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Suspicions de finalités commerciales entachant une demande de communication des listes électorales : les pouvoirs du maire

Conseil d’Etat, 2 décembre 2016, N° 388979

Le maire peut-il refuser de communiquer la liste électorale à un électeur qu’il suspecte d’avoir des finalités commerciales bien que l’intéressé se soit engagé à un usage conforme aux dispositions du code électoral ?

Oui s’il existe, au vu des éléments dont le maire dispose, des raisons sérieuses de penser que l’usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial. Le maire peut solliciter du demandeur qu’il produise tout élément d’information de nature à lui permettre de s’assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu’un usage conforme aux dispositions des articles L. 28 et R. 16 du code électoral. Si le demandeur refuse d’apporter des précisions, cet élément pourra être pris en compte par le maire, sous le contrôle du juge, pour motiver un refus. Est ainsi justifié le refus d’un maire de communiquer les listes électorales à un électeur, installé sur une autre commune où il exerce une activité de " conseil juridique au soutien des entreprises ", qui s’est abstenu de fournir toute explication sur les motifs de sa demande après avoir déjà tenté d’obtenir communication des listes électorales dans un autre commune. Peu importe que l’intéressé ait bien pris l’engagement de n’en faire aucun usage commercial.

Un administré demande au maire du Mans d’avoir communication de la liste électorale de la commune. Le maire met en doute l’engagement pris par l’intéressé de ne faire aucun usage commercial de la liste et lui demande de lui fournir des précisions sur l’usage qu’il entendait effectivement réserver à ces informations.

Sans réponse de l’intéressé, le maire refuse de lui donner communication de la liste électorale de la commune. Le refus est validé par le tribunal administratif dès lors :

 que l’intéressé exerce à Cholet, où il est électeur, une activité de " conseil juridique au soutien des entreprises " ;

 qu’il a déjà sollicité la communication de la liste électorale de la commune d’Angers ;

 et qu’il s’est abstenu de fournir toute explication sur les motifs de sa demande.

Le Conseil d’Etat confirme la légalité du refus opposé par le maire au demandeur :

 "S’il existe, au vu des éléments dont elle dispose et nonobstant l’engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l’usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial, l’autorité compétente peut rejeter la demande de communication de la ou des listes électorales dont elle est saisie".

 "Il lui est loisible de solliciter du demandeur qu’il produise tout élément d’information de nature à lui permettre de s’assurer de la sincérité de son engagement de ne faire de la liste électorale qu’un usage conforme aux dispositions des articles L. 28 et R. 16 du code électoral".

 "L’absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte parmi d’autres éléments, par l’autorité compétente afin d’apprécier, sous le contrôle du juge, les suites qu’il convient de réserver à la demande dont elle est saisie".

C’est ainsi à bon droit que le tribunal administratif a jugé que, dans les circonstances de l’espèce, le maire du Mans avait pu légalement estimer qu’il existait des raisons sérieuses de penser que l’usage des listes électorales par l’intéressé risquait, en dépit de l’engagement pris par celui-ci, de revêtir, au moins en partie, un caractère commercial et refuser, pour ce motif, de faire droit à sa demande de communication.

Conseil d’Etat, 2 décembre 2016, N° 388979