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Signalisation ambiguë, responsabilité retenue ?

Cour d’appel de Besançon 27 octobre 2009, n°08/01353

Une ambiguïté de la signalisation peut-elle être sanctionnée pénalement en cas d’accident ?


 [1]

En août 2005, en prévision d’une manifestation, le maire d’une commune du Doubs (3000 habitants) fait fixer une barre métallique sur une voie desservant un stade de football et matérialisée par un panneau « voie sans issue ». Ne disposant pas de peinture pour signaler cet obstacle, l’employé communal colle des bandes rétro-réfléchissantes. Trois heures plus tard un adolescent se tue en heurtant la barre avec son scooter.

Mis en examen pour homicide involontaire, le maire bénéficie dans un premier temps d’un non lieu. Sur appel du parquet, la chambre de l’instruction en décide autrement et renvoie l’élu en correctionnel.

Pour sa défense l’élu soutient que :

 « l’ancienne voie du stade a été dématérialisée et intégrée dans le terrain de football de sorte qu’elle ne peut être considérée, ni comme une voie publique, ni comme un chemin rural, seules voies sur lesquelles le maire peut exercer ses pouvoirs de police » ;

 un arrêté, pris en 1998, interdit la circulation des véhicules terrestre à moteur sur la portion considérée ;

 La barrière a été posée en lieu et place d’un bloc de béton et a fait l’objet d’une signalisation par des dispositifs réfléchissants.


Condamnation en première instance

Dans un jugement du 5 novembre 2008, le TGI de Besançon (TGI Besançon 5 novembre 2008 n° 1727 condamne l’élu à 6 mois d’emprisonnement avec sursis :

 « la victime circulait sur l’emprise d’une voie encore dénommée rue du stade, régulièrement fréquentée par des véhicules à moteur » comme l’attestent notamment les photos aériennes des lieux. Peu importe que cette voie, qui était interdite à la circulation depuis un arrêté pris en 1998, était recouverte sur une partie en amont du lieu de l’accident d’une couche de sable en prolongement d’un stade stabilisé. Or il résulte des dispositions de l’article L2213-1 du CGCT que « le maire exerce la police de la circulation sur (…) les voies de communication à l’intérieur des agglomérations ». « Ce texte vise un état de fait et au cas d’espèce, il ne peut sérieusement être allégué que cette voie n’existait plus puisqu’elle était régulièrement empruntée ».

 Si une interdiction de circuler sur cette voie avait bien été prise par arrêté du maire le 26 juin 1998, aucune signalisation correspondante n’avait été mise en place. La matérialisation de la barrière par trois autocollants réfléchissants est jugée manifestement insuffisante, ce d’autant plus que l’obstacle se confondait naturellement en cas d’exposition au soleil à la couleur du revêtement. De fait, pour le tribunal, le maire en était pleinement conscient puisque celui-ci a déclaré aux enquêteurs avoir programmé des travaux de peinture sur la barrière dans les jours suivants son installation.

 « Le dispositif de régulation de la circulation constitué avant l’accident de trois imposants gavions disposés en chicanes était parfaitement visible de loin. L’enlèvement du gabion central et la fermeture de la voie par la fixation d’une barrière métallique ronde (…) a considérablement réduit la visibilité de cet obstacle, ce qui ne pouvait échapper à l’attention d’un élu expérimenté [préalablement à son mandat de maire, l’élu avait exercé les attributions d’adjoint délégué aux travaux] (…) ni même au bon sens élémentaire ».

Sur l’action civile le tribunal retient sa compétence pour condamner l’élu à verser plus de 80 000 de dommages et intérêts aux ayant-droits de la victime. Le tribunal relève à cet égard que « la compétence de la juridiction répressive pour statuer sur l’action civile jointe à l’action publique n’est pas discutée ». La Cour de cassation n’a-t-elle pourtant pas rappelé :

1° que les règles de compétence sont d’ordre public et doivent être soulevées au besoin d’office par les juges ;

2° que les juridictions judiciaires ne peuvent condamner un élu à indemniser les victimes qu’après avoir expressément retenu une faute personnelle détachable du service ?


Relaxe en appel

Les magistrats de la Cour d’appel [2] relèvent que l’ancienne rue du stade était fréquemment utilisée par les jeunes gens de la commune, sans qu’aucune verbalisation n’ait jamais été réalisée. Par ailleurs l’arrêté municipal du 26 juin 1998 interdisant la circulation des véhicules à moteur sur cette voie n’a jamais été suivi de la pose d’une signalisation correspondante de sorte que la signalisation sur place demeurait ambiguë.

Ainsi le maire " a commis une faute caractérisée en ne faisant pas correspondre la signalisation aux dispositions de la circulation".

Pour autant l’élu est relaxé. En effet, les magistrats relèvent que le maire n’a pas eu conscience du danger ainsi crée. Le tribunal relève en effet que :

 "Ce n’est pas la réalisation de l’accident qui permet de retenir la conscience du risque encouru" ;

 Il est certain que le maire, en se rendant sur place à l’achèvement des travaux, "n’a pas mesuré qu’un risque était encouru par les usagers, et ce d’autant plus que la barrière venait remplacer un gabion qui, pour le moins, ralentissait sérieusement la circulation".

Sur l’action civile la Cour d’appel décline la compétence des juridictions judiciaires dès lors que "l’agent d’un service public ne peut être tenu personnellement responsable des conséquences dommageables d’un acte délictueux qui si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions".

[1Photo : © Péter Gudella

[2Cour d’appel de Besançon 27 octobre 2009, n°08/01353