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Chute d’un élu dans les escaliers à la sortie du conseil : la collectivité responsable

Cour administrative d’appel de Marseille, 2 octobre 2017, N° 15MA04388

Un élu qui tombe dans les escaliers en sortant du conseil peut-il obtenir réparation auprès de l’assureur responsabilité civile de la collectivité ?

Oui sauf s’il a lui même commis une faute de nature à exonérer, partiellement ou totalement, la collectivité. En effet les collectivités territoriales sont responsables des accidents survenus aux élus dans l’exercice de leurs fonctions notamment à l’occasion de leur participation aux réunions du conseil. L’élu victime dispose d’une action directe contre l’assureur responsabilité de la collectivité. Pour autant cette action directe suppose que la collectivité puisse être déclarée préalablement responsable du dommage à l’égard de la victime qui choisit d’engager ladite action directe. Tel est bien jugé le cas en l’espèce pour un élu tombé dans les escaliers à la sortie d’une réunion du conseil de la collectivité territoriale de Corse, l’élu n’ayant commis aucune imprudence. A contrario, si une faute avait pu être imputée à l’élu (ex : escalier descendu en sautant des marches ou en consultant son smartphone), la collectivité aurait pu être exonérée. D’où l’intérêt pour les élus de souscrire une garantie d’indemnisation du dommage corporel (laquelle est incluse dans le contrat "Sécurité élus" que propose SMACL Assurances).

En sortant d’une réunion de la collectivité territoriale de Corse, un élu tombe dans les escaliers. Incapable de se relever il doit être transporté par les pompiers au centre hospitalier d’Ajaccio. Bilan : facture spiroïde avec fracture proximale du tibia droit et une fracture distale du péroné.

Il recherche la responsabilité de la collectivité territoriale et assigne par la même occasion l’assureur responsabilité civile de la collectivité. La caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Corse se joint à son action et demande au tribunal de condamner l’assureur de la collectivité à lui verser une somme de 17 082,34 euros au titre des prestations versées en rapport avec l’accident dont a été victime et de lui allouer l’indemnité forfaitaire prévue par l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, qui s’élève en l’espèce à la somme de 1 037 euros.

En effet, il résulte des dispositions des articles L.2123-31 et L. 2123-33 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que les communes sont responsables des dommages :

 subis par les maires, les adjoints et les présidents de délégation spéciale dans l’exercice de leurs fonctions ;

 subis par les conseillers municipaux et les délégués spéciaux lorsqu’ils sont victimes d’accidents survenus soit à l’occasion de séances des conseils municipaux ou de réunions de commissions et des conseils d’administration des centres communaux d’action sociale dont ils sont membres, soit au cours de l’exécution d’un mandat spécial.

Ces dispositions sont applicables, par renvoi du CGCT, aux conseillers communautaires, départementaux et régionaux.

Le tribunal administratif de Bastia déclare l’assureur de la collectivité responsable des conséquences dommageables de l’accident et le condamne à payer à la victime une somme de 13 700 euros [1] et à la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Corse une somme de 18 119,34 euros.

L’assureur objecte qu’il ne peut juridiquement être tenu responsable du dommage. La cour administrative d’appel de Marseille retient l’objection : non pas que l’assureur ne doive pas indemniser la victime au titre du contrat d’assurance, mais qu’il ne puisse être déclaré responsable de l’accident. En effet si l’action directe dont dispose la victime contre l’assureur du responsable du dommage, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l’action en responsabilité contre l’auteur du préjudice en ce qu’elle poursuit l’exécution de l’obligation de réparer qui pèse sur l’assureur en vertu du contrat d’assurance. Ainsi, "l’action directe contre l’assureur n’est ouverte qu’autant que l’assuré puisse être déclaré préalablement responsable du dommage à l’égard de la victime qui choisit d’engager ladite action directe".

Tel est bien jugé le cas en l’espèce dès lors que la victime participait à la réunion en sa qualité d’élu, membre du conseil exécutif de la collectivité, et qu’elle n’avait commis aucune faute à l’origine de l’accident.

Dans le cas contraire (ex : descente de l’escalier en consultant son smartphone ou en sautant les marches), la collectivité aurait pu être exonérée. C’est ainsi que dans d’autres espèces soumises aux juridictions administratives, ont été jugés fautifs :

 le maire monté imprudemment sur un toit pour dégager un arbre tombé sur un hangar communal, exonérant la collectivité pour un quart du préjudice subi [2] ;

 le maire qui perd le contrôle de son véhicule en se rendant à une réunion exonérant ainsi totalement la collectivité [3] ;

 l’élu qui tente d’assurer seul la stabilité de buts de football alors « qu’eu égard notamment au poids des éléments » il aurait dû solliciter de l’aide, la collectivité étant ainsi exonérée d’un tiers de sa responsabilité [4] ;

 le maire qui « traverse en diagonale, sans prêter suffisamment attention aux véhicules en circulation, un route nationale très fréquentée, loin des feux tricolores et à un endroit où le passage pour piétons n’était pas matérialisé par la suite de la réfection de la chaussée », déchargeant ainsi la commune de la moitié de sa responsabilité [5] ;

 l’élu qui en surveillant des travaux s’approche « d’une foreuse afin de rechercher les difficultés rencontrées par cet engin sans faire procéder à l’arrêt de celui-ci » et qui est ainsi « pour partie responsable de l’accident causé par la projection d’une masse métallique que la foreuse a mis à jour ». La responsabilité de la commune est ainsi limitée à 50 % des conséquences dommageables de l’accident [6] ;

 l’adjoint au maire qui se rendant en deux-roues à une séance du conseil municipal est renversé par une voiture après ne pas avoir marqué le signal stop à un carrefour. Cette faute est de nature à exonérer la commune de toute responsabilité [7] ;

 le maire qui est victime d’un accident en procédant au nivellement d’un terrain, son imprudence exonérant la commune pour un tiers de sa responsabilité [8].

D’où l’intérêt pour les élus de souscrire une assurance personnelle les couvrant notamment des dommages subis dans l’exercice de leurs fonctions.

Cour administrative d’appel de Marseille, 2 octobre 2017, N° 15MA04388

[1Avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2014.

[2TA Poitiers 27 mars 1985, Rec CE 1985, tables, p.519

[3TA Nice 15 mai 1986 ; Sur pourvoi le Conseil d’Etat – CE 20 janvier 1989 n° 80606 – confirme l’absence de responsabilité de la collectivité mais en relevant que l’élu n’était pas titulaire d’un mandat spécial

[4CE 14 décembre 1988, n°61492

[5CE 25 février 1983 n°23644

[6CE 24 juillet 1981 n° 16454

[7CE 6 octobre 1971 n°78120

[8CE 27 novembre 1970 n°75992