
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 6 juin 2017, N° 15BX01624
Une erreur d’appréciation du personnel communal sur la gravité d’une chute dans la cour de récréation pendant la pause méridienne est-elle susceptible d’engager la responsabilité de la commune ?
Oui dès lors que la surveillance de la pause méridienne (hormis les 10 minutes précédant la reprise des cours) relève de la responsabilité de la collectivité. Encore faut-il qu’une faute de la commune soit bien avérée. En l’espèce une élève âgée de 8 ans s’est blessée en faisant une chute dans un escalier alors qu’elle faisait la course avec une camarade pendant la pause méridienne. L’accident a eu lieu vers 12h30 pendant la récréation après la cantine et avant la reprise des cours. Il n’est pas contesté que le nombre d’adultes affectés à la surveillance des élèves durant la pause méridienne était suffisant, eu égard au nombre d’enfants à encadrer. Il n’est pas établi non plus qu’une surveillance accrue des élèves aurait permis d’éviter l’accident. En revanche, le retard dans la prise en charge de l’enfant par les services de secours, révèle une faute dans l’organisation du service de nature à engager la responsabilité de la commune. En effet immédiatement après l’accident, l’enfant n’a reçu aucun soin si ce n’est une toilette par un agent de service. Et l’agent communal chargé du service de restauration scolaire n’a pas jugé opportun d’appeler les services de secours, se bornant à contacter les parents. Peu importe qu’il ne pouvait soupçonner l’existence de lésions internes liées au traumatisme abdominal, le saignement abondant provoqué par le traumatisme à la bouche justifiait à lui seul d’alerter sans délai les services de secours. En revanche, la responsabilité de l’Etat est écartée, l’accident ayant eu lieu pendant le temps périscolaire après la cantine et avant la reprise des cours. Seule la responsabilité de la commune est donc engagée.
Une enfant âgée de huit ans se blesse en faisant une chute dans un escalier alors qu’elle faisait la course avec une camarade durant la pause méridienne dans la cour de l’école primaire. Le personnel communal qui surveille la récréation fait une toilette de l’enfant qui saigne à la bouche. Il n’est pas jugé opportun d’appeler les secours. Ce n’est que vers 14 heures, soit une heure trente après la chute, que l’enfant est finalement pris en charge par les services de secours.
Entre-temps les parents ont été prévenus et prennent en charge l’enfant. Le diagnostic médical révèle un traumatisme à la bouche avec enfoncement des incisives supérieures et un traumatisme abdominal avec perforation du duodénum qui nécessite une intervention chirurgicale.
Imputant l’accident de leur fille à un défaut de surveillance, les parents recherchent la responsabilité de l’Etat et de la commune.
Les juridictions administratives écartent tout défaut de surveillance :
d’une part le nombre d’adultes affectés à la surveillance des élèves durant la pause méridienne était suffisant, eu égard au nombre d’enfants à encadrer ;
d’autre part il n’est pas établi qu’une surveillance accrue des élèves aurait permis d’éviter l’accident.
En somme ce type d’accident est inhérent à la vie normale d’une cour de récréation.
Si la cour administrative d’appel de Bordeaux n’en retient pas moins la responsabilité de la commune, ce n’est pas pour sanctionner un défaut de surveillance, mais une erreur d’appréciation du personnel qui n’a pas jugé opportun d’appeler les services de secours. La commune ne saurait en effet s’exonérer en soutenant que les agents ne pouvaient soupçonner l’existence de lésions internes liées au traumatisme abdominal que seul un examen médical approfondi a pu déceler. En effet, le saignement abondant provoqué par le traumatisme à la bouche justifiait à lui seul que les services scolaires préviennent sans attendre les services de secours :
"Ainsi, en se bornant à contacter les parents de la jeune B..., le personnel communal n’a pas réagi de manière appropriée à la situation, dès lors que ce comportement a retardé la prise en charge médicale de la victime. Ce retard de prise en charge, qui révèle une faute dans l’organisation du service, est de nature à engager la responsabilité de la commune".
En tout état de cause, les juges ayant écarté tout défaut de surveillance, les parents ne peuvent obtenir réparation que des seuls postes de préjudice qui résultent du retard dans la prise en charge médicale de l’enfant.
En revanche la responsabilité de l’Etat est écartée. En effet :
la seule présence d’un enseignant au moment de l’accident n’est pas, à elle seule, de nature à établir que la direction de l’école a commis une faute dans la surveillance des élèves susceptible d’entraîner la responsabilité de l’Etat ;
il résulte des dispositions de l’article D. 321-12 du code de l’éducation que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée que sur le temps scolaire qui débute 10 minutes avant l’entrée en classe. Ainsi en l’espèce, la responsabilité de l’Etat ne pouvait être recherchée qu’à partir de la prise en charge des élèves par les enseignants, qui a lieu dans l’établissement à 13h20 (soit dix minutes avant l’entrée en classe), la surveillance des enfants étant alors assurée sous la responsabilité du chef d’établissement, soit par les personnels communaux, soit par les enseignants (selon que les enfants se trouvent dans les locaux où a lieu la sieste ou dans les classes qu’ils regagnent au fur et à mesure de leur réveil). En revanche, avant 13h20, pendant les activités périscolaires, les enfants restaient placés sous la seule responsabilité de la commune. Seule la commune peut donc être déclarée responsable de l’accident qui s’est produit vers 12h30 après le déjeuner à la cantine et avant la rentrée en classe.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 6 juin 2017, N° 15BX01624
Ce qu'il faut en retenir
La surveillance des temps périscolaires (pause méridienne incluse) relève de la responsabilité de la commune.
Tout accident ne révèle pas nécessairement un défaut de surveillance. En l’espèce les juges relèvent que le taux d’encadrement était suffisant et qu’une surveillance accrue n’aurait pas permis d’éviter l’accident.
Si la responsabilité de la commune est néanmoins retenue c’est parce que les agents n’ont pas jugé opportun d’appeler les services de secours. Il n’est pas reproché au personnel de ne pas avoir suspecté une lésion interne qui n’a pu être décelée qu’après examen médical approfondi, mais cet exemple démontre qu’une chute d’apparence anodine peut avoir des répercussions insoupçonnées.
Ce n’est jamais du luxe de rappeler régulièrement aux cantiniers, aux ATSEM, et aux encadrants des activités périscolaires, la procédure à suivre en cas d’accident. Il est toujours préférable, en cas de doute, d’appeler les secours par excès de précaution que l’inverse.
Cet exemple démontre aussi l’utilité de consigner par écrit l’heure précise de l’accident. Ainsi, en l’espèce, si le même accident s’était produit à 13h21 (soit dans le délai des 10 minutes avant la reprise des cours) la responsabilité de l’Etat se serait substituée à celle de la commune.
Texte de référence
Article D. 321-12 du code de l’éducation
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