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Harcèlement sexuel, sanction disciplinaire et présomption d’innocence

Conseil d’Etat, 20 mai 2009, N° 309961

Un fonctionnaire accusé de harcèlement sexuel peut-il être sanctionné disciplinairement alors que la plainte a été classée sans suite ? [1]

Un lieutenant-colonel, chef de corps d’un groupement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, est accusé de harcèlement sexuel par une jeune recrue. Son ministre de tutelle le suspend de ses fonctions, puis prononce une sanction de quinze jours d’arrêt.

Le gradé attaque ces décisions en invoquant le principe de présomption d’innocence et en relevant que la plainte déposée au pénal a été classée sans suite. Peu importe, lui répond le Conseil d’Etat qui confirme la légalité des mesures prises :

 il ressort des pièces du dossier, d’une part, que les éléments portés à la connaissance de l’autorité militaire étaient de nature à révéler une faute grave, d’autre part, que les conséquences du comportement du lieutenant-colonel étaient susceptibles d’entacher l’autorité et la crédibilité de cet officier supérieur investi d’un commandement.

 "la mesure de suspension étant une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service, les moyens tirés de la méconnaissance du droit à la présomption d’innocence et de ce que la plainte déposée par la recrue devant le juge pénal aurait été classée sans suite ne peuvent, en tout état de cause, qu’être écartés" ;

 en nouant des relations personnelles avec une jeune recrue placée directement sous ses ordres, dans des conditions qui ont conduit le sapeur dont il s’agit à porter plainte pour des faits de harcèlement sexuel, et ont entraîné au sein du service des perturbations dues à la suspicion de favoritisme apparue auprès des autres recrues, le lieutenant-colonel a manqué à la retenue exigée d’un supérieur hiérarchique et aux obligations qui découlent de l’exercice de ses fonctions. Ainsi le ministre de la défense a pu qualifier de fautif le comportement de ce militaire et n’a pas entaché sa décision d’une disproportion manifeste en infligeant à l’intéressé la sanction de quinze jours d’arrêts.

 eu égard à l’indépendance de la procédure pénale et de la procédure disciplinaire, le lieutenant-colonel ne peut utilement invoquer l’absence de condamnation pénale à son encontre.

[1Crédits photos : © Georges Chamberlain