée par l’agent à la commission compétente.

Conseil d’Etat, 10 juin 2009, N° 315764, N° 315765


 Marchés publics - Référé précontractuel - Personnes habilités à agir - Appel à projet - Option entre deux procédures

1° En vertu des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il "appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente". Un juge des référés ne peut annuler une procédure de passation en se fondant notamment sur la méconnaissance de l’exigence de publicité sans rechercher si les irrégularités invoquées, à les supposer établies, étaient susceptibles d’avoir lésé ou risquait de léser l’entreprise requérante.

2° Quand un acheteur public à le choix entre deux procédures, il convient d’appliquer à la procédure de passation du contrat la procédure la plus rigoureuse, soit en l’espèce celle applicable aux conventions de délégation de service public.

[Conseil d’Etat, 10 juin 2009, N° 317671


 Contrat de partenariat - Dialogue compétitif

Les dispositions de l’article L. 1414-5 du code général des collectivités territoriales "n’imposent pas à la personne publique de faire figurer dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les autres documents de consultation les considérations qui justifient son recours à la procédure de dialogue compétitif, mais se bornent à exiger que la mention de ce choix figure dans l’avis de publicité".

Conseil d’Etat, 10 juin 2009, N° 320037


 Marchés publics - Références - Capacités techniques et professionnelles - Mauvaises prestations antérieures

La commission d’appel d’offres ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d’une entreprise dans l’exécution de précédents marchés, sans rechercher si d’autres éléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier des capacités professionnelles, techniques et financières requises par l’article 52 du code des marchés publics. En l’espèce la commission d’appel d’offres a pu valablement écarter la candidature d’une entreprise en raison de l’insuffisance de ses références relatives à des prestations similaires, compte-tenu de ses prestations antérieures et de l’absence de garanties nouvelles suffisantes. En effet la commission d’appel d’offres a pris en compte, pour apprécier les prestations antérieures similaires de la société, ses manquements dans le cadre de précédents marchés (notamment son absence, non contestée, à des réunions hebdomadaires de chantier contractuellement prévues et les conditions dans lesquelles elle a accompli sa mission de sécurité sur un chantier où précisément un incendie s’est déclaré) sans que la société ne justifie avoir fourni des références autres que celles relatives à ces marchés précédemment conclus avec l’acheteur public.

Conseil d’Etat, 10 juin 2009, N° 324153


 Elections - campagne de promotion publicitaire - Journal municipal

Ne constitue pas une campagne de promotion publicitaire prohibée la parution de bulletins municipaux comportant de nombreux articles relatifs à l’action du maire contre la suppression du conseil de prud’hommes de la ville, ainsi que des articles relatant l’avancement d’un projet de village automobile au sein d’un pôle économique et un article rendant compte de la gestion financière de la commune. En effet ces éléments, constituent des informations à caractère général ayant vocation à figurer dans un journal municipal.

Conseil d’État, 11 juin 2009, N° 321573


 Référé liberté - Conditions cumulatives

"Pour l’application des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, les conditions relatives à l’urgence, d’une part, et à l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, d’autre part, présentent un caractère cumulatif". La condition d’urgence "ne saurait être regardée comme remplie du seul fait de l’écoulement du temps".

Conseil d’Etat, 11 juin 2009, N° 328615


 Fonction publique - Licenciement - Insufissance professionnelle - Preuve

Doit être annulé le licenciement d’une directrice directrice générale dès lors que les dysfonctionnements et insuffisances reprochées par le maire ne sont étayées par aucun fait ni aucune pièce précise (à l’exception des conditions de transmission du budget supplémentaire de la commune à la trésorerie). D’ailleurs la commission administrative paritaire consultée sur la demande de licenciement a émis un avis défavorable au motif que les pièces fournies par l’autorité territoriale n’étaient pas suffisamment probantes pour démontrer l’insuffisance professionnelle de l’agent.

Conseil d’Etat, 12 juin 2009, n° 312332 et n° 314677


 Dommages de travaux publics - Réseau d’évacuation des eaux pluviales - Pollution de l’eau du puits - Responsabilité de la commune (oui)

Une commune est responsable du décès de plusieurs chèvres dès lors qu’il est établi que le réseau d’eaux pluviales de la commune est saturé et que son trop plein contamine l’eau du puits servant d’alimentation en eau à l’élevage caprin. Toutefois, la responsabilité de la commune est limitée à la moitié des conséquences dommageables de la pollution en raison de la configuration du terrain, ce dernier situé en contre-bas étant "naturellement destiné à recevoir des eaux de ruissellement".

TA Orléans, 12 juin 2009, n°0704171

[1Photo : © Gary Blakeley

[2"en effet les quatre Landkreise concernés n’exercent aucun contrôle qui pourrait être qualifié d’analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services"

[3Rien ne semble s’opposer à ce que cette jurisprudence s’étende aussi aux fonctionnaires dans le cadre d’une procédure disciplinaire engagée à leur encontre.

[4en application des dispositions du 12° de l’article 3 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française