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Modification intéressée du PLU : l’abstention au moment du vote ne suffit pas à écarter toute prise illégale d’intérêts

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 février 2017, N° 16-82039

Un élu intéressé par une délibération (ici modification du PLU passant en zone constructible des parcelles lui appartenant) commet-il un délit de prise illégale d’intérêts s’il reste dans la salle bien qu’il ne participe pas au vote ?

Oui. La simple abstention au moment du vote ne suffit pas à écarter toute prise illégale d’intérêts : les élus intéressés par la délibération doivent également sortir de la salle pour éviter tout soupçon d’influence. Rappelons également qu’ils ne doivent pas non plus participer aux débats, ni à l’instruction du dossier. Sont ainsi condamnés pour prise illégale d’intérêts deux adjoints au maire dont les terrains sont passés en zones constructibles à la faveur d’une modification du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. S’ils se sont abstenus lors de la dernière délibération, ils sont néanmoins restés dans la salle. La Cour de cassation confirme la condamnation des deux élus à cinq mois d’emprisonnement avec sursis et à 40 000 euros d’amende chacun en relevant que :

▶️ d’une part "la participation, serait-elle exclusive de tout vote, d’un adjoint au maire d’une commune à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du code pénal" ;

▶️ d’autre part, "l’article 432-12 du code pénal n’exige pas que l’intérêt pris par le prévenu soit en contradiction avec l’intérêt communal".

Deux adjoints au maire d’une commune de 2000 habitants sont poursuivis pour prise illégale d’intérêts. Il leur est reproché d’avoir profité de la modification du plan local d’urbanisme de la commune pour passer des parcelles leur appartenant en zone constructible en participant aux délibérations et aux votes des conseils municipaux qui ont porté sur l’arrêt du projet de plan local d’urbanisme et son approbation. S’ils se sont abstenus lors d’une troisième et dernière délibération sur le sujet, ils sont néanmoins restés dans la salle.

Pour leur défense, les deux prévenus objectent qu’ils n’ont pas participé au vote de la dernière délibération. La cour d’appel leur répond que l’abstention qu’ils ont observée à l’occasion du dernier vote, sans avoir quitté la salle du conseil, loin d’être une cause d’exonération, témoigne au contraire de la conscience qu’ils avaient acquise des problèmes posés par leur participation active à une décision à laquelle ils avaient un intérêt direct...

La Cour de cassation confirme leur condamnation à cinq mois d’emprisonnement avec sursis et à 40 000 euros d’amende chacun :

 d’une part "la participation, serait-elle exclusive de tout vote, d’un adjoint au maire d’une commune à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du code pénal" ;

 "d’autre part, l’article 432-12 du code pénal n’exige pas que l’intérêt pris par le prévenu soit en contradiction avec l’intérêt communal".

Ainsi la simple abstention au moment du vote ne suffit pas à écarter toute prise illégale d’intérêts : les élus intéressés par la délibération doivent également sortir de la salle pour éviter toute surveillance et tout soupçon d’influence. Rappelons également qu’ils ne doivent pas non plus participer aux débats, ni à l’instruction du dossier.

En revanche la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il a accueilli la constitution de partie civile d’un voisin qui invoquait un préjudice lié à la modification de son cadre de vie et des troubles de jouissance survenus dans un secteur jusque là peu urbanisé. En effet, aux termes de l’article 2 du code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Or la construction des logements sur la parcelle de l’élu n’est pas en relation directe avec le délit de prise illégale d’intérêts.

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 février 2017, N° 16-82039